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Hockey féminin après 50 ans: plus d’adeptes que jamais

Le hockey féminin explose au Québec et celui que pratiquent les femmes de plus de 50 ans n’est nullement en reste! Des ligues de garage à celles qui ont pignon sur rue dans les grands centres urbains comme en région, elles investissent à plein les lieux de pratique récréative comme les compétitions, notamment celles organisées par la FADOQ, et ce, malgré les «chasses gardées» masculines qui réduisent encore aujourd’hui au minimum leurs propres heures de glace.



«Le hockey, c’est le plus beau sport du monde», lâche la Montréalaise Anne-Marie Parent, jeune sexagénaire qui le pratique depuis sa tendre enfance. Non sans difficulté, mais avec quelle ténacité! «Je jouais au hockey-bottine dans ma ruelle et c’est moi qui ai lancé le hockey féminin, à 15 ans, au Collège Jean-de-Brébeuf, puis à 17 ans, à l’Université de Montréal.» Elle s’y fait dire: «Trouve des filles; je te donne une heure de glace par semaine. Faites vos preuves et on verra.» Ce qui fut dit fut fait. À l’âge adulte, Anne-Marie administrera aussi pendant 25 ans une ligue amicale de «chums et chummettes» pour jouer au hockey à l’aréna du Collège Jean-de-Brébeuf. «Aujourd’hui, dit cette cheffe de pupitre au Journal des voisins, dans l’arrondissement montréalais d’Ahuntsic-Cartierville, je joue dans une ligue de garage de mon quartier. C’est amical, pas compétitif. On est un tiers de femmes, deux tiers de gars.»

C’est fréquemment la norme au Québec: les femmes séniores jouent régulièrement au hockey dans des équipes mixtes. Leur différence de jeu? «Les gars sont souvent plus rapides et plus forts, mais certaines filles sont plus vites et, en général, elles ont un meilleur esprit sportif», estime Anne-Marie Parent.

Nombreuses aussi sont celles qui jouent dans des équipes féminines, sans distinction d’âge. Tel est le cas chez les Palettes roses, une ligue de garage créée en 2017 à Sainte-Agathe-des-Monts, dans les Laurentides, par des mères de jeunes hockeyeurs comme Renée-Claude Gélinas. À 55 ans aujourd’hui, elle mesure le chemin parcouru. «Avant, on jouait dans les ligues d’hommes, puis on a commencé à organiser des matchs féminins pour des événements-bénéfice.» Aujourd’hui, les Palettes roses ont plus d’une centaine de joueuses, dont les âges varient de 25 à 59 ans et, en 2022, elles ont créé un groupe de «mini-Palettes» pour les jeunes filles. L’engouement fut tel qu’elles sont désormais 78 à y être inscrites!

«Notre mission première est de promouvoir le hockey féminin par l’exemple, ajoute Mme Gélinas. Comme joueuses séniores et comme bénévoles auprès des mini-Palettes, nous sommes des modèles pour elles», estime cette préretraitée de Val-Morin.

Les âges varient dans plusieurs ligues, accueillant autant les femmes dans la vingtaine que dans la cinquantaine. Photo: Depositphotos

Les réseaux sociaux à la rescousse

Bon nombre d’entre elles aussi n’ont pas vraiment d’équipe, mais jouent comme remplaçantes, en utilisant à plein des ressources disponibles sur les réseaux sociaux. Les groupes ou pages Facebook de hockey féminin sont à cet égard une mine d’or pour trouver des offres de joueuses remplaçantes. La page Hockey – Le marché libre, forte de 6 600 abonnés, recense pour sa part des tonnes d’informations sur les activités des associations de l’île de Montréal et des alentours. La plateforme multimédia Femmes d’Hockey est de son côté dédiée à la mise en valeur des femmes dans l’univers du hockey, qu’elles aient 20 ans ou plus de 50 ans.

Pas facile, cependant, de dresser un portrait du hockey féminin au Québec et encore moins du hockey pratiqué par les femmes de plus de 50 ans. «Contrairement aux autres provinces canadiennes, on n’a pas de ligues d’adultes au Québec», constate Artémis Erfle, 63 ans, capitaine des Girlzs. Ce groupe de 150 membres, né dans l’ouest de Montréal, participe régulièrement à des tournois de hockey féminin destinés aux 50 ans et plus au Québec et ailleurs au Canada. Ce sont des individus qui, comme elle, démarrent, puis gèrent des groupes de pratique.

Trop vieilles pour jouer au hockey?

«99% des membres adultes des Palettes roses n’avaient jamais joué au hockey avant d’en faire partie», souligne Renée-Claude Gélinas en parlant de ce «sport magnifique qui va te garder en forme, même à plus de 60 ans, et te permettre de continuer à jouer parce que tu aimes ça».

«Dans les ligues de garage, on est là pour jouer tout en ayant du plaisir. Les plus compétitifs ne viennent pas là», précise Anne-Marie Parent. Le hockey lui permet de se tenir en forme mais, avec l’âge, il ne faut pas négliger de faire de bons étirements avant et après. Comme on parle d’un sport «intermittent», qui nécessite des accélérations rapides, mais de courte durée, il faut à la fois avoir un bon cardio et faire des exercices d’anaérobie, plus courts, mais plus intenses.

Artémis Erfle a pour sa part commencé à jouer au hockey à 39 ans. «C’était le fun, dit-elle, mais plus on vieillit, plus on a peur de se blesser, notamment en jouant avec des plus jeunes. J’ai compris l’intérêt d’avoir une gang pour les plus de 50 ans.» Cette gestionnaire d’une garderie Montessori à Pointe-Claire joue maintenant depuis longtemps avec des amies de son âge et monte des équipes de Girlzs pour participer à des compétitions.

Capitaine dans la Ligue de hockey féminin de la Mauricie, Sonia Guay constitue également des équipes de femmes âgées de 20 à 60 ans, qui jouent ensemble une fois par semaine, selon leur calibre. «J’ai des joueuses passionnées qui prennent soin de leur forme physique, tout comme moi. Je fais de la course à pied. Je vais au gym et je fais du vélo quand je ne joue pas au hockey. Le sport, conclut-elle, c’est dans mon ADN.»

À voir l’engouement pour les tournois organisés chaque année dans la province à l’intention des hockeyeuses séniores, on mesure à quel point ce sport est en ébullition.

À voir l’engouement pour les tournois organisés chaque année dans la province à l’intention des hockeyeuses séniores, on mesure à quel point ce sport est en ébullition. Photo: Depositphotos

Tournois adultes ou séniors?

Pourquoi choisir, quand on peut participer aux deux? Tel est bien le cas des Girlzs, dont la capitaine, Artémis Erfle, est une habituée des tournois, dans la région de Montréal comme ailleurs, à la Coupe du Québec 55+ de hockey, par exemple. «Je crée des équipes de Girlzs, dit-elle, avec celles qui veulent participer et je gère les inscriptions et l’organisation.» C’est elle aussi qui fait pression (avec d’autres) pour qu’il y ait davantage de catégories d’âge dans les divisions féminines.

En octobre, au dernier tournoi des Oldtimers de Beaconsfield (BOHA, anciennement réservé aux hommes), les femmes ont ainsi obtenu pour la première fois une division pour les plus de 50 ans, alors que les précédents tournois étaient organisés pour les 35 ans et plus. «On a eu six équipes à nous dans cette division, en plus des quatre chez les plus de 35 ans», précise Artémis Erfle.

La Coupe du Québec 55+ de hockey, organisée par le Réseau FADOQ, a aussi désormais trois catégories 55+, 60+ et 65+, pour les femmes.

Même aux Jeux du Canada 55 +, il n’est pas facile de faire bouger les choses, mais on y parvient peu à peu. Il a fallu attendre 2016 pour que les femmes puissent intégrer la compétition en hockey. Jusqu’en 2022, rappelle Mme Erfle, il n’y avait qu’une seule catégorie de hockey féminin, pour les 55 ans et plus. À force de demander, «on a obtenu une autre catégorie pour les 60 et plus en 2022. L’an prochain, les Jeux du Canada 55+ auront lieu à Québec et on aura une troisième catégorie pour les 65 ans et plus».

Il a fallu attendre 2016 pour que les femmes puissent intégrer la compétition en hockey. Photo: Depositphotos

Le hockey «social»

Sur la glace, on joue, mais dans les vestiaires, place au hockey «social»! Pour Renée-Claude Gélinas, la mixité des âges dans les Palettes roses est un plus. «Nous avons des jeunes filles qui deviennent mères et des mères qui sont devenues grand-mères. Dans le vestiaire ou dans les activités parallèles au hockey, l’apport des premières nous permet de nous garder jeunes de cœur, de corps et d’esprit, tandis que les plus âgées partagent leur expertise de chemin de vie. Du coup, il n’y a pas de barrière d’âge: qu’elles aient 25 ou 55 ans, ce sont mes amies!»

«La convivialité est une part importante dans nos ligues de garage, où on joue entre amis, et dans la “chambre”, on parle de tout, même d’opéra», ajoute Anne-Marie Parent.

Pour la capitaine des Girlzs, la partie sociale est très importante pour les hockeyeuses, et peut-être plus quand on vieillit. «On est très proches, note Artémis Erfle, et on a des discussions de toutes sortes entre nous.» Quand les coups durs arrivent, cette relation d’amitié devient essentielle. Mme Erfle l’a vécu, à l’annonce d’un cancer en mai dernier. «Quand la gang l’a su, j’ai reçu un soutien incroyable de mes amies de hockey.»

Se battre pour des heures de glace

Pour bien jouer au hockey, il faut pratiquer, quel que soit son âge, et si possible, sur une belle patinoire réfrigérée.

Si la Ligue de hockey féminin de la Mauricie se dit «choyée» de pouvoir jouer tous les dimanches après-midi à l’aréna Les deux glaces de Saint-Louis-de-France, entre Trois-Rivières et Shawinigan, tel n’est pas le cas de beaucoup d’équipes qui peinent à obtenir des heures de glace.

Il y a des chasses gardées dans les arénas. La répartition des heures d’entraînement profite en effet aux ligues les plus anciennes et il n’y a pas de place, ou peu de place, pour les nouveaux venus (les femmes, en l’occurrence). Elles passent encore après tout le monde et «c’est une vraie bataille pour l’équité à mener, car ces arénas devraient être un service public», estime Renée-Claude Gélinas. «Quand les Palettes roses ont débuté, se souvient-elle, il n’y avait que deux arénas dans la région, à Sainte-Agathe et à Tremblant. Et il a fallu faire une pétition quand celle de Sainte-Adèle a ouvert pour obtenir une heure de glace par semaine. Aujourd’hui, on en a une seconde, le dimanche, à 7h30.»

Artémis Erfle rêve elle aussi du jour où les hockeyeuses pourront avoir un meilleur accès aux arénas. «À Pointe-Claire, on n’a pas de problème pour jouer, dit-elle, mais ailleurs, il faudrait que les femmes se regroupent en associations pour pouvoir passer des contrats privés et obtenir ce qu’elles veulent.» Il en va de l’avenir d’un hockey féminin épanoui, à tout âge!