Profiter d’une mise à pied pour se lancer
Nancie Ferron et Daniel Joannette étaient tous deux journalistes à TQS. En 2008, lorsque la chaîne de télévision est passée aux mains de V, ils ont, comme des centaines d’autres, perdu leur emploi. Neuf mois plus tard, jour pour jour, ils ouvraient les portes de La Maison Lavande, un site agrotouristique et une parfumerie. C’est ce qu’on appelle savoir retomber sur ses pattes!
Avenues: Quelles sont les grandes lignes de votre parcours scolaire et professionnel?
Nancie Ferron: J’ai fait des études en droit et en journalisme, tandis que Daniel a fait un baccalauréat en criminologie. On n’a pas le parcours typique de tout journaliste, mais on a tous les deux exercé ce métier pendant vingt ans. Daniel a travaillé sept ans à Radio-Canada et treize ans à TQS, alors que moi, j’ai passé vingt années à TQS.
Depuis plusieurs années, Daniel était propriétaire d’une terre qu’il louait à des agriculteurs parce qu’il ne savait pas quoi en faire. Il disait souvent: «Un jour, je vais revenir à la terre, je vais l’utiliser, c’est moi qui vais l’exploiter.» Moi, ça ne m’intéressait pas du tout, je n’avais aucun intérêt pour l’agriculture, mais je l’encourageais. Ma carrière était tellement belle et tout allait super bien! J’étais très bien payée et je ne voyais pas la fin de ça. Je voyais encore de très belles années se dessiner devant moi dans ce milieu.
En 2006, lors d’un voyage de plaisance en Europe, Daniel a eu l’idée de planter de la lavande sur sa terre. On a commencé à planter en 2007, et en 2008, après un premier hiver, on a réalisé qu’on avait un beau projet entre les mains, qu’on pouvait faire un très beau site agrotouristique, qu’on pourrait créer des produits de parfumerie, etc.
Daniel s’apprêtait donc à demander un congé sans solde pour s’attaquer à ce projet à temps plein. De mon côté, je m’apprêtais à demander un statut de pigiste pour pouvoir être plus libre de mes horaires. La semaine où on allait faire nos demandes à notre patron, c’est la semaine où nous avons appris que la salle des nouvelles allait fermer. On a pris ça comme un signe du destin. On a fait notre dernier reportage à TQS le 21 août 2008, et le 21 mai 2009, neuf mois après, jour pour jour, on ouvrait
nos champs de lavande et notre parfumerie.
A: Quelles ont été les étapes qui ont permis la réalisation de votre projet?
NF: Après vingt ans de métier, c’est sûr que tu as réussi à avoir un peu d’acquis (notre maison, la terre de Daniel, etc.). C’est ce qu’on a utilisé comme levier financier. On a aussi fait du démarchage pour aller chercher différentes sources de financement.
On a été chanceux parce qu’on a rapidement eu l’appui de notre Centre local de développement, qui nous a aidés à monter notre plan d’affaires, qui nous a coachés et qui nous a poussés à nous présenter au Concours québécois en entrepreneuriat, que nous avons gagné.
On a également eu la chance d’avoir autour de nous beaucoup de gens qui ont cru en nous dès le départ, dont notre institution financière. La responsable de notre dossier chez Financement agricole Canada a tout de suite cru en nous, alors qu’on n’avait rien d’autre qu’un plan d’affaires et que la maison de parfumerie n’était même pas reconstruite.
En plus, tous les gens avec qui on a fait affaire pour développer nos produits – les chimistes des laboratoires, etc. – ne nous ont pas demandé un seul sou dès le départ, mais plutôt proposé de répartir les coûts sur les commandes à venir.
A: Ni toi ni Daniel n’aviez d’expérience en agriculture, en horticulture ou en entrepreneuriat?
NF: Non! Par contre, on avait un gros gros avantage: on était journalistes. On était habitués à aller chercher l’information. On a passé vingt ans de notre vie, tous les jours, à aller chercher LA bonne personne pour répondre à nos questions. Là, c’était la même affaire. On ne savait pas comment faire quelque chose? On savait toujours comment aller chercher la bonne personne pour nous expliquer comment faire. Et on n’avait pas peur de se tourner vers ces personnes au besoin. C’était notre force, notre principal atout.
A: Sans vouloir faire de jeu de mots, aviez-vous peur de vous planter?
NF: Non, on n’avait pas peur. On se disait qu’au pire du pire du pire, on perdait l’argent qu’on avait mis dans le projet. On aurait encore notre tête, nos deux bras, nos deux jambes. Oui, c’est vrai qu’on aurait pu perdre beaucoup, mais on s’entend que c’est juste perdre de l’argent, ce n’est pas une maladie mortelle. Il faut relativiser. Je suis certaine qu’avec le caractère qu’on a, si ça n’avait pas fonctionné, on se serait viré de bord et on aurait trouvé autre chose.
A: Comment voyez-vous l’avenir?
NF: Nos deux filles, qui travaillent avec nous, ont manifesté leur intérêt pour prendre la relève. Au cours des prochaines années, on va commencer à établir une stratégie pour la transmission. Selon les statistiques, on sait que ça prend entre cinq et sept ans pour réussir une transmission. On va donc prendre un à deux ans pour choisir une stratégie et étudier différents modèles pour la transmission, puis on va prendre cinq à sept ans pour la réaliser.
A: Avez-vous un conseil pour les gens qui pensent faire un changement de carrière?
NF: Quand tout s’emboîte tout seul, sans rien forcer, c’est que c’est le bon moment pour faire le saut. Il faut juste être à l’écoute et réceptif.
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