Lecture: six nouveautés d’été pour vos beaux yeux!
La chaude fournée littéraire estivale m’apparaît réjouissante à bien des égards. Ci-bas, quelques idées de titres qui arriveront progressivement en librairie. En espérant que vous prendrez du temps pour ces évasions que procure tant la lecture.
Une carte postale de l’océan de Stéfani Meunier (Leméac) – En librairie
C’est le sixième roman de cette écrivaine dans la quarantaine qui vit de manière assez discrète, retirée à la campagne, une de celles dont on parle trop peu.
Sa narratrice trouve une photo de son père décédé en compagnie de quelques personnes dont il semble proche. «Il fallait que je sache qui étaient les autres, ces gens qui étaient passés dans la vie de mon père et que je ne connaissais pas», pense-t-elle. Cette photo devient le fil conducteur de l’histoire, une sorte d’ancrage, un point culminant. Elle va remonter le fil du temps, mener sa petite enquête.
J’aime sa manière de décrire le manque, le deuil, la confiscation. De faire des épopées avec des détails de l’intimité, de faire d’un regard une longue histoire. Du peu naissent le vaste et le magistral chez elle. C’est une intrigue de l’intime par une écrivaine majeure.
Odile l’été d’Emma Becker (Julliard) – En librairie
La nouvelle collection Fauteuse de trouble (quel titre adorable, quand même!) a été conçue et dirigée par l’écrivaine et éditrice Vanessa Springora (Le consentement) aux éditions Julliard, en France. Son but: dépeindre une vision juste et réaliste de la sexualité des femmes, sans cesse assujettie à l’imaginaire érotique masculin phallo centré, et représenter l’intimité des femmes par elles-mêmes.
Parmi les premières écrivaines à y publier, Emma Becker sort Odile l’été, où la narratrice raconte son histoire d’amitié à partir de l’enfance avec une certaine Odile. Ensemble, les deux jeunes filles vont s’initier à la sexualité à travers des jeux en apparence anodins, mais qui, on le découvre, ont conditionné plus tard leur vie intime.
Il s’agit d’un puissant questionnement sur l’hétérosexualité dans lequel on baigne depuis toujours, sur l’omniprésence du regard masculin, sur comment il nous définit comme femme. Il s’agit aussi d’une écriture sans compromis auréolée d’un je-ne-sais-quoi des Bonjour tristesse de Sagan ou Le blé en herbe de Colette. Sans doute une tendre nostalgie ou une vague de chaleur.
La vallée Arc-en-ciel de Lucy Maud Montgomery (Monsieur Toussaint Louverture) – En librairie dès le 13 juin
Auteure canadienne la plus lue au monde grâce à Anne of Green Gables (Anne… La maison aux pignons verts), Lucy Maud Montgomery, qui a vécu de 1874 à 1942, a plus d’une vingtaine de romans, 500 nouvelles et autant de poèmes à son actif.
Je suis restée attachée à Anne Shirley, héroïne mythique qui donna du tonus aux personnages féminins trop souvent campés dans des postures silencieuses, obéissantes et soumises, si bien que ce titre dont je n’avais jamais entendu parler a piqué ma curiosité en nous transportant non loin d’Ingleside, dans un endroit secret, une vallée arc-en-ciel où chacun est libre de rêver à sa manière. Ça deviendra à la fois vertigineux et intrépide du côté de l’émouvante Una Meredith, prête à tout pour mener une vie comme les autres, de sa grande sœur Faith et de la piquante Mary Vance, une orpheline à la langue bien pendue.
Un autre monde de l’incomparable Lucy Maud à découvrir dans une édition magnifiquement reliée, ainsi que dans une nouvelle traduction française qui donne à l’été un goût de jeunesse, une dose de couleurs et de paillettes à ne pas négliger en cas de tempêtes, ou par beau temps aussi.
Ombres et lumière de Val McDermid (Flammarion) – En librairie
J’ai été la première il y a quelques années à parler de l’écriture de l’Écossaise Val McDermid, que je me plais d’ailleurs beaucoup à suivre sur ses réseaux sociaux.
Auteure de polars, plus d’une trentaine traduits dans une quarantaine de langues et vendus à 18 millions d’exemplaires, elle a su insuffler à son inspectrice Karen Pirie une personnalité singulière dont on ne décroche pas de sitôt et qui, cette fois, la mènera jusqu’à Paris pour enquêter sur la mort d’un type devenu un suspect dans la disparition, il y a dix ans, de son frère qui, lui, entretenait une liaison avec un artiste et célèbre figure de l’art contemporain. Ouf.
Oui, beaucoup de liens, d’enchevêtrements aussi avec une autre affaire qui intéresse Karen, mais au travers de ces chemins sinueux et mystérieux, on s’y retrouve à coup sûr tant la clarté de McDermid est redoutable, autant que cet esprit jamais banal ou convenu dans le genre dont elle dote son écriture et ses répliques pas piquées des vers. Vive Val!
Gone with the wind, d’après le roman de Margaret Mitchell – tome 1 de Pierre Alary (Rue de Sèvres) – En librairie depuis le 25 mai
Je n’ai jamais lu le célèbre – et le seul – roman de l’Américaine Margaret Mitchell, née en 1900 dans une famille sudiste et élevée en écoutant les histoires des anciens confédérés sur la fameuse guerre de Sécession.
Lauréate du Pulitzer en 1937, cette histoire se déroule justement durant ce conflit et, je le rappelle – car je parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent peut-être pas connaître –, met en lumière une jeune Scarlett O’Hara rêvant d’un Ashley Wilkes, pourtant promis à une autre, et l’apparition d’un Rhett Butler qui a marqué tellement les esprits…
Histoire d’amour impossible, de deuils, de trahisons, de chassés-croisés, ce classique inoubliable qui a traversé les époques retrouve une nouvelle vie dans cette mise en images de Pierre Alary qui, sans rien dénaturer du cachet et de l’histoire, ajoute une touche de modernité, ne serait-ce qu’un second regard capable de lui redonner ses lettres de noblesse, voire une accessibilité autre. Seul bémol: pourquoi ne pas avoir inscrit le titre en français sur la couverture? Autant en emporte le vent. Si simple, si beau dans la langue de Molière.
Floramama – Du jardin au bouquet: tout sur la culture des fleurs de Chloé Roy (Cardinal) – En librairie
Je me suis fait un modeste jardin. Pour la première fois de ma vie. Serais-je enfin devenue cette fameuse Bonne fille qui plante ses fleurs au printemps? Qu’à cela ne tienne, j’en retire un profond plaisir, une sorte de méditation/médication qui me sort de ma tête jasante. Néophyte comme ce n’est pas possible, j’ai eu besoin de ce livre magnifique, il va sans dire, ne serait-ce que pour faire la différence entre les annuelles et les vivaces une bonne fois pour toutes…
Bien que je sois encore très, très loin de pouvoir me faire un bouquet comme ceux que nous montre à concevoir l’Estrienne Chloé Roy, adepte du mouvement «slow flower» (je préférerais «fleurs au ralenti»), elle donne à lire – et à voir, par les poétiques photos de Stéphane Cocke – les secrets de sa passion, du petit balcon de ville au carré de terre de banlieue, en passant par les vastes étendues des chanceux à la campagne. Les fleurs, c’est de l’amour. Leur présence est vitale. Que rien ne les perturbe.