12 juillet 2018Auteure : Julie Chaumont

Vivre le rêve paralympique à 56 ans

À 56 ans, Nicole Clermont a décidé de quitter son poste de directrice dans une école primaire pour se consacrer à temps plein à sa deuxième carrière: athlète paralympique en cyclisme.


Avenues: Quelles sont les grandes lignes de votre parcours scolaire et professionnel?

Nicole Clermont: J’ai fait un baccalauréat en éducation physique, mais comme je n’arrivais pas à décrocher une permanence dans ce domaine, j’ai fait un certificat en enseignement de l’anglais. J’ai enseigné en éducation physique et en anglais pendant une dizaine d’années dans une école secondaire de la Commission scolaire de la Région-de-Sherbrooke. J’ai ensuite fait le saut vers un poste de directrice adjointe, que j’ai occupé pendant environ neuf ans. Par la suite, j’ai décroché un poste de directrice d’une école primaire, que j’ai occupé pendant 14 ans. J’ai officiellement pris ma retraite le 21 juin dernier, à 56 ans, afin de pouvoir me concentrer à temps plein à mon entraînement en cyclisme pour les prochains Jeux paralympiques.

Avenues: Qu’est-ce qui vous a amené vers les Jeux paralympiques?

N.C.: J’ai un handicap au bras gauche, qu’on ne remarque pas vraiment si on ne le sait pas. C’est une paralysie partielle qui fait que je suis limitée au niveau des mouvements. Cela ne m’a jamais empêchée de faire du vélo, un sport qui a toujours fait partie de ma vie, dans mes déplacements et dans mes loisirs.

Un jour, alors que je roulais avec mon amie Suzanne et les membres du Club cycliste de Sherbrooke, dont je faisais partie, celle-ci, qui est médecin de l’équipe paracycliste canadienne, a remarqué mon handicap. Elle m’a dit que je pourrais peut-être faire des courses de vélo à l’international. Je suis partie à rire, lui disant que ça n’avait pas de sens, que j’approchais des 51 ans.

Elle m’a mise en contact avec l’entraineur de l’équipe canadienne malgré tout, me disant que ça ne coûtait rien d’aller voir. J’ai donc été le rencontrer. S’en sont suivies différentes rencontres avec des comités de classification. La première fois que je suis passée devant un comité de classification, j’ai été refusée. J’y suis retournée suite à un procès et à une autre classification, où j’ai finalement été acceptée. C’est vraiment limite. Dans ma catégorie, je course contre des filles qui ont trois doigts amputés ou un mollet plus petit. Elles sont aussi beaucoup plus jeunes, autour de 25-35 ans.

Je suis malgré tout, et avec grande fierté, rentrée sur l’équipe paralympique canadienne en 2012, à l’âge de 50 ans, tout près des 51 ans.

Avenues: Aviez-vous déjà rêvé de devenir une athlète professionnelle?

N.C.: C’est sûr! En étant éducatrice physique, j’ai toujours rêvé de faire partie d’une équipe nationale. J’ai joué au basketball collégial AAA, j’ai fait de la natation… J’ai toujours quand même assez bien performé dans différents sports, mais jamais de là à penser que je me retrouverais avec un jersey de l’équipe canadienne sur le dos, à me promener en Europe pour aller faire des courses de vélo!

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Avenues: Est-ce que le fait de prendre votre retraite à 56 ans pour vous consacrer à temps plein à l’entraînement sportif entraîne un stress financier?

N.C.: Non. Je ne verrai pas une grosse différence monétaire parce que je ne suis pas à 100% de mon salaire depuis plusieurs années. Lorsque je suis rentrée sur l’équipe nationale, en 2012, mon employeur a accepté que je sois à 90% de mon salaire pour me libérer des blocs afin de me permettre de pouvoir participer à des camps d’entraînement ou à des coupes du monde. En 2016, j’ai pris une année sabbatique pour me concentrer sur mon entraînement en vue des Jeux de Rio, puis j’ai commencé ma retraite progressive à mon retour. J’étais donc à 80% de mon salaire depuis. Après 35 ans dans le domaine de l’enseignement, j’étais mûre pour un changement et j’étais éligible à la retraite sans pénalité.

Avenues.ca: En tant qu’athlète paralympique, avez-vous des commanditaires ou des sources de financement?

N.C.: En étant sur l’équipe canadienne, je reçois du financement par Sport Canada et le gouvernement du Québec. Il faut dire que le vélo est un sport très dispendieux. Les vélos et l’équipement coûtent très cher. Quand je voyage avec l’équipe canadienne, le billet d’avion et l’hébergement sont payés, mais le transport de mes vélos est à mes frais. Quand je vais en Europe, c’est une dépense de 600$. Je dois aussi payer ma nourriture une fois sur place. L’argent que je reçois sert donc principalement à payer mes déplacements. Il y a aussi des boutiques de vélo, à Sherbrooke, qui m’aident en me donnant des rabais sur l’équipement et du temps de mécano quand j’ai des problèmes à régler sur mon vélo.

Avenues.ca: Sentez-vous que vous avez l’appui de votre entourage?

N.C.: Tout le monde m’encourage! Et ce qui est l’fun, c’est que c’est un levier pour moi, à Sherbrooke. J’ai utilisé ça beaucoup pour motiver mes élèves par rapport à la persévérance et à la confiance en soi. Je fais aussi des conférences dans les écoles. Certains parents me disaient que j’avais réussi à motiver leur enfant à bouger, à sortir les vélos, et je trouve ça super. Pour moi, c’est important de redonner à la communauté et de faire la promotion de saines habitudes de vie. C’est d’ailleurs quelque chose que je veux continuer de faire.

Avenues.ca: Outre les conférences, avez-vous des projets pour le futur?

N.C.: Mon objectif à long terme est de faire les Jeux de Tokyo en 2020, mais je prends vraiment une année à la fois. Cette année, j’ai eu une première coupe du monde en Belgique et ça n’a pas très bien été. C’est sûr que si je ne me qualifie pas pour les championnats du monde, ça va être difficile de maintenir ma place sur l’équipe canadienne l’an prochain. Mais si cette belle aventure devait se terminer à la fin de l’été, je me dis que j’aurai été jusqu’au bout, sans regret.

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