Livres de la semaine
Holly, Stephen King
J’avoue l’immense plaisir que j’ai eu en lisant Holly, le plus récent roman de Stephen King. Il s’agit d’un thriller psychologique prenant, avec une touche angoissante de frayeur, sans que ça soit sanguinolent (à part pour la nourriture, mais cela, vous le verrez à la lecture) ni rempli d’horreur insoutenable.
Stephen King, auteur polarisant
Stephen King. Prononcez le nom de cet auteur et vous aurez des réactions très différentes. Pour certains, juste entendre le nom fait surgir des frissons d’horreur. «Non, ce n’est pas pour moi!» Pour d’autres, c’est tout de suite l’anticipation du plaisir de retrouver le maître du thriller psychologique avec une dose plus ou moins grande de frayeur. Jamais un auteur n’aura été si polarisant!
Je me suis éloigné pendant un certain temps de l’œuvre de King, un peu par lassitude, avec l’impression que j’en avais fait le tour. Il y a deux ans, je me suis laissé tenter par Billy Summers et ensuite par Contes de fées. L’immense talent de conteur de Stephen King m’a encore une fois convaincu.
Des meurtriers du troisième âge
Le plus angoissant dans Holly, ce sont les meurtriers. Et leurs inavouables motivations! Ce qui est le plus inquiétant, c’est que les abominables monstres qui se cachent derrière de gentilles vieilles personnes sont parfaitement respectables. Un couple d’octogénaires inoffensifs, deux vénérables professeurs d’université à la retraite et encore très impliqués dans leur communauté. Qui oserait penser que ce couple à la santé fragile, aux physiques diminués, pourrait s’adonner aux pires atrocités?
Voilà le pire! Les vieux Harris (tiens, tiens, est-ce que le King a voulu rendre hommage à un autre Harris, l’auteur du terrifiant Silence des agneaux? Certaines similitudes sautent aux yeux) pourraient être nos voisins!
Stephen King fait le pari risqué de nous révéler dès les premiers chapitres qui sont les coupables. Tout commence par un enlèvement. Un subterfuge savamment orchestré. La nuit approche, il fait froid, Emily Harris essaie de pousser le fauteuil roulant électrique de son mari dans la petite fourgonnette. Incapable de pousser seule le lourd véhicule, elle accoste Jorge Castro pour lui demander de l’aide. Au moment où le fauteuil pénètre dans le véhicule, le bon samaritain ressent comme une piqûre d’insecte sur la nuque. Quelques heures plus tard, il se réveille, enfermé dans une cage au sous-sol de la maison de Rodney et Emily Harris. D’où il ne sortira jamais. En quelques pages, l’auteur présente le modus operandi du couple de retraités.
Neuf ans plus tard, nous sommes en 2021, la pandémie du coronavirus bouleverse le monde entier. Tout tourne au ralenti et les morts s’accumulent. Holly Gibney est derrière son ordinateur, elle assiste aux funérailles de sa mère. Sa mère qui croyait que la COVID était une supercherie. Des funérailles sur Zoom, confinement oblige.
Pendant ce temps, le couple de retraités enlève Bonnie Dhal. Mais tout laisse croire que la jeune fille a volontairement disparu; sur son vélo retrouvé près du parc, elle a laissé un mot: «J’en ai assez.» La mère, n’y croyant pas, demande à Holly Gibney, détective privée, d’enquêter sur sa disparition. Au fur et à mesure de sa recherche, l’enquêtrice découvrira que ce coin de la ville a souvent été le théâtre de disparitions étranges.
Une leçon de maître
Le lecteur assiste en alternance à la description et à la réalisation des crimes du vieux couple et à l’enquête menée par la détective privée. Ici, le plaisir n’est pas de savoir qui est le criminel, mais plutôt de découvrir comment Holly fera pour résoudre le mystère de ces disparitions.
Stephen King nous donne une leçon de maître en mettant en pratique dans ce roman les conseils prodigués dans son essai Écriture. Mémoires d’un métier. Holly possède une structure complexe qui nourrit l’intensité dramatique de l’histoire. Les personnages sont bien définis et crédibles, l’intrigue est ficelée au quart de tour, l’écriture est efficace, pas de longueurs, même les descriptions sont passionnantes. Le Maître (il a reçu la plus haute distinction réservée aux meilleurs de la profession, le Grand Master Award par les Mystery Writers of America en 2007) est capable de vous décrire des moments horribles qui vous feront frémir puis, dans les pages suivantes, vous faire vivre des émotions d’une tendresse toute poétique. D’ailleurs, on retrouve les plus belles pages de ce roman dans la relation entre une jeune femme et sa mentore, une grande poétesse malade.
Bien sûr, Stephen King porte un regard acéré et critique sur la société américaine et, surtout, il se fait plaisir (et à nous aussi) en écorchant au passage le 45e président des États-Unis.
Stephen King a écrit plus d’une cinquantaine de romans. Holly n’est pas son meilleur. Chaque lecteur ou lectrice possède sa propre opinion sur «le» roman qu’il préfère. Mais comme Stephen King maîtrise parfaitement l’art romanesque et la narration d’une histoire complexe, vous pouvez être assuré que ce roman vous tiendra en haleine de la première à la dernière page.
Bonne lecture!