Le sablier. Otage au Sahara pendant 450 jours, Édith Blais

En janvier 2019, les familles de la Québécoise Édith Blais et de l’Italien Luca Tacchetto ont lancé un appel à l’aide à la suite de leur disparition en Afrique. Pendant 15 mois, le mystère reste entier. Après 450 jours de détention, au moment où la planète entière tente de composer avec un nouveau virus qui vient à peine d’être baptisé COVID-19, les deux amis parviennent à prendre la fuite. Que leur est-il arrivé? Pourquoi se trouvaient-ils dans cette zone à risque? Comment ont-ils pu s’échapper? Le sablier, qui paraît cette semaine aux Éditions de l’Homme, répond à ces questions.



Originaire de Sherbrooke, Édith Blais est une artiste et une cuisinière. Grande voyageuse en quête d’authenticité, elle a notamment bourlingué dans l’Ouest canadien, où elle a fait la connaissance de Luca, et en Amérique latine. C’est sa rencontre avec un Togolais en Californie qui a attisé son désir de découvrir le continent africain. Ce dernier s’apprêtait à démarrer un projet de permaculture au Togo et projetait d’accueillir des voyageurs souhaitant lui donner un coup de main, notamment pour reboiser une terre avec des arbres fruitiers indigènes.

En novembre 2018, Édith rejoint Luca en Italie. Après avoir célébré le 30e anniversaire de ce dernier et de sa sœur jumelle, ils mettent les voiles vers Gênes. Au programme des prochains mois: la France, l’Espagne, le Maroc, le Burkina Faso et le Togo en voiture. Leur traversée vers l’Afrique s’inspire du trajet qu’avait l’habitude d’emprunter un ami allemand du Togolais et de l’oncle d’Édith, qui a vécu en Afrique pendant plusieurs années.

L’auteure relate avec enthousiasme le début du périple: «Le lendemain, sur le bateau, nous observions, impatients, le continent africain qui se rapprochait peu à peu, écrit-elle après avoir quitté l’Europe. Le soleil semblait déjà différent tout là-haut. Nous nous souriions, heureux et excités. J’étais sur le point de réaliser mon rêve d’enfance: découvrir l’Afrique et son âme ancestrale!» C’est la méconnaissance de certaines réalités africaines et un changement d’itinéraire de dernière minute vers le Bénin qui a mené à leur kidnapping.

Le sablier. Otage au Sahara pendant 450 jours, Édith Blais. Éditions de l'Homme. 2021. 29.95$.

Haletant, le récit nous entraîne dans le monde des djihadistes, entre les transferts à moto, en camionnette et en pinasse, le quotidien des otages et les difficultés à communiquer sans connaître ni la langue, ni les codes culturels. On assiste à un cours en accéléré sur les méthodes employées par les ravisseurs, sans toutefois pouvoir tout saisir de leur modus operandi. Encore aujourd’hui, les raisons de certains agissements échappent toujours à Édith Blais.

Après s’être retrouvée dans un campement avec d’autres femmes, l’une d’elles lui donne un stylo. Elle se met alors à écrire des poèmes. Quand elle manque d’encre, elle poursuit l’exercice en utilisant de la cendre. Au moment de sa fuite, elle parvient à sauver 57 créations qu’elle dissimule dans une pochette à la taille, dont certains se retrouvent dans le livre. Ses illustrations parsèment aussi les 296 pages du récit.

Captivant jusqu’à la fin, Le sablier permet de mieux comprendre ce qui a mené à l’enlèvement du tandem, puis à son évasion, mais laisse tout de même les lecteurs avec cette question récurrente: comment, alors que la présence de groupes armés dans le Sahel est bien connue, peut-on en venir à souhaiter effectuer malgré tout un tel périple en voiture? La réponse se trouve sans doute quelque part entre un désir d’aventure qui transcende tout le reste, une confiance en sa bonne étoile et une certaine naïveté.

L’avant-propos rédigé par David Morin, professeur titulaire à l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke et cotitulaire de la Chaire UNESCO en prévention de la radicalisation et de l’extrémisme violents (UNESCO-PREV) et François Audet, professeur agrégé à l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal et directeur de l’Observatoire canadien sur les crises et l’action humanitaire (OCCAH), aide à comprendre un peu mieux le contexte des enlèvements par les groupes djihadistes.

Fort bien racontée, l’histoire d’Édith Blais se lit d’une traite. Il ne fait aucun doute que Le sablier connaîtra un franc succès.