La chronique Voyage de Marie-Julie Gagnon

Auteur(e)
Photo: Mélanie Crête

Marie-Julie Gagnon

Auteure, chroniqueuse et blogueuse, Marie-Julie Gagnon se définit d’abord comme une exploratrice. Accro aux réseaux sociaux (@mariejuliega sur X et Instagram), elle collabore à de nombreux médias depuis une vingtaine d’années et tient le blogue Taxi-brousse depuis 2008. Certains voyagent pour voir le monde, elle, c’est d’abord pour le «ressentir» (et, accessoirement, goûter tous les desserts au chocolat qui croisent sa route).

Sale époque pour les voyageurs

Les écrasements d’avion. Les attentats. Le surtourisme. La pollution engendrée par les déplacements aériens. L’actualité vous donne-t-elle envie de rester chez vous?



Plus que jamais, on y pense à deux fois avant de s’envoler pour le bout du monde. Bien sûr qu’être conscient de son empreinte carbone est une bonne chose et qu’il faut tenter de l’améliorer. Mais notre territoire étant beaucoup plus vaste que les contrées où le mouvement «We stay on the ground», lancé en Suède, fait la manchette, cesser de prendre l’avion réduit pas mal les options pour un Nord-Américain, surtout quand il dispose de deux ou trois semaines de vacances par an.

Comment trancher entre le désir de faire sa part pour l’environnement et celui de fouler le sol des contrées qui nous font rêver? Les pistes de réponses sont nombreuses, mais aucune formule magique ou méthode de téléportation ne semble avoir été trouvée pour permettre aux deux de cohabiter en parfaite harmonie. J’ai beau adorer prendre le train et rêver de voyages en cargo, il me semble irréaliste de planifier notre prochaine visite sur le continent africain, où vit ma belle-famille, en utilisant seulement ces moyens de transport, en tenant compte des coûts et des contraintes des différents membres de ma famille.

Comment trancher entre le désir de faire sa part pour l’environnement et celui de fouler le sol des contrées qui nous font rêver? Photo: Vidar Nordli Mathisen, Unsplash

Entre la peur et les faux-pas

Après l’écrasement de deux Boeing 737 Max 8, voilà que des défauts de fabrication du 787 Dreamliner inquiètent (et je ne parle même pas du KC-46A Pegasus – aussi de Boeing – qui comporte tant de bogues que l’armée américaine l’a refusé). Rien pour calmer les angoisses des aviophobes!

Devons-nous cesser de voyager dans les pays où sont survenus des attentats, comme au Sri Lanka dimanche dernier? La question continue de préoccuper. De passage à Bruxelles quelques jours après l’explosion des bombes, en 2016, j’ai constaté de visu l’impact du drame, mais aussi le désir des Belges de continuer à avancer. J’y ai retrouvé une ville meurtrie, mais pleine de vie. Comme je l’ai mentionné dans cette chronique, la peur pour rester alerte, oui, mais celle qui isole et entraîne la haine, jamais.

Et que dire des destinations qui ont le vent dans les voiles, comme l’Antarctique, où la croissance du tourisme (et ceux qui tentent de faire le buzz) constitue une menace? Des pratiques a priori tellement banales qu’on en vient à ne même plus les remarquer, mais qui s’avèrent néfastes, comme les ânes maltraités en Grèce, les koalas cajolés en Australie ou les éléphants montés en Thaïlande? Oui, nos actions ont un impact, même si l’on n’en est pas toujours conscient.

Photo: Alexandre Chambon, Unsplash

On fait quoi?

Entre la peur et la culpabilité, les raisons de rester chez soi se multiplient. Moi-même, qui constate les bienfaits du voyage dans ma vie et dans celle de mes proches, je me questionne régulièrement.

Depuis plus de dix ans maintenant, j’ai fait de ma passion mon gagne-pain, partageant mes trouvailles et coups de cœur sur différentes tribunes. Forcément, faire la promotion du tourisme vient avec une certaine part de responsabilités. Parler de destinations ultra-populaires? Oui, mais en conseillant de s’y rendre en basse saison et en apportant quelques bémols. Évoquer des destinations de rêve qui se trouvent à l’autre bout du monde? Oui, mais en mentionnant les manières de s’y rendre en faisant le moins d’escales possible, histoire d’éviter de trop nombreux décollages et atterrissages, moments où les avions consomment le plus de carburant. Recommander des lieux où des drames sont survenus? Parfois, mais en suggérant tout de même de consulter les avertissements émis par le gouvernement du Canada.

Pour moi, tout est dans la nuance, chose qui manque cruellement à notre époque. Se mettre la tête dans le sable ne sert personne. S’attaquer les uns les autres ou tomber dans le prêchi-prêcha non plus.

On ne peut pas, bien sûr, prévoir les attentats. Les défectuosités d’avion? À force d’enquêter, je me dis qu’on va trouver des solutions. Quelle compagnie aérienne aurait intérêt à faire voler des appareils non sécuritaires?

Quant à l’environnement, je ne crois pas aux discours extrémistes et culpabilisants. Ni aux belles promesses, d’ailleurs. Je suis par contre persuadée qu’on a tous un rôle à jouer. Que se regarder dans le miroir est nécessaire, tout comme tenter d’améliorer nos failles. On a beau chercher à se déculpabiliser en se rappelant nos bons coups, on n’est pas moins coupable de nos moins bons. Mais cesser de voyager complètement m’apparaît comme un non-sens à une époque où l’on a, plus que jamais, besoin d’essayer de comprendre l’autre.