Le Pérou, paradis de la randonnée
Le Pérou est un vrai paradis pour la randonnée, notamment pour les amateurs de haute montagne. Aperçu de trois circuits d’exception: Canyon de Colca, Palcoyo, Salkantay.
Je rentre tout juste de cinq semaines au Pérou, pays attachant à bien des égards, mais, pour les amateurs de plein air, c’est carrément le paradis! À tel point qu’il est difficile de choisir entre les propositions, car le Pérou est grand et recèle de nombreux trésors pour la randonnée partout dans cette «cordillère andine» qui se déploie du nord au sud, d’ouest en est, en changeant de nom.
Je me suis concentrée sur une partie des Andes méridionales pour ces trois randonnées vedettes, entrecoupées de beaucoup de voyages en bus (parfait pour admirer le paysage quand on ne prend pas un bus de nuit), de visites culturelles et de découvertes culinaires.
Canyon de Colca: la démesure verticale
La région d’Arequipa a pour attraits majeurs trois beaux volcans qui cernent littéralement la ville: Misti (5822 m), Chachani (6075 m) et Pichu Pichu (5571 m). Tous trois font partie du Géoparc Colca y volcanes de Andagua, labellisé par l’UNESCO, avec le fameux Canyon de Colca, deux fois plus profond que le Grand Canyon du Colorado! On le crédite de 3200 mètres de dénivelé.
De Chivay, sur la route venant d’Arequipa, la vallée du Rio Colca est déjà une pure merveille à observer. L’écrivain péruvien Mario Vargas Llosa lui a d’ailleurs donné le surnom de «vallée des merveilles».
Sur fond de sierras aux hauts pics enneigés, le sol y est couvert de cultures en terrasses, construites et irriguées depuis l’époque des Incas. Par moments, la vallée s’encaisse, puis s’élargit de nouveau. Le canyon proprement dit couvre plus de 100 kilomètres de long.
Près du village de Cabanaconde (3287 m d’altitude), les falaises sont à leur apogée vertical, et c’est là que débute notre randonnée au cœur du canyon… Au programme, une vertigineuse descente de 1090 mètres, suivie d’autant de dénivelé à remonter le lendemain.
Nous dormons au plus près de l’entrée sur sentier, à la sympathique Casa de Santiago. Tôt le matin, on quitte le village par les champs d’altitude. Un chemin coupe court sur ce plateau encore un brin bucolique au point de contrôle du géoparc: un «mirador» en abyme sur ce qui nous attend, soit des dizaines et des dizaines de lacets sur un petit chemin muletier. Face à nous, de belles montagnes râpées et plissées, qui foncent elles aussi vers le fond du canyon, encore invisible. Dans ce décor très minéral, on avancera pas à pas, bâtons aidant, sur la piste caillouteuse à souhait, prenant virage après virage, éprouvant l’état de ses genoux et de ses cuisses, faisant arrêt pour profiter du paysage sans faire de faux pas.
Au fil de la descente qui durera plus de 3 heures (certains la font en 2 heures), le Rio Colca finira par se laisser apercevoir, tout filiforme au fond d’un précipice de pierre. Au détour d’une épaule rocheuse, après une heure de marche environ, on apercevra aussi notre objectif du jour: un petit ensemble de bâtiments et piscine composant Sangalle, seul village pour randonneurs au fond du canyon, surnommé l’«Oasis».
En contrebas du sentier, où la chaleur ambiante se fait de plus en plus sentir, il nous apparaîtra plusieurs fois comme un mirage dans le désert, «pas si loin, finalement», puis «encore loin», et enfin «on n’en finit pas de le voir». Après un ultime détour sur piste, nous entrons finalement dans notre «Oasis Paraiso», un écolodge de cabines avec restaurant et piscine. Seule déception: aucune vue sur le fond du canyon. Un sentier nous mènera en après-midi à un pont sur le Rio Colca, mais pas question de l’approcher davantage pour aller y tremper les pieds.
Le lendemain, lever à 5 heures pour un départ hâtif en direction de Cabanaconde afin de profiter des premières heures de montée sans soleil. Le dénivelé est aussi imposant que la veille, mais le sentier en zigzags souvent serrés facilite la remontée. À petits pas, lents mais constants, on parviendra à se hisser de nouveau sur les hauteurs, non sans profiter de plusieurs pauses, autant pour se réhydrater que pour profiter encore de la vue sur le fond du canyon et les montagnes environnantes. Surprise dans les airs: deux condors des Andes nous survoleront quelques secondes. L’oiseau sacré des Incas, avec plus de trois mètres d’envergure d’ailes, en impose dans le décor!
Le soleil darde déjà ses forts rayons quand, 4 ½ heures après notre départ, nous atteignons la sortie du géoparc où un sympathique gardien attend à l’ombre la centaine de randonneurs qui empruntent chaque jour le sentier, en descente ou montée.
À faire en plus:
- Admirer les condors depuis le mirador de Cruz del Condor, près de Maca (entre Chivay et Cabanaconde). Le belvédère se déploie à flanc de versant de vallée, sur un sentier offrant de superbes vues plongeantes sur le Rio. Les condors qui nichent dans les falaises alentour sortent le matin pour chercher de la nourriture et sont alors plus faciles à observer.
- Se délier les muscles dans les hot springs de Chimpa, près de Chivay, après la randonnée au canyon. Le site est superbe, en bordure du Rio Colca, avec une série de bassins chauds, voire presque brûlants pour certains, en alternance avec un bassin froid, pour une expérience rappelant nos spas nordiques.
Palcoyo, l’autre montagne «arc-en-ciel»
Le Vinicunca est surnommé «montagne aux sept couleurs» ou Rainbow Mountain. C’est l’une des principales attractions de la région de Cuzco, tellement que bien des randonneurs se plaignent de la foule qu’on y rencontre chaque matin. Fort de cette expérience et de conseils judicieux, nous avons opté pour monter plutôt au sommet de Palcoyo, qui frise aussi les 5000 mètres d’altitude, et embrasser un paysage de montagnes tout aussi coloré que le Vinicunca, mais sans la foule.
À 3 ½ heures de route au sud-est de Cuzco, le massif se mérite. Le périple en minibus bringuebalant débute à mi-chemin par un arrêt obligatoire à Checacupe pour expérimenter la traversée d’un vrai pont suspendu inca datant du 15e siècle, mais dont les lianes tressées à partir de l’ichu, herbe sèche typique des Andes, sont remplacées chaque année.
Après la route, suit à partir de Combapata un long chemin de caillasse qui grimpe en montagne pour la deuxième moitié du trajet, traversant plusieurs villages et torrents. Plus on monte en altitude et plus le décor se plante: des terrasses cultivées par centaines, héritage des Incas; des plateaux et vallées d’altitude qui se succèdent à chaque «cap» rocheux franchi; des paysages rocheux qui rougissent à vue d’œil… De taches parsemées à pans entiers, les versants de montagnes arborent du rouge ferreux, contrastant fortement avec le vert des cultures et le blond des herbages. Le spectacle s’agrémente de dizaines d’alpagas et de lamas dont on fait ici l’élevage.
Au stationnement du site de Palcoyo, on met pied à terre à 4750 mètres d’altitude. Gare au mal des montagnes pour ceux qui ne se sont pas acclimatés avant! Une première bonne volée de marches (de type inca) donne la mesure du souffle que l’on a et de l’importance de ralentir son rythme, ou pas. Plusieurs points de vue ont été aménagés sur le parcours. Ce n’est pas une montagne, mais bien une «mer» de montagnes, toutes plus colorées les unes que les autres (du jaune au violet, en passant par différentes teintes de rouge), qui s’offre au regard.
En une heure, on peut simplement faire un demi-tour de Palcoyo par un sentier en balcon. Mais comment résister à un guide qui vous promet monts et merveilles en couleurs si vous grimpez au sommet? Drôle de sommet, hérissé de pics noirs qu’on aperçoit et que le guide décrira comme un «bosquet de pierres».
Une trentaine de minutes suffisent pour compléter cette portion du sentier, mais ce n’est pas la moins ardue! La récompense est la mesure de l’effort. Malgré un vent froid à 10 heures du matin, l’euphorie gagne le groupe au sommet (4971 m). La vue à 360 degrés dévoile des cimes enneigées, comme celle de l’Ausangate (6380 m), et plusieurs sommets de la cordillère Vilcanota, quelques glaciers et une panoplie de montagnes colorées. Comme pour Vinicunca, ces coloris sont dus à une accumulation de sédiments vieux de millions d’années et dont les couches minérales varient selon les mélanges d’oxyde de fer, de sulfate de cuivre ou de soufre qui s’y sont déposés.
En prime, on se balade dans un petit labyrinthe de pics rocheux rassemblés au sommet et qu’on contourne les uns après les autres, découvrant de nouveaux points de vue chaque fois.
Le sentier de descente sera plutôt «glissant sur petites roches» au début, puis très facile quand on retrouvera celui qui contourne le sommet pour ensuite revenir au stationnement. Restera le trajet tortueux en minibus sur une piste de montagne, mais qui permet encore de profiter du paysage des versants bardés de couleurs arc-en-ciel.
Sur le chemin du Salkantay
Le trek du Salkantay est une solution de rechange de choix au fameux Chemin de l’Inca, menant aussi au Machu Pichu (l’un des sites archéologiques les plus renommés au monde) en 3 à 7 jours selon votre forme physique et les compagnies qui le proposent, comme Alpaca Expeditions.
Pour ceux que la longue randonnée ou la haute altitude à fortes doses rebutent, il est possible de se rendre au lac Humantay, puis au col du Salkantay, en un ou deux jours. Accessible depuis la Vallée sacrée par une longue piste de gravelle, Soraypampa est en quelque sorte le camp de base du Salkantay, où plusieurs compagnies de trekking ont leurs propres installations, comme Alpaca Expeditions, mais d’autres proposent aussi de vous emmener très tôt le matin de Cuzco pour la journée.
À l’ouest de Cuzco, dans la chaîne de Vilcabamba, le lac Humantay est perché à 4200 mètres d’altitude au pied de l’imposante montagne du même nom. On atteint à pied en 1 ½ heure (300 m de dénivelé) cette superbe lagune turquoise à pied à partir de Soraypampa. Mieux vaut partir tôt le matin, car le lac est une attraction touristique majeure de la région de la Vallée sacrée. Un chemin caillouteux et poussiéreux monte tranquillement dans la vallée avant de bifurquer vers le lac Humantay. De nombreux chevaux attendent là les clients qui veulent monter au lac sans se fatiguer.
La montée à pied se fait ensuite beaucoup plus soutenue à flanc de montagne. On se hisse finalement au-dessus d’une épaule rocheuse après avoir viré à gauche. Le sentier plus étroit épouse un dernier repli de terrain, et c’est alors que le lac couleur émeraude se dévoile dans un quasi-cirque glaciaire, encadré qu’il est par une crête étroite de chaque côté, et surplombé par une cime enneigée et un glacier. Image de carte postale qu’il faut cependant partager avec plusieurs centaines de personnes si l’on n’a pas pris soin de partir tôt.
La descente par le même sentier ramène à l’enclos des chevaux, puis à Soraypampa, à moins de décider de grimper au col du Salkantay le jour même. La montée s’accomplit alors en 4 heures pour plus de 700 mètres de dénivelé, presque toujours avec le Salkantay sous les yeux. Le premier tiers, en larges lacets, est le plus facile. Le deuxième, plus pentu, est difficile. Passé Soyrococha, sorte de plateau d’altitude légèrement à l’abri du vent où la pause lunch est bienvenue, la dernière heure de marche se passe sans encombre, avec une longue coulée de pierres typiques d’un ancien glacier et un magnifique haut sommet enneigé pour compagnons de route.
Voici enfin le col si convoité, à 4600 mètres, mais passablement perdu dans les nuages. On devine à travers eux le géant Salkantay, qui domine la Cordillère de Vilcabamba du haut de ses 6264 mètres. Merveille de la nature! Le temps est frais. On ne peut trop s’attarder à la contemplation. Certains poursuivront alors leur trek longue distance vers le Machu Pichu, tandis que d’autres prendront le chemin du retour vers Soraypampa, en descente constante, tout en profitant d’un décor tout aussi majestueux qu’à l’aller.
Ce reportage a été rendu possible grâce à l’aide de PROMPERU et de Copa Airlines