Photo: Sépaq Anticosti
12 août 2021Auteure : Anne Pélouas

8 activités de rêve à Anticosti

La sauvage île d’Anticosti n’est pas que le paradis des chevreuils et des saumons, des chasseurs et des pêcheurs: c’est aussi celui des randonneurs. Voici huit activités de plein air hors-normes.



Au large de la côte sud… de la Côte-Nord, l’île d’Anticosti couvre 16 fois la superficie de celle de Montréal. Sa beauté sauvage et sa richesse écologique sur 222 km de long et 56 km de large en font un terrain de jeu incroyable pour les randonneurs, qui n’ont que l’embarras du choix pour en profiter, à pied ou à vélo.

Vélo électrique à l’ouest de l’île

En séjour à la toute nouvelle Auberge Port-Menier, gérée par la SÉPAQ, on peut enfourcher un vélo électrique pour explorer la partie ouest de l’île, berceau de l’histoire anticostienne. Une route de gravelle traverse la forêt de Port-Menier à Baie-Sainte-Claire, côté nord de l’île. On transite en route par le lac à la Marne aux curieuses rives blanchies par des dépôts de calcaire. La baie Sainte-Claire abritait à la fin du 19e siècle le principal village d’Anticosti, avec ses pêcheurs originaires de Terre-Neuve et d’Acadie, dont il ne reste plus guère de vestiges.

Le forfait de la Sépaq à l'Auberge Port-Menier comprend le prêt de vélo électrique pour tout le séjour. Photo: Facebook Sépaq Anticosti

Le site, qui a retrouvé son aspect naturel, n’en est pas moins magnifique. On peut marcher sur la grève, puis reprendre le vélo en longeant le littoral par la gauche. Le cap des Anglais, à l’extrémité de la baie, impressionne par sa hauteur de plus de 20 mètres. Plusieurs espèces d’oiseaux marins (guillemots à miroir, mouettes tridactyles, cormorans…) affectionnent les alentours du cap. Suit le cimetière du village, puis la traversée d’une curieuse «forêt déprimée» composée surtout de sapins baumiers et d’épinettes blanches aux allures étranges. Les vents forts chargés de sel ont empêché ces bonsaïs courbés et enchevêtrés de grandir «normalement».

Vous aurez ensuite un bel exemple de ce cimetière d’épaves qu’est Anticosti, avec celle du Calou, chalutier gaspésien qui s’est échoué sur le «reef» de la pointe ouest en 1982. Le phare de la Pointe-Ouest, métallique, n’a plus le charme de son ancêtre de 1858, qui fut l’un des plus puissants du golfe, mais il domine toujours cette pointe magique de l’île bordée au sud par l’anse aux Fraises.

Photo: Facebook Sépaq Anticosti

On repart ensuite sur un sentier partagé vélo/pédestre qui suit le littoral jusqu’à cette anse, avant de revenir vers Port-Menier par le chemin forestier du départ. Ne manquez pas, juste avant, d’aller voir les vestiges de la Villa Menier, un manoir que le grand chocolatier français fit construire après avoir acquis l’île en entier en 1895. À côté, près du camping, trône un magnifique vieux phare qu’il faut un peu chercher dans la végétation du bord de mer.

À la chasse aux fossiles

Couverte d’un kilomètre d’épaisseur de calcaire reposant sur le Bouclier canadien, l’île a des strates sédimentaires qui se sont superposées en l’espace de quatre glaciations et dix millions d’années. Elles regorgent de fossiles de coraux en nid d’abeille, preuve de l’existence passée d’une mer tropicale. Dans les canyons de Chicotte et Brick, au sud de l’île, on marche littéralement sur des fossiles tant il y a de roches incrustées de minuscules organismes marins morts il y a des millions d’années.

L'île regorge de fossiles de coraux en nid d’abeille, preuve de l’existence passée d’une mer tropicale. Photo: Anne Pélouas

Pas besoin d’aller aussi loin dans l’île, cependant, pour profiter de ce «voyage dans le temps». À l’Anse-aux-Fraises, à quelques kilomètres à l’ouest de Port-Menier, un extraordinaire site fossilifère est accessible en marchant sur la grève jusqu’au cap de la Vache-Qui-Pisse. Vous comprendrez le pourquoi de ce nom en vous glissant sous la falaise en surplomb à 15 mètres de haut, d’où des filets d’eau dégoutent sur les marcheurs. La paroi du cap, en empilement de strates, est bourrée de fossiles, tout comme les pierres qui s’en sont échappées et qui composent le sol du littoral.

À l’Anse-aux-Fraises, à quelques kilomètres à l’ouest de Port-Menier, un extraordinaire site fossilifère est accessible en marchant sur la grève jusqu’au cap de la Vache-Qui-Pisse. Photo: Anne Pélouas

Canyon Vauréal par le haut ou par le bas

La chute Vauréal – haute de 76 mètres – est l’une des attractions principales du parc national d’Anticosti, au centre de l’île, côté nord. Le canyon de la rivière Vauréal se dresse à 9 km de son embouchure et mène sur un parcours rocailleux jusqu’au bas de la chute. Comptez 6 km aller-retour et environ trois heures de marche. Il faut parfois franchir le lit de la rivière sans craindre de mettre un peu les pieds dans l’eau. Les plus valeureux apprécient la baignade en eaux froides et cristallines à deux pas de la chute vertigineuse.

À défaut de faire cette belle randonnée, on peut atteindre facilement en voiture, puis à pied, le belvédère de la chute Vauréal. Un sentier de 3 km (Les pins blancs) relie en effet le stationnement du canyon au belvédère. Un autre sentier permet ensuite de longer le canyon par le haut et d’admirer encore la chute sous une autre perspective plongeante.

Photo: Anne Pélouas

Canyon de l’Observation

Si vous n’êtes pas rassasié de canyons, rendez-vous à celui de l’Observation, à quelques kilomètres de voiture à l’ouest de Vauréal, près du kilomètre 136 de la Transanticostienne. La magnifique chute en paliers est bien visible d’un sentier, côté gauche du canyon, profond de 30 à 50 mètres. Il le longe sur un kilomètre environ jusqu’à une jonction entre les deux bras de la rivière. On peut poursuivre le long du bras ouest sur le sentier du Brûlé de 1955 pour un parcours total de 10 km aller-retour.

Le canyon de l’Observation est situé à quelques kilomètres de voiture à l’ouest de Vauréal. Photo: Anne Pélouas

De grotte en grotte

Pour ceux qui ne craignent pas le noir, Anticosti est un bon terrain de jeu dans les tréfonds de la terre. Dans le secteur de l’Auberge McDonald, on déambule dans les galeries de la grotte à la Patate avec casques et lampes frontales. Un sentier de 1,5 km longe la vallée de la rivière Patate et conduit à l’entrée de la grotte.

Photo: Facebook Sépaq Anticosti

Plus impressionnante et intéressante est la visite guidée de la «grotte des Trois Plaines», découverte en 1996 par Danièle Morin. On peut réserver une visite guidée de la grotte avec cette résidente de longue date d’Anticosti qui y travaille comme technicienne en aménagement de la faune. C’est lors d’un inventaire forestier en hélicoptère qu’elle a repéré pour la première fois «un grand trou» dans la forêt. Elle y est revenue en motoneige et raquettes, pour découvrir au cœur de la Pourvoirie du Lac-Geneviève, à quelques kilomètres de Port-Menier, une grotte étroite qui court sur 419 mètres de long avec deux ouvertures et trois puits de lumière.

Danièle n’a pas son pareil pour identifier les plantes et fleurs rares qui poussent en bordure du sentier menant à la grotte et vous faire profiter de son savoir botanique et forestier. Cette marche d’approche d’une vingtaine de minutes en pleine forêt, dans un univers de mousses et lichens, vous met dans l’ambiance «humide» de la grotte au creux d’une falaise aux strates typiques d’Anticosti. On y déambule, une fois équipés comme des hommes et femmes-grenouilles, en combinaison de néoprène. Un vieil imperméable, des souliers ne craignant pas l’eau, un casque et une lampe frontale complètent l’équipement du spéléologue amateur.

L’entrée monumentale cache un couloir très étroit aux allures de clocher d’église dans lequel on pourra presque toujours se tenir debout, les pieds mais aussi parfois les trois quarts du corps dans l’eau de la rivière qui coule au fond. Il faut parfois se tenir aux parois pour avancer, voire marcher de biais à certains passages plus étroits. De belles concrétions couvrent le plafond et les parois. La lumière naturelle se rétrécit à mesure qu’on progresse, puis réapparait brusquement à la faveur de trois «regards» crevant le plafond. Ces puits de lumière éclairent alors temporairement la grotte, dévoilant des milliers de gouttes sur la pierre, comme de minuscules diamants. On aboutit à la deuxième entrée-sortie de la grotte. «Bienvenue au Costa Rica!», lance Danièle. Après la noirceur, la luxuriance de la végétation est décuplée. Nous marchons encore un peu dans un petit canyon aux pentes couvertes de plantes rares. «On peut les voir parce que les chevreuils ne peuvent pas venir là pour les manger», précise Danièle. On entame ensuite le chemin du retour par le même parcours de la grotte, revoyant avec plaisir les stalactites, les draperies de pierres usées par le passage de l’eau, les puits de lumière, l’eau qui nous monte à la poitrine, puis la lumière qui pointe au bout du tunnel. C’est le temps du déshabillage, du changement de vêtements et de la petite marche en forêt qui conclut très agréablement cette randonnée complètement hors-norme.

Baie de la Tour

Anticosti compte son lot de baies majestueuses, mais celle-ci trône au sommet du palmarès. Bordée par une très longue plage de galets, la baie de la Tour est encadrée par de hautes falaises qui surplombent le détroit de Jacques-Cartier. Située sur le littoral nord de l’île, à la frontière est du parc national, elle est accessible par une route secondaire de 15 km près du kilomètre 162 de la Transanticostienne. On peut bien sûr marcher sur la grève pendant des heures, mais on peut aussi prendre de la hauteur pour admirer la baie. Juste avant d’arriver sur la plage, un sentier grimpe en effet sur la droite, en forêt. En moins de 30 minutes, on atteint un premier point de vue sur la baie. En poursuivant sur le sentier de la crête, d’autres panoramas magiques sur la baie se dévoilent entre deux arbres.

Bordée par une très longue plage de galets, la baie de la Tour est encadrée par de hautes falaises qui surplombent le détroit de Jacques-Cartier. Photo: Anne Pélouas

Marcher une rivière

Anticosti est le lieu rêvé pour apprécier la «marche en rivière». On n’a que l’embarras du choix, l’île étant sillonnée de rivières du nord au sud. Et pas de problèmes pour s’orienter vu que toutes aboutissent au littoral nord ou sud d’Anticosti. Le parcours consiste à atteindre l’embouchure d’une rivière en voiture ou à vélo, puis de la remonter à pied par l’une de ses rives pour le temps dont on dispose, avant de faire demi-tour. La particularité de ce type de marche est qu’on devra forcément à un moment ou à un autre marcher carrément dans la rivière, voire la traverser pour passer sur l’autre rive, d’où l’importance d’utiliser des souliers d’eau ou des chaussures de sport qu’on n’a pas peur de mouiller et d’être particulièrement vigilant, avec ou sans bâtons de marche, pour ne pas glisser sur un galet et risquer de mouiller aussi son sac, son appareil photo.

Anticosti est le lieu rêvé pour apprécier la «marche en rivière». Photo: Anne Pélouas

Les abords des rivières sont la plupart du temps très agréables pour marcher, étant constitués de roches calcaires très plates, en strates qui se superposent comme en escaliers. Nous avons pour notre part choisi la rivière aux Cailloux, accessible facilement de Port-Menier, dans le sud-ouest de l’île, à 5 km du camp de Sainte-Marie, dans la Pourvoirie du Lac-Geneviève. Quel bonheur de la remonter au son du torrent et d’avoir la chance de voir au passage un beau nid de pygargues à tête blanche!

Un GR anticostien en construction

Parmi les projets engendrés par le dossier de candidature de la municipalité de L’Île-d’Anticosti au Patrimoine mondial de l’UNESCO, qui devrait être présenté au comité du Patrimoine mondial en février 2022, figure celui d’un sentier de longue randonnée qui fera peu ou prou le tour de l’île.

En cours d’aménagement, il pourrait atteindre à terme 475 km de long, avec marche en bord de mer, sur les plages de cailloux ou en forêt. Les premiers tronçons seront ouverts côté nord en 2022. Objectif: obtenir la seconde homologation de GR (pour sentier de grande randonnée), après le Sentier international des Appalaches en Gaspésie. On n’a donc pas fini d’entendre parler d’Anticosti!