En hiver au parc national de la Jacques-Cartier
Le parc national de la Jacques-Cartier offre un excellent terrain de jeu pour les amateurs de randonnées hivernales, à moins d’une heure au nord de Québec.
La forêt boréale se présente sous son meilleur jour, colonisant les flancs de montagnes majestueuses du massif des Laurentides et encadrant l’immense fracture dans la croûte terrestre que constitue la vallée de la Jacques-Cartier. Le parc national qui l’enserre depuis près de 40 ans nous attend pour un séjour de trois jours qui promet.
Skis de fond, raquettes et crampons sont dans l’auto. En ces temps climatiques incertains, mieux vaut tout avoir sous la main pour profiter des plaisirs de l’hiver.
Passé la guérite du parc, on rejoint son secteur sud, puis le bord de la rivière Jacques-Cartier. Sa vallée offre déjà un spectacle grandiose, encadrée de sommets de 800 à 1000 mètres, de crêtes et d’éperons rocheux. On file jusqu’au centre de découverte. De là démarre notre périple de trois jours d’exploration dans la partie nord du parc.
En route pour le refuge Sautauriski
Le temps est gris mais n’entache pas la beauté de la Jacques-Cartier. Un court méandre et elle reprend sa course presque parfaite dans un axe nord-sud. La piste multifonctionnelle du «Chemin de la vallée» a vu passer bien du monde en ces derniers jours du temps des Fêtes. Elle est tellement tapée qu’on y marche sans raquettes. Les sacs à dos lestés de tout ce qu’il faut pour dormir et manger en refuge sont un peu lourds (avec raquettes en plus), mais nous n’avons que 2,5 km à parcourir, sans dénivelé, et la rivière nous offre son courant continu et sonore pour paysage permanent. Une aire de pique-nique estivale donne l’occasion d’une pause avec vue sur la turbulente rivière Sautauriski qui se jette dans la Jacques-Cartier.
Marchant pour quelques minutes encore, nous rejoignons un pont et le refuge Sautauriski. Ouvert en 2020, il sert de relais aux visiteurs du parc le jour et de refuge pour ceux qui y ont réservé une place pour la nuit. En ces temps de pandémie, il est loué à une seule cellule familiale à la fois et désinfecté deux fois par jour. Ce sera notre havre de paix pour les trois prochaines nuits. Le «chalet» est spacieux et bien aménagé, avec son coin cuisine et son coin «feu de bois», ainsi que plusieurs tables pour manger au chaud. Le relais est ouvert à tous de 10h à 15h. Après, place aux privilégiés qui restent ici pour la soirée et la nuit. On dort à l’étage-mezzanine, aménagé en dortoir avec six lits à une place et une belle fenestration.
Pour les adeptes de la longue randonnée comme moi, demeurer plusieurs nuits au même refuge est un luxe, que je savoure dès le premier soir. Les après-midis après l’effort s’organisent facilement: on met nos vêtements du jour et gants à sécher; on déballe les victuailles, sacs de couchage… En temps normal, après avoir épuisé nos ressources en eau transportée par nous-mêmes, il faut faire fondre de la neige, mais ici, la rivière Sautauriski est tout près. Une longue corde est sortie d’un sac à dos et attachée fermement à une marmite. Il faudra beaucoup d’adresse à la plus jeune du groupe familial pour lancer la marmite du haut du pont dans le courant et surtout l’obliger à se remplir d’eau avant de la remonter pleine avec la corde. On applaudit à la manœuvre! Les soupers en refuge, préparés avec soin à la maison, puis congelés, sont toujours mémorables, tout comme les soirées entre feu de bois, chandelles et jeu de cartes. On se couche avant 22h sans problème.
Sur la piste des loups
Dans la nuit, l’une d’entre nous s’est éveillée en entendant une meute de loups par la fenêtre ouverte… prémisse à notre randonnée du jour sur le sentier Les Loups. Il démarre juste après le pont enjambant la Sautauriski et une jolie petite boucle (Le Confluent) que nous avons empruntée la veille sur 1,7 km après notre arrivée. Raquettes aux pieds, nous partons à l’assaut de la Montagne de la Sautauriski. Deux heures de montée abrupte sur un sentier de neige tapée et glacée par endroits nous démontrent que les crampons auraient été plus indiqués, mais ils sont restés au refuge.
Après trois kilomètres en forêt à flanc de montagne, une intersection indique une dernière montée vers le sud. On oblique dans un superbe couloir de sapins enneigés pour atteindre un belvédère, à 763 mètres d’altitude. La rivière Jacques-Cartier est littéralement à nos pieds, et toute sa vallée s’étirant vers le sud dans une «mer» de montagnes environnantes. On lunche dans l’allégresse, sous un ciel bleu et un soleil radieux, tandis qu’une jolie martre attend en contrebas quelques miettes de nos repas.
Le chemin du retour, en boucle et descente quasi constante, nous mènera à un second belvédère, tourné cette fois vers le nord de la vallée, puis au bord de la fameuse Jacques-Cartier qu’on voyait de si haut. Bilan: 11 km en cinq heures trente, pauses comprises.
À l’assaut des Coulées
Le lendemain, place au ski de fond pour explorer le sentier des Coulées. La boucle complète de randonnée pédestre compte 10,4 km, accessible du centre de découverte, comme de notre refuge. En ski de fond (que nous sommes allées rechercher à l’auto tout en y laissant nos raquettes), nous ferons plutôt un aller-retour, débutant gentiment le long de la rivière Sautauriski sur 2,4 km. De jolis rochers recouverts de glace y ressemblent à des icebergs.
Le sentier bifurque ensuite vers le sud pour une montée continue en forêt sur 2,3 km. La Voie-du-Bûcheron conduit à un petit pont. À gauche, on peut rejoindre à 400 mètres un point de vue sur la rivière Sautauriski et la montagne gravie la veille. Au-delà du pont, la Voie-du-Bûcheron devient secteur de ski hors-piste, tandis que le sentier des Coulées mène en descente au centre de découverte. En ski de fond, il faut faire demi-tour, mais quelle gratification que cette longue et belle descente jusqu’au bord de la rivière Sautauriski, où l’on retrouve le soleil qui se couche derrière les montagnes, et sur le joli camping endormi Le Grand-Duc, à deux pas du cours d’eau. C’est trop beau: il faudra revenir!