La Place des Nations finira-t-elle par revivre?
La Place des Nations, située sur la pointe sud de l’île Sainte-Hélène, est un des lieux symboliques d’Expo 67. Laissée à l’abandon depuis de nombreuses années, peut-on encore espérer la voir revivre? Tour d’horizon historique et futuriste.
En 67, tout était beau
C’est en 1963 que le projet de la Place des Nations est initié. On parle alors de créer un lieu symbolique, une «place des peuples» qui sera le site des manifestations officielles, culturelles, artistiques et folkloriques présentées par les différents pays participants à l’Expo 67.
La conception de cette place unique où s’ouvrira chaque journée de l’exposition universelle est confiée à l’architecte André Blouin. Construite entre janvier et décembre 1966, la Place des Nations est, en gros, un carré de béton entouré de passerelles et de gradins pyramidaux. Dans le détail, il s’agit plutôt d’une ode à l’architecture moderne; une construction audacieuse à l’image même de Montréal: ouverte sur le monde et les idées nouvelles. «[…] la Place des Nations est un objet bâti original dont on ne connaît pas de précédents au niveau mondial, un objet singulier qui témoigne de l’effervescence créative des architectes canadiens et québécois au cours des années 1960», peut-on lire dans la version finale du rapport intitulé Étude patrimoniale sur les témoins matériels de l’Exposition universelle et internationale de Montréal de 1967 sur l’île Sainte-Hélène, publié par le Laboratoire de recherche sur l’architecture moderne et le design de l’École de design de l’UQAM en 2005. Cette construction a d’ailleurs valu à son architecte le Prix de l’Académie royale canadienne des Arts.
Les deux principaux matériaux utilisés dans la construction de la Place des Nations sont le béton et le bois lamellé-collé. Les gradins en béton, s’élevant sur quatre étages, offrent 2500 places assises. Les passerelles sont quant à elles faites d’impressionnantes poutres lamellées-collées en sapin de la Colombie-Britannique. Elles mesurent 2,12 mètres de hauteur et font 40 mètres de longueur. Celles-ci offrent des postes d’observation ouverts sur le spectacle intérieur et sur la magnifique vue de l’extérieur. Au total, la Place des Nations peut accueillir environ 7000 personnes.
Occupant une position centrale par rapport aux autres secteurs de l’Expo, le site de la Place des Nations était facile d’accès, mais surtout, il offrait (et offre encore!) une vue imprenable sur le fleuve, la ville et l’Exposition, faisant de ce site un point de vue recherché des visiteurs.
Comme la plupart des constructions d’Expo 67, la Place des Nations avait été conçue pour être entièrement démolie après l’Expo. Cependant, le maire Drapeau en a finalement décidé autrement. Ainsi, en mai 1967, le service d’urbanisme de la Ville de Montréal complète une étude intitulée Utilisation future du site de l’Exposition universelle de 1967. Celle-ci propose la conservation de plusieurs structures et bâtiments, dont la Place des Nations. On peut y lire: «La Place des Nations est certainement un équipement précieux pour toutes sortes de manifestations de plein air et sa qualité de permanence structurale nous la fait conserver.»
En 91, il y avait de l’espoir
Après l’Expo 67, place à Terre des Hommes, le prolongement de l’exposition universelle de Montréal. La Place des Nations continue donc d’accueillir chaque été de nombreux spectacles. Robert Charlebois, Peter Gabriel, James Brown, Yvon Deschamps… le site est animé et continue de ravir les visiteurs qui s’y rendent.
C’est en 1981, lorsque Terre des Hommes s’éteint, que la Place des Nations commence à sombrer dans l’oubli. Quelques années plus tard, soit en 1991, la Ville de Montréal commande une étude (Place des Nations. Programme préliminaire de mise en valeur, octobre 1991, Ville de Montréal, 12 pages). On propose alors de faire de la Place des Nations un «Centre commémoratif d’Expo 67».
À la suite de cette étude, on commence donc des travaux de réfection à la Place des Nations. Traitement au jet de sable des surfaces en béton, peinture des estrades, remplacement de certains planchers et escaliers en bois, recouvrement de la dalle centrale en béton avec de la pelouse et enlèvement des mâts en béton constituent les principales opérations. Malgré ces travaux, la Place des Nations ne retrouve pas sa gloire d’autrefois et reste à l’abandon.
En 2013, l’espoir renaît
Après quelques décennies passées dans l’oubli, la revitalisation de la Place des Nations refait surface en juillet 2013. Le Projet d’aménagement et de mise en valeur du parc Jean-Drapeau, un document de 34 pages réalisé par la société QIM pour la Société du parc Jean-Drapeau en vue des commémorations du 375e anniversaire de Montréal et du 50e de l’Expo 67, propose un budget de 12,5 millions de dollars pour la rénovation des six bâtiments et le réaménagement de la place centrale afin de pouvoir accueillir des évènements. Les objectifs, tels que spécifiés dans le document, étaient les suivants:
- Donner une nouvelle vie au site;
- Protéger et mettre et valeur certaines icônes de 1967;
- Miser sur un design et une fonction tournés vers l’avenir;
- Accueillir des évènements publics ou privés afin que le site constitue une nouvelle source de revenus;
- Augmenter l’offre de diffusion culturelle à Montréal.
L’espoir est à son comble: enfin, la Place des Nations sera réhabilitée.
Or, en 2015, un rapport de l’inspecteur général de la Ville de Montréal écorche la Société du parc Jean-Drapeau. Le maire Denis Coderre abandonne alors les plans du document Projet d’aménagement et de mise en valeur du parc Jean-Drapeau.
En 2017, on déchante
2017, l’année du 375e anniversaire de Montréal et du 50e de l’Expo 67. Sur l’île Sainte-Hélène, plutôt que de voir des bâtiments réhabilités et des souvenirs reprendre vie, c’est le chantier. L’administration Coderre va de l’avant avec un Plan d’aménagement et de mise en valeur du secteur sud de l’île Sainte-Hélène d’un budget total de 73,4 millions.
De cette enveloppe budgétaire, 10 millions sont utilisés pour agrandir le parterre de 45 000 à 65 000 places sur l’île Sainte-Hélène. Et «18 millions seront utilisés pour des équipements technologiques conformes aux souhaits du Groupe CH», tel que révélé dans un article de La Presse.
Et la Place des Nations? Elle est utilisée comme site technique d’entreposage et a «subi des affronts et des négligences indignes de sa valeur», peut-on lire sur le site d’Héritage Montréal, qui considère d’ailleurs la Place des Nations comme un site de patrimoine en danger.
Qu’en est-il de l’avenir?
En conférence au Sommet mondial du design 2017, la firme d’architecture STGM présentait des idées originales pour faire revivre la Place des Nations. Celles-ci, élaborées à la suite des consultations publiques, font rêver. Aménagement d’une place publique permanente et polyvalente pouvant être modelée au fil des quatre saisons; construction d’un belvédère mettant en valeur les vues imprenables sur Montréal, le fleuve Saint-Laurent et le reste du parc Jean-Drapeau; aménagement d’un pont flottant reliant l’île Sainte-Hélène au quai King-Edward, dans le vieux Montréal… La firme souhaite déposer un mémoire à la Ville de Montréal afin d’exposer ses idées. Les propositions et les images d'ambiance ci-dessous font rêver!