Photo: Anne Pélouas

Traversée des 3 Vallées: une longue randonnée d’exception

De la fin de juin à la fin de septembre, on peut effectuer en six jours le circuit pédestre balisé de la Traversée des 3 Vallées en haute montagne savoyarde, avec coucher en refuges d’altitude. 



«Ce n’est pas la Savoie qui a été rattachée à la France, mais la France qui a été rattachée à la Savoie» (en 1860), répètent souvent les Savoyards. Dans les Alpes, ce département est en tout cas reconnu pour son art de vivre (notamment gourmand) et sa nature singulière dans les montagnes alpines. Quoi de mieux pour le découvrir que de prendre son sac à dos (sans excès de stock), ses bottes et ses bâtons de marche pour partir à l’aventure sur la Traversée des 3 Vallées, partie du Grand Tour de la Tarentaise (GTT)?

Le Grand Tour de la Tarentaise

La vallée de la Tarentaise est un «pays» à part en Savoie, situé entre le Beaufortain, la vallée de la Maurienne et l’Italie. Elle s’inscrit dans un écrin de montagnes, avec le glacier de la Galise (3276 mètres) et La Grande Casse, imposant point culminant à 3855 mètres, pour porte-étendards.

Dans ce décor grandiose, Le Grand Tour de la Tarentaise est une longue randonnée de 27 jours en montagne, qui transite en partie par le parc national de la Vanoise et dans les cinq réserves naturelles nationales qui le jouxtent. On peut bien sûr accomplir des étapes plus courtes, à la journée ou sur quelques jours seulement, comme je l’ai fait en traversant à pied «les trois vallées» de Courchevel, de Méribel et de Belleville dans un environnement toujours somptueux.

Le parcours nécessite une bonne condition physique et surtout de l’endurance, vu la longueur des étapes et les conditions météo parfois changeantes, comme souvent en haute montagne.

Jour 1: à la porte du GTT et du parc de la Vanoise

Au-dessus de Pralognan, dans le vallon de Chavière, le Pont de la Pêche constitue notre point de départ, avec moins d’une heure de montée pour atteindre le refuge du Roc de la Pêche où l’on passe la nuit, entouré de montagnes et face à une vallée surmontée d’un glacier. Ce refuge est la porte d’entrée du GTT et du parc national de la Vanoise, que nous traverserons ou longerons plusieurs fois en six jours.

Photo: Anne Pélouas

Jour 2: un premier col et le Petit Mont Blanc 

Au matin, nous entamons une montée continue à flanc de montagne jusqu’au col du Mône, avalant déjà plus 600 mètres de dénivelé!

Au royaume de la caillasse (caillou) agrémentée de jolies fleurs, nous nous hissons jusqu’au col d’où la vue embrasse en contrebas le torrent du Doron de Chavière et toute la vallée vers Pralognan.

Photo: Anne Pélouas

Un léger détour nous amène au sommet du Petit Mont Blanc, tout en gypse crayeux. Comme on approche, le vent se met de la partie. À 2677 mètres, à l’heure du lunch, on comprend pourquoi certains randonneurs s’abritent dans de grands trous dont le gardien du refuge suivant nous dira qu’il s’agit d’entonnoirs de dissolution de la roche saline.

Photo: Anne Pélouas

La vue s’étend vers les glaciers des Nants, la vallée et la ville de Pralognan, des cirques et des arêtes, la Grande Casse surtout, et toute la partie ouest que nous allons dévaler en après-midi. L’aller-retour de cette portion de notre randonnée peut parfaitement constituer une magnifique journée dans les montagnes.

Photo: Anne Pélouas

Une longue descente de l’autre côté du col du Mône nous mène pour notre part au petit col des Saulces, puis dans les alpages jusqu’au lac Blanc et au chalet de la Grande Val, avant une remontée jusqu’au refuge du Grand Plan d’où nous pourrons visualiser toute notre traversée de l’après-midi, et plus encore!

Photo: Anne Pélouas

Jour 3: du Népal à la marmotte Zoé

Cerné de montagnes, le petit refuge du Grand Plan a un gardien et un assistant népalais plus que charmants, en plus d’un panorama hors pair sur l’Aiguille du Râteau et le Roc de la Pêche, en arrière-plan de deux collines verdoyantes.

La journée débute par une gentille montée vers le lac Merlet inférieur, au-dessus duquel est perché le refuge des Lacs Merlet, dans le parc national de la Vanoise. Sans sac, nous allons voir le lac Merlet supérieur, au cœur d’un cirque rocheux, à 2450 mètres d’altitude. Ces deux «lacs froids» sont le domaine des salmonidés introduits par l’homme: truite arc-en-ciel dans l’inférieur, «omble du Canada» dans le supérieur.

Photo: Anne Pélouas

Le sentier grimpe ensuite tranquillement vers le sud au milieu de pelouses fleuries, puis en lacets pendant plus d’une heure, accompagné de bonnes bourrasques, avant d’atteindre le col de Chanrouge. Le panorama minéral offre entre autres des roches rouges au pied de l’aiguille des Corneillets.

Photo: Anne Pélouas

Une longue descente nous attend encore vers un torrent qu’on aperçoit, minuscule, tout comme le refuge du Saut, encore plus en contrebas, vers lequel nous nous dirigeons. En progressant vers le bas, nous profiterons encore d’une vue vertigineuse sur le torrent. Puis un parcours entre des rhododendrons fleuris aboutit au refuge du Saut (avec sa marmotte résidente Zoé). Le refuge nous offre un autre cadre de choix, au confluent de deux torrents, entre le Plan des Génisses et Grosse Tête.

Photo: Anne Pélouas

Jour 4: en passant par Val Thorens 

Notre rando du jour prévoit 16,7 km de marche, un dénivelé positif de 780 mètres et un négatif de 870… pour atteindre le refuge du Lac du Lou.

Après une descente légère sur un chemin rocailleux jusqu’au chalet de la Plagne, en bordure du torrent des Allures et au pied de l’Aiguille du Fruit, la montée en lacets au col du Vallon en une heure environ est bucolique à souhait, tout comme la pause au joli lac du Borgne.

La suite est moins agréable, le sentier empruntant une piste de ski alpin qui n’en finit pas de monter sur plusieurs centaines de mètres jusqu’au col de la Chambre (2786 m). Le décor du haut de la station de ski de Val Thorens, déserte, est assez surréaliste. Reste pour nous une longue descente vers le lac du Montaulever, puis le village de Val Thorens, lui aussi quasi désert. Entre les départs des télésièges, notre sentier se fraie un chemin à travers une piste de ski pour s’éloigner de la civilisation et retrouver, 4 km plus loin, un refuge providentiel où nous attendent repas savoyard et repos bien mérité.

Photo: Anne Pélouas

Jour 5: entre Tarentaise et Maurienne

Du refuge du Lac du Lou, une montée de 635 m en direction du collet Blanc conclut la digestion du copieux petit-déjeuner. En récompense, un magnifique panorama s’ouvre  sur la vallée de la Maurienne.

Une longue descente nous attend ensuite dans des pelouses alpines, surtout après le lac de la Montagnette et le chalet du Fruit Commun. De croupes en plateaux herbeux, la descente se poursuit en lacets dans une végétation de plus en plus dense. Notre destination apparaît au loin, mais il faudra encore un certain effort pour atteindre le hameau des Cariots, puis le refuge de Gittamelon… avec 14 km au compteur, 630 m de dénivelé en montées et 990 m en descente.

Photo: Anne Pélouas

Jour 6: vive les guides et à bas le mauvais temps

Pour cette étape au départ du refuge de Gittamelon jusqu’au Plan Lombardie, comme pour la précédente, nous étions accompagnées d’un guide de la vallée des Belleville, ce qui s’est avéré une bénédiction, compte tenu du mauvais temps qui empêchait de bien repérer la signalisation.

À moins d’être un pro de la randonnée avec carte et boussole, je recommande de faire cette étape longue de 18 km, dotée de plusieurs cols et de plus de 1500 m de dénivelé positif et négatif, avec un guide. C’est le type de journée qui démontre l’importance d’avoir un bon équipement pour la haute montagne.

Notre mise en jambes gentille – sous un beau ciel bleu – dans la vallée des Encombres, puis en montée continue dans les prairies du vallon de Varlossière en direction du col du Châtelard (2382 m) allait virer au vinaigre…

Photo: Anne Pélouas

Sous le col, le ciel vire pour sa part au gris puis au noir, avec pluie et vent. On sort les imperméables et vestes Gore-Tex, la tuque et les gants; on emballe les sacs à dos, et on continue. La température a drastiquement baissé et nous franchirons péniblement le col cerné par la brume. En contrebas, nous trouverons à nous abriter dans une cabane de berger, histoire de nous réchauffer un peu et d’avaler notre lunch.

Photo: Anne Pélouas

Par chance, le ciel se dégagera ensuite pour nous offrir quelques rayons de soleil durant la descente de 10 km. Nous sommes trempés de la tête aux pieds, mais la marche est un bon remède contre le froid.

Photo: Anne Pélouas

En fin de parcours, un petit chemin nous mènera du hameau de La Sauce au refuge Plan Lombardie, où le gardien Emmanuel allumera son poêle à bois pour que nous puissions sécher nos bottes et nos vêtements mouillés, avant d’aller nous préparer quelques plats typiques. Nous dormirons ensuite sur nos deux oreilles, bien au chaud… pour bien clore ce périple montagnard itinérant.

Bons plans 

  • Procurez-vous avant de partir le très complet topoguide Le Grand Tour de Tarentaise, publié par les éditions Glénat, et réservez vos refuges à l’avance, surtout en juillet et août.
  • Pour faire appel à un guide ou accompagnateur en montagne, consultez le site de la Compagnie de la Vanoise. Plusieurs bureaux de guides de la Tarentaise existent aussi dans les différents villages de la vallée. Renseignez-vous dans leurs offices de tourisme, comme celui de Moûtiers ou celui des Menuires.
  • Faites un arrêt, au retour, à la Coopérative laitière de Moûtiers pour repartir avec un fromage de montagne, comme le Beaufort, ou utiliser son libre-service extérieur en dehors des horaires réguliers. Profitez-en pour faire la tournée des œuvres de street art qui parsèment les murs et les rues de la petite ville. Ou participez au Festival du Street Art de Moûtiers, du 5 au 11 septembre prochain.
  • Chaque année, une marche de transhumance est organisée à la fin de juin au départ de Moûtiers pour accompagner les bergers montant chèvres et vaches dans les alpages où ils passeront l’été. Le cortège est coloré et le parcours de 2 heures 30 environ se termine par une fête champêtre au chalet-restaurant Chez Pépé Nicolas, sur les hauteurs de Moûtiers.
Marche de transhumance en Savoie. Photo: Anne Pélouas