Béatrice Picard, l’octogénaire bionique
Avec un livre, on ne s’ennuie pas. Et cet automne, ce n’est pas le choix qui manque. Les amateurs de biographies sont particulièrement gâtés. Parmi les nombreuses nouveautés, j’ai choisi de vous parler du livre Avec l’âge, on peut tout dire, qui raconte la vie de Béatrice Picard, une femme dynamo qui a traversé sept décennies sous l’œil du public en gardant une part de mystère autour de sa personne.
C’est le journaliste Sylvain-Claude Filion qui s’est attaqué à ce défi de mettre en lumière une carrière hors du commun, commencée en 1948 et toujours active en 2018.
Béatrice Picard aura 90 ans l’an prochain. Elle est née le 3 juillet 1929. Avant le krach boursier qui a enclenché la Grande Dépression! C’est fabuleux de se faire raconter les débuts dans la vie de cette enfant née dans une famille relativement modeste où la culture, le cinéma notamment, occupe une place importante.
Le livre commence sur les chapeaux de roue. L’auteur nous fait à la fois le portrait du Montréal des années 1930 et 1940 et celui de Béatrice, une jeune fille qui a du cran et de l’allant, déterminée à devenir avocate, jusqu’au jour où elle découvre la magie du théâtre.
Cela se passe à Paris. Béatrice n’a pas encore 20 ans. On est en 1948, à peine trois ans après la fin de la Deuxième Grande Guerre, elle est seule dans la Ville Lumière et elle décide de s’inscrire à l’EPJD (Éducation par le jeu dramatique), un établissement fondé en 1946 par Jean Vilar et Jean-Louis Barrault. Quand même! Un soir, elle voit Andromaque de Racine à la Comédie-Française. «C’est la fulguration», écrit l’auteur, qui n’a de cesse, sur plus de 300 pages, de nous énumérer tous les projets et les productions auxquels Béatrice Picard a été associée par la suite. Des projets en français, en anglais, à la radio, à la télévision, au cinéma, sur la scène à Montréal et en tournée en région, en doublage.
Le récit de Sylvain-Claude Filion repose sur un travail de recherche d’une grande exhaustivité. À travers la vie de son sujet, c’est l’évolution de pratiquement un siècle de culture québécoise qui nous est racontée.
Béatrice Picard a connu l’époque des radioromans et la création de la télévision publique avec ses grands téléthéâtres et ses séries comme Le Survenant, dont elle était une des vedettes. On verra aussi ce qui se passe au Canal 10, car la comédienne ose traverser du côté de la télévision commerciale pour créer des séries humoristiques comme Cré Basile et Symphorien! Elle a été aussi de l’aventure de nombreux téléromans suivis religieusement par le public et on l’a également retrouvée dans les téléséries lourdes et les comédies de situation quand elles sont apparues. Bref, Béatrice Picard a survécu à chacune des transformations de la télévision.
Son omniprésence à la scène permet également à son biographe de décrire l’éclosion de la scène théâtrale au Québec et son évolution jusqu’à nos jours. Tout y passe: l’apparition des troupes, pensons aux Compagnons de Saint-Laurent et à la Compagnie du Masque, la fondation d’institutions comme le Rideau Vert, le TNM, la NCT et le Théâtre Duceppe, le développement de notre dramaturgie nationale, de Gratien Gélinas à Normand Chaurette, en passant par Marcel Dubé et Michel Tremblay.
La création, le théâtre de répertoire, les adaptations américaines, le théâtre d’été, Béatrice Picard a pris part à tous les types de propositions. La plupart du temps dans des rôles de composition, mais toujours avec une approche marquée par la rigueur et le professionnalisme.
Parallèlement à cette carrière menée tambour battant, la vie privée de la comédienne révèle une femme surprenante, souvent en avant de son temps. Pensons seulement au fait qu’elle a donné naissance à quatre enfants entre 1955 et 1967 en dehors des liens du mariage.
La lecture du récit de la vie de Béatrice Picard transmet une urgence de vivre. Rien n’arrête cette femme, comme en témoigne cette anecdote voulant qu’elle ait animé son émission de radio quotidienne à CKAC de son lit d’hôpital au lendemain d’un accouchement. C’est une tough qui ne se plaint jamais et qui sait se sortir des impasses de la vie. C’est une béate qui sait où il est le bonheur et qui n’hésite jamais à le partager parce que la générosité est une de ses qualités. C’est un ouragan qui emporte ceux qui l’entourent dans son mouvement perpétuel. Même comme lecteur, on est porté par cette octogénaire bionique. Qu’est-ce qu’on peut demander de plus d’une lecture en cet automne trop gris et prématurément froid?
Dodo refait le Bye Bye!
Cette semaine, le musée Grévin de Montréal a accueilli une nouvelle résidente: la seule et unique Dominique Michel. La statue à son effigie enrichit de belle façon la collection du musée de cire du Centre Eaton à Montréal. Sa présence sera permanente, mais elle commence ses jours au cœur d’une exposition de costumes qui souligne les 50 ans de la célèbre revue de fin d’année de Radio-Canada. Vous y verrez des costumes que Dodo a portés, mais aussi de toutes les époques, notamment ceux que portait Marc Labrèche dans sa parodie sur Céline Dion en janvier dernier. L’exposition, conçue avec la collaboration du Grand Costumier, permet de revoir des extraits de sketches et aussi de se déguiser avec les accessoires mis à la disposition des visiteurs. Bye Bye: 50 ans de costumes est à l’affiche jusqu’au 6 janvier 2019.