Troquer le tailleur pour le tablier
Lorsque sa carrière de formatrice en ventes a subitement pris fin, Isabelle Quinn a profité de l’occasion pour se lancer en affaires. Ainsi est né Sweet Isabelle, un projet qu’elle mijotait depuis de nombreuses années. Voici la petite histoire d’une boutique de biscuits et de cupcakes qui a pignon sur rue dans le quartier Ahuntsic, à Montréal.
Avenues.ca: Pouvez-vous nous résumer les grandes lignes de votre parcours scolaire et professionnel?
Isabelle Quinn: J’étudiais en sciences de la santé lorsque mon père est décédé. À la suite de cet événement, j’avais besoin de prendre l’air. J’ai donc commencé à travailler à temps plein dans une boutique de vêtements pour hommes du centre-ville de Montréal. J’avais alors 17 ans.
J’ai toujours aimé la vente et j’ai donc rapidement gravi les échelons, passant de gérante à acheteuse en Europe puis à formatrice des équipes à Toronto et à Québec. Cette expérience, qui s’est échelonnée sur six ans, a vraiment été une bonne école pour moi. Cela m’a notamment permis de comprendre l’importance du service à la clientèle.
J’ai ensuite pris une pause professionnelle de dix ans pour m’occuper à temps plein de mes trois enfants.
Pour mon retour sur le marché du travail, je me suis réorientée dans le domaine financier. J’ai donc été chercher les permis nécessaires pour devenir formatrice en ventes, en investissements et en épargne.
C’est un concours de circonstances qui m’a poussée à devenir entrepreneure et à ouvrir Sweet Isabelle, ma boutique de biscuits et de cupcakes, il y a de cela huit ans.
A: Quel est donc ce concours de circonstances?
IQ: La personne qui négociait mes calendriers de formation chaque année a décidé de faire un retour aux études et n’a pas négocié mes calendriers avant de quitter son poste. Je me suis donc retrouvée sans contrats pour une année.
J’ai pleuré pendant deux jours, puis j’ai décidé de me relever les manches et de m’attaquer à mon projet. C’était un revirement forcé. Je ne pensais jamais le faire sans filet, dans de telles circonstances.
A: Vous mijotiez donc votre projet d’entreprise depuis quelque temps déjà?
IQ: En fait, depuis que je suis toute petite, j’aime beaucoup recevoir et organiser des événements. Avant d’être monopolisée par mon rôle de maman à temps plein, c’est moi qui étais le point de référence pour l’organisation des soupers et des soirées entre amis ou en famille.
Lorsque je donnais des formations dans le domaine de la finance, je me disais souvent que j’aurais le temps de lancer moi-même mon «petit quelque chose». Cette idée-là a mûri lentement au fil des années. J’ai cherché le type d’entreprise que je voulais lancer, j’ai fait plusieurs recherches sur les moyens de concrétiser mes idées (plan d’affaires, etc.), j’ai suivi plusieurs formations (impôts, etc.). J’ai même un jour loué un local, puis me suis ravisée, me disant que ce n’était pas le bon emplacement, le bon moment.
Lorsque je me suis retrouvée sans contrats, j’aurais pu aller voir ailleurs pour continuer à faire de la formation, mais j’avais le goût de faire autre chose, de réaliser un projet qui me tenait à cœur.
A: Quelles ont été les grandes étapes pour la réalisation de votre projet?
IQ: J’ai été presque deux ans à faire des recherches et à suivre des formations. Je me renseignais sur les ressources et sur tout ce dont j’aurais besoin; les emballages, etc.
Lorsqu’est venu le temps de me lancer, j’ai vendu mon condo pour avoir du capital, ce qui m’a donné les fonds nécessaires pour lancer mon projet sans avoir besoin d’emprunter. Je n’ai eu recours à aucun prêt, je n’ai jamais dû d’argent à personne, tout a toujours été payé rubis sur l’ongle. Pour moi, c’était ma façon de me lancer. Et pour y arriver, j’ai dû retourner vivre chez ma mère pendant six mois.
J’ai commencé tranquillement, en louant un petit local dans un demi-sous-sol. J’y suis restée pendant six ans, avant de déménager dans un espace plus grand, il y a deux ans. Au cours de ces huit années, j’ai ouvert une boutique à Longueuil et une franchise à L’Assomption. Je les ai fermées toutes les deux parce que je me sentais coupable de ne pas pouvoir être là aussi souvent que je le souhaitais. Je me sentais comme une mère qui n’a pas assez de temps à accorder à son bébé et je n’étais pas bien là-dedans. Rendue à 50 ans, il n’y a pas juste l’aspect financier qui compte, il y a aussi l’expérience humaine. J’ai choisi de faire grandir ma boutique de l’intérieur, avec ma famille, dans ma succursale de la rue Fleury, à Montréal.
A: Avez-vous vécu un grand stress financier à vos débuts?
IQ: Non, car j’ai mis en place des choses pour ne pas avoir à en vivre. Je n’avais pas de voiture à payer, pas d’hypothèque, etc. À part ça, quand tu es dans les affaires, tu n’as pas d’autres dépenses que d’être dans les affaires parce que tu n’as pas le temps de rien faire d’autre! Ton budget de dépenses est vraiment petit!
A: Avez-vous senti que votre entourage vous appuyait dans vos démarches?
IQ: Mes trois enfants m’ont toujours appuyée. Ils ont été mes bras gauches et mes bras droits. Mon gars travaille encore avec moi, c’est lui qui fait mes gâteaux. Ma fille fait mon administration depuis mes débuts. Elle a aussi fait la décoration, du ci et du ça. Ma troisième a aussi travaillé avec nous. Tout le monde a mis la main à la pâte. Mon partenaire amoureux de l’époque m’appuyait complètement… et ma mère, comme toutes les mères, avait peur pour moi. Elle m’a quand même hébergée pendant six mois et aujourd’hui, elle vient faire du bénévolat avec ses amies de 80 ans et plus. Parfois, je me demande si je serais encore dans les affaires si elle n’était pas là.
A: Avez-vous eu des regrets, des doutes, des questionnements?
IQ: Il y en a eu en cours de route. Ça m’arrivait chaque fois que je m’arrêtais, comme l’été, quand je prenais des vacances. M’arrêter une semaine ou deux générait des angoisses; j’avais peur de ne pas être capable de «repartir la machine». Je trouvais que c’était beaucoup de travail, que j’étais fatiguée. Mais une fois que je repartais, ça repartait! Je considère par contre que je n’ai pas fait face à beaucoup de dualité. J’ai toujours apprécié le fait d’en être là où j’en étais.
A: Avez-vous un conseil à donner à ceux qui pensent se lancer en affaires?
IQ: Ramassez de l’argent avant de vous lancer et allez suivre des formations parce que ce n’est plus le temps de le faire lorsqu’on se lance en affaire; on n’a plus le temps!
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