Le retour sur scène de Claudine Mercier
Ça faisait longtemps que je n’étais pas allé voir un spectacle d’humour. J’ai renoué avec la discipline préférée des Québécois en allant voir Claudine Mercier un soir de Saint-Valentin.
Pour l’humoriste-imitatrice, c’est un retour sur scène avec un 5e spectacle en 25 ans de carrière. D’entrée de jeu, elle nous fait la démonstration qu’elle est toujours en voix en entonnant un extrait de l’opéra Madame Butterfly. Au cours du spectacle, elle poussera la note à la manière des Ginette Reno, Cœur de pirate, Sia, Shakira, Renée Martel, Diane Dufresne et plusieurs autres. Mais les imitations ne galvanisent plus la foule comme autrefois.
Faire de l’humour à 55 ans
Aujourd’hui, les filles qui font de l’humour se distinguent par une approche beaucoup plus rentre-dedans. Claudine Mercier, qui a l’air d’une couventine sur son affiche, est la première à reconnaître dans son spectacle que ce n’est pas évident de trouver ses marques dans le monde cynique et cru qui est le nôtre. En blague, elle avouera que même son neveu s’inquiète qu’elle sorte de cette expérience affublée du hashtag matante. L’autodérision dont elle fait preuve à ce chapitre est très payante. Sa vision des dérives de notre société sous forte influence des médias sociaux est très juste et ses tentatives de faire des gags trash, amusantes.
L’humoriste, qui a maintenant 55 ans, ne se dénature pas. Elle demeure fidèle à ce qui a fait sa notoriété: des personnages, des imitations parlées et chantées et des gags gentillets.
Les personnages de Claudine
Au rayon des personnages, elle a remisé Lise Watier (qu’elle réussissait très bien) pour une autre femme d’affaires très en vogue, Danièle Henkel, dont elle grossit l’égo et l’assurance dans une parodie de conférence intitulée Le nombril de la dragonne. Ensuite, on s’amuse de ces gourous qui promettent le bonheur par la méditation. La coach que personnifie Claudine Mercier s’appelle Shannon, elle maltraite la langue française (les chakras deviennent les crachats) et les hommes en prennent pour leur rhume. «Pour faire le vide dans ton tite tête, dit-elle, tu dis homme et le tour est joué.» Le personnage le plus savoureux demeure celui de la petite fille qu’elle ramène avec encore plus de questions et de mots d’enfant qu’avant. La petite s’inquiète notamment pour sa mère qui veut se trouver un nouveau chum sur Tinder, mais qui finit sur eBay en se faisant offrir 3$!
Tirer dans toutes les directions
Dans le matériel offert en mode stand-up, Claudine Mercier tire dans toutes les directions: la manie de Sophie Grégoire de chanter partout, tout le temps, la burka qu’elle présente comme une solution pour économiser de l’argent chez l’esthéticienne, Anne-Marie Losique dont les lèvres donnent l’impression d’avoir été dessinées par une enfant qui dépasse. L’allure générale de Donald Trump passe aussi dans son tordeur. Elle finit par le comparer à un gros fromage cheddar marbré et conclut qu’il peut bien s’entendre avec Poutine! Comme vous voyez, on est dans le oneliner un peu échevelé.
Tout ça est livré à un rythme très rapide qui laisse peu de temps au public pour réagir. En contrepartie, les enchaînements de numéros traînent. Ce qui fait qu’on a l’impression que le spectacle n’a pas encore trouvé son rythme. Ce qui devrait venir avec le temps.
Une finale à la Brachetti
Il y a par contre des choix artistiques qui témoignent d’une volonté évidente de ne pas brusquer le public vieillissant de Claudine Mercier. C’est le cas du numéro un peu pépère recréant un En direct de l’univers consacré à Ginette Reno et de la finale très vintage du spectacle. En effet, l’heure et demie de spectacle se termine avec une suite de chansons de comédies musicales américaines comme The Sound of Music, My Fair Lady, Cabaret et Chicago. Tout ça fait un peu suranné. Pour agrémenter ce pot-pourri d’airs célèbres, Claudine Mercier change de costumes à chaque chanson comme le transformiste Arturo Brachetti, mais en moins vite.
Bref, le talent est toujours là, mais la mécanique du show gagnera à être resserrée. Il faut aller voir Claudine Mercier pour ce qu’elle est et a toujours été: une femme à l’humour bon enfant et à la voix polyvalente.
Mon coup de cœur pour un projet d’avenir: le MR-63
Dernièrement, je vous ai parlé d’un événement de la Brigade Arts Affaires de Montréal (BAAM) où j’ai rencontré des jeunes qui ont la piqûre de l’art et de la culture et des idées plein la tête. C’est le cas de Frédéric Morin-Bordeleau, un Montréalais, fin vingtaine, qui travaille depuis trois ans avec son frère Étienne à un projet de centre d’art qui serait à la fois un lieu de diffusion et de médiation culturelle pour les artistes émergeant.
Là où le projet se distingue de cette mode d’espaces hybrides consacrés à l’art qu’on voit poindre (comme le 175B au Boxotel, angle Ontario et Hôtel-de-Ville ou le Livart au 3980 rue Saint-Denis), c’est le choix d’en faire un lieu iconique.
Pour y arriver, les frères Morin-Bordeleau ont articulé leur projet autour de l’utilisation de vieilles voitures du métro de Montréal, de là le nom Projet MR-63. En juillet dernier, ils ont obtenu la bénédiction de la Société de transport de Montréal pour l’utilisation de huit wagons de métro dans leur concept.
Déjà, la firme d’architectes Rayside Labossière a fait des esquisses du bâtiment envisagé. Les salles pour les expositions et les événements seraient aux étages supérieurs, et un café-bar, qui financerait l’opération, se trouverait au rez-de-chaussée. Frédéric, qui a travaillé en restauration en Australie, au Japon et en Chine au début de sa vingtaine, rêve d’offrir à ses visiteurs une cuisine innovatrice axée sur des produits locaux.
En mars, on devrait connaître l’endroit précis où se poseront les vieux MR-63. On sait déjà que ce sera dans l’arrondissement du Sud-Ouest, car son maire en a rapidement fait son affaire. Benoit Dorais a flairé le potentiel d’un tel projet dans les environs du quartier Griffintown. Pas étonnant non plus de voir que la direction du Quartier de l’innovation soutient cette initiative qui correspond parfaitement à son credo de culture innovante et entrepreneuriale. Une campagne de collecte de fonds sera lancée en mars pour assurer le financement de ce projet que Frédéric Morin-Bordeleau évalue à 6 millions de dollars. On a juste envie de monter à bord!