Photo: Anne Pélouas
29 mai 2024Auteure : Anne Pélouas

Camping «sur l’eau» au parc régional Kiamika

Canot-camping, kayak-camping: le printemps est une saison formidable pour partir sur un plan d’eau comme celui du parc régional Kiamika dans les Hautes-Laurentides.



J’ai connu le réservoir Kiamika il y a près de 30 ans. Ce magnifique plan d’eau des Hautes-Laurentides était le paradis du camping sauvage sur des îles de rêve. Au fil du temps, cependant, la nature s’y dégradait fortement et des ordures abandonnées par des campeurs ou des pêcheurs nous attendaient bien souvent.

Aujourd’hui, la presque totalité du réservoir, îles comprises, est préservée par l’existence d’un parc régional. Il est quasiment impossible d’y partir à l’improviste, car les sites de camping sont rapidement réservés. Ceux-ci sont clairement identifiés et on ne peut plus camper n’importe où, ni installer sa tente sur un banc de sable qui nous plaît; il faut payer pour planter une tente, deux tentes ou plus selon les sites, mais ceux-ci sont désormais très propres, avec une ou plusieurs tables de pique-nique. La nature a repris ses droits et seule la présence d’un panonceau sur la rive ou une île indique qu’on peut y camper, car les sites sont toujours en retrait des rives pour ne pas dénaturer la vue sur ce grand réservoir redevenu «sauvage».

Quoi de mieux pour le découvrir ou le redécouvrir qu’une première sortie printanière qu’on espérait «avant les mouches noires», mais qui s’est révélée «avec les mouches noires» en raison d’un temps exceptionnellement chaud lors du dernier congé férié de mai?

Cette année, le réservoir manque d’eau, ce qui n’est pas bon signe, mais pour les canoteurs et kayakistes, quel bonheur de voir tant de rives en sable où l’on peut s’arrêter le temps d’un pique-nique ou d’un plongeon dans l’eau fraîche!

Quel bonheur de voir tant de rives où l’on peut s’arrêter le temps d’un pique-nique ou d’un plongeon dans l’eau fraîche! Photo: Anne Pélouas

Pas question, en un long week-end, de pouvoir faire le tour du parc régional de 183 km2. J’ai opté pour embarquer dans mon kayak «de mer» à hauteur du milieu du réservoir, dans le secteur Kilby, pour aller camper dans le secteur des Cornes, plus à l’ouest, et pouvoir explorer les rives de la grande «île de la Perdrix Blanche» et marcher sur quelques sentiers de randonnée.

À l’accueil du secteur Kilby, sur une grande plage de sable fin, on peut récupérer canots ou kayaks si l’on a pris soin de les réserver à l’avance. Il y a aussi des planches à pagaie en location. Une fois les embarcations chargées (ce qui prend passablement de temps dans un kayak pour maximiser l’espace restreint des caissons étanches, et beaucoup moins en canot), c’est sur l’eau qu’on revit!

Le printemps est une saison formidable pour partir sur un plan d’eau comme celui du parc régional Kiamika. Photo: Anne Pélouas

Le bonheur sur l’eau

En s’éloignant du bord, on découvre l’immensité du plan d’eau, qui s’étire vers le nord et le sud. Il faut être un peu habitué à distinguer, dans la configuration géographique, une île de la côte et savoir manier minimalement une carte et une boussole pour ne pas se perdre dans un réservoir. Celui-ci est tout de même facile à «comprendre» et la carte fournie à l’accueil suffisamment détaillée pour s’en sortir. Dans le doute, demandez à l’accueil le plus court chemin pour vous rendre à votre site de camping, à moins d’avoir opté pour celui qui se trouve précisément à l’accueil Kilby.

Pour notre part, pas d’inquiétudes: l’extrémité nord de l’île de la Perdrix Blanche nous sert de premier cap, plein ouest. Nous pagayons dans le vent pour cette traversée d’un peu plus d’un kilomètre avant de suivre le contour hachuré de l’île. Deux kilomètres de plus et nous voici accostant à une belle plage de sable bordant un site de camping de groupe. Personne à l’horizon: nous faisons halte pour le pique-nique-salade composée (préparée à la maison) et une première baignade. L’eau est un peu fraîche, mais comme il fait près de 30 degrés dehors, elle est bonne!

Ragaillardies, nous longerons ensuite la rive sur près de quatre kilomètres tout en admirant le couvert forestier et le relief de l’île de la Perdrix Blanche. Dans le chenal que nous empruntons, une jolie petite île nous rappelle un ancien campement d’avant le parc régional. On ne peut plus y camper, mais elle sert de halte journalière pour tous les «navigateurs». Débute à cet endroit une zone d’eau d’où émergent de vieux troncs d’arbres. Certains sont coupés au ras de l’eau, d’autres se dressent encore comme des totems anciens, plissés de rides sèches.

Une zone d’eau d’où émergent de vieux troncs d’arbres.Photo: Anne Pélouas

Des totems pour un barrage

Le réservoir regorge de ces vestiges du passé, d’une forêt engloutie. À l’origine, il y avait ici deux lacs: les lacs Kiamika supérieur et inférieur. En 1952, on chercha à contrôler les crues des rivières du Lièvre et des Outaouais pour la production d’électricité en érigeant le barrage Kiamika et en créant le réservoir tel qu’on le connaît aujourd’hui. Des terres immergées demeurent une quarantaine d’îles et d’ilots et ces fameux totems, qui disparaissent peu à peu. En kayak ou en canot, on traverse prudemment ces zones de troncs pour repartir ensuite en eau libre.

Camping semi-sauvage

Quand le kayak ou le canot glisse sur le sable, face à notre site de camping, débute le rituel de l’installation. Le déchargement d’un kayak est lui aussi plus long que celui d’un canot. De grands sacs solides et légers nous permettent de porter tout notre stock jusqu’au site de camping, blotti dans la forêt.

Monter la tente, souffler les matelas, aérer les sacs de couchage, installer le hamac entre deux arbres, porter le matériel de cuisine à la table de pique-nique, mettre les glacières et l’eau potable à l’ombre constituent les travaux de base en camping. On retrouve les gestes qui n’ont pas été faits depuis 9 ou 10 mois. C’est à ce stade qu’on constate parfois les oublis… Le pain pour trois jours resté au congélateur, le couscous pour le souper… Mieux vaut prévoir toujours un peu plus. Rien de tel, cette fois-ci!

Invitées surprises

Après tout ce branle-bas de combat, les mouches noires font leur apparition au moment où nous allions prendre un bain et nous reposer. On court à l’eau, puis on se sèche rapidement. L’heure est au pantalon et chemise à manches longues, bas longs, casquette et filet anti-moustiques à proximité. Plus quelques gouttes de chasse-moustiques-mouches aux endroits stratégiques: poignets, arrière des oreilles, cou, tempes, histoire d’éviter le plus possible d’avoir à mettre le filet sur la tête. Son heure arrivera bien assez tôt… quand viendra le temps de la préparation du souper!

En allumant un feu de camp, on s’assure que les mouches seront tenues minimalement à distance pendant que nous dégusterons notre repas. Au soleil couchant, direction la plage pour profiter de la lumière mordorée sur l’eau et le rivage, et de l’horizon dégagé vers le sud du plan d’eau. Les mouches noires sont allées se coucher, tandis que les grenouilles se réveillent, entamant un chant choral qui durera presque toute la nuit. Des huards nous offriront aussi un concert exceptionnel durant nos deux nuits en camping, alors qu’un pic-bois nous servira de réveille-matin.

Nous passerons les deux jours suivants à profiter du paysage, des oiseaux virevoltant dans le ciel, des canards amerrissant comme un hydravion sous nos yeux. Nous pagayerons gentiment; nous nous baignerons à répétition; nous préparerons de succulents repas, un verre de bon vin en main; nous ferons quelques séances de lecture en hamac ou sur une roche au bord de l’eau… Magique!

Séance de lecture sur une roche au bord de l’eau… Magique! Photo: Anne Pélouas

Randonnée sur les hauteurs du réservoir

Pas question cependant d’abandonner notre activité de prédilection: la marche. Notre site de camping est à un site stratégique pour ce faire. Même si le parc régional est surtout le paradis des canoteurs, kayakistes et planchistes à pagaie, il compte aussi 25 km de sentiers pédestres en forêt, accessibles sur les rives ou sur l’île de la Perdrix Blanche.

Un matin, nous voilà parties de notre camping vers l’ouest en longeant la rive. Après avoir exploré une baie profonde se clôturant par une rivière sinueuse, nous abordons sur la berge. Un panonceau discret indique un sentier de randonnée. On troque les sandales pour les bottes de marche, le short pour le pantalon long, la camisole pour la chemise à manches longues et grand bien nous fasse, car les mouches noires nous attendent au tournant du sentier des Falaises, une boucle de 4,2 km grimpant dans une forêt aux allures de sauna. La casquette servira d’éventail et de repousse-mouches, mais pas question de faire de grandes pauses. À un rythme soutenu, nous avalerons la centaine de mètres de dénivelé qui mène à un joli point de vue sur le réservoir. On redescendra à flanc de colline, toujours au pas de course, passant entre de grosses roches, au pied de falaises, avant de rejoindre un large sentier, puis nos kayaks… et nos maillots de bain.

Du haut du sentier des Falaises. Photo: Anne Pélouas

Le lendemain, après avoir démonté le campement et rempli nos kayaks, nous ferons une nouvelle pause sur l’île de la Perdrix Blanche, pour explorer une partie de son sentier linéaire. Il court sur 8,2 km, presque du nord au sud de l’île, dans une série de forêts anciennes de cèdres et de feuillus. Nous nous contenterons de la partie nord. Le sentier y grimpe passablement dans une forêt à la canopée haute jusqu’à redescendre en fin de parcours avec une vue sur l’eau, à l’est de l’île. Tout au long du parcours aller et retour, on se surprendra à attendre l’arrivée des mouches noires. Même heure que la veille, même température, mêmes vêtements, pas l’ombre de ces insectes piqueurs… Miracle!

Il ne se transformera en mirage qu’à notre retour à l’accueil du secteur Kilby, quand viendra le temps du déchargement des kayaks, du transport à l’auto et du chargement des embarcations sur son toit. Tiens, tiens, les voilà de retour… ce qui nous poussera toutes affaires cessantes à une dernière baignade avant de reprendre la route.

Photo: Anne Pélouas

Préparation au camping, canot-camping, kayak-camping

Une première sortie en camping impose toujours une période de rodage. Il faut retrouver ses repères dans le rangement du matériel de plein air et c’est ainsi qu’on constate les erreurs faites en fin d’automne: le sac de couchage d’un côté, la tente de l’autre; les casseroles de camping d’un côté, le brûleur de l’autre, sans compter les vêtements qui servent souvent en toutes saisons comme le polar chaud (lequel restera toutefois cette fois-ci au fond d’un sac). Le casse-tête s’accentue quand on n’a pas bien rangé non plus son matériel pour aller sur l’eau en canot ou kayak: les sacs étanches, la veste de sauvetage, le matériel de sécurité, les lunettes de natation, la serviette de bain…

Après un long temps de préparation à la maison la veille du départ en camping, on se promet de mieux s’organiser au retour pour que la sortie suivante soit plus facile à orchestrer.

Cette fois-ci, rien de grave n’aura été oublié, ni pour naviguer, ni pour camper, ni pour manger et boire, mais tout de même quelques essentiels comme ma casquette préférée et mes gants de vélo, qui m’évitent des ampoules aux mains à force de manier la pagaie. Nul n’est parfait, même si l’on aimerait l’être!