Tu te souviendras de moi, France Castel et plus!
Au menu cette semaine: le film Tu te souviendras de moi d'Éric Tessier avec, notamment, Rémy Girard et Karelle Tremblay; le festival Cinémania de Montréal; le disque de France Castel et une invitation à voir Montréal d'un autre œil.
Tu te souviendras de moi: j’ai la mémoire qui flanche
Sortie cette semaine au cinéma d’une production québécoise qui attend patiemment son heure de gloire depuis le mois de mars 2020. Depuis cette date, l’arrivée en salle du film Tu te souviendras de moi d’Éric Tessier a constamment été repoussée en raison de la pandémie de COVID. Les distributeurs ont bien fait d’attendre le moment propice, ça aurait été très dommage de priver cet excellent long-métrage d’une carrière en salle. En effet, voilà un très beau film, à voir sur grand écran.
Si vous êtes un habitué des cinémas, vous avez certainement vu (trop souvent!) la bande-annonce de Tu te souviendras de moi. Ça fait deux ans et demi qu’on entend Rémy Girard demander à Karelle Tremblay: «Est-ce qu’on se connaît?» Et France Castel dire à Julie Le Breton: «Je suis plus capable d’être avec lui, j’ai juste envie qu’il meure.»
Au nombre de fois qu’on a vu la bande-annonce, on a compris que le sujet porte sur les ravages de la maladie d’Alzheimer. Par contre, il ne faudrait pas que la lassitude que cette répétition a générée vous enlève l’envie d’aller voir le film. La manière dont cette idée de base a été développée mérite vraiment le déplacement.
En faisant de leur personnage principal un professeur d’histoire à l’université, le réalisateur-scénariste Éric Tessier et son collaborateur François Archambault (auteur de la pièce du même titre qui a inspiré le film) ont ouvert la voie à une réflexion très à-propos sur notre rapport à la mémoire, qui flanche souvent, versus notre tendance à n’en avoir que pour le présent.
Oui, Édouard Beauchemin ne cesse d’oublier le nom de ses interlocuteurs, oui, l’instant présent lui échappe, mais sa mémoire à long terme demeure très vive. Et grâce à elle, il peut encore donner des leçons d’histoire. Cela nous vaut par exemple une scène très touchante où il rappelle à sa gardienne, une jeune millénariale, le moment si exaltant et plein de promesses de l’élection du premier gouvernement du Parti québécois, suivi de la grande désillusion créée par la victoire du Non en 1980.
Que valent ces souvenirs pour ceux qui ne les ont pas vécus? Et pour ceux qui en ont été les acteurs, comment réconcilier une telle épiphanie, son contraire et le bégaiement de l’histoire?
Le déroulement du film emprunte une autre voie, plus personnelle et dramatique pour le personnage d’Édouard, lorsque sa mémoire embrouillée l’amène à confondre sa gardienne et le souvenir de sa fille, Nathalie, dont on apprendra qu’elle s’est enlevé la vie en 1995, 19 ans après sa conception le 15 novembre 1976.
Pour Édouard, il y a des moments que même l’Alzheimer ne parvient pas à lessiver. Et comme il en découd avec sa mémoire à court terme, on ne sera pas surpris de le voir démoniser les Twitter, Facebook, YouTube, TikTok de ce monde qui ne cessent de cultiver l’instant présent et bulldozer les bases de notre pensée. Devant nous, on le verra profiter de ses moments de lucidité pour prévenir ses proches qu’ils s’en vont droit dans le mur en s’en remettant constamment à l’opinion du jour, qui sera contredite le lendemain.
Tu te souviendras de moi pose aussi la lancinante question du vieillissement. Qu’est-ce qu’on fait des gens qui n’ont plus toutes leurs capacités pour être autonomes? Les personnages qui gravitent autour d’Édouard nous montrent différentes réactions qui témoignent bien du dilemme que les proches de personnes en perte d’autonomie doivent résoudre pour avoir la conscience en paix.
Je vous le dis, ce film ratisse vraiment large. Même s’il a été tourné il y a trois ans, il demeure extrêmement pertinent, toujours d’actualité.
Les comédiens, magnifiquement tournés par Pierre Gill, sont excellents. On n’a pas de difficulté à imaginer Rémy Girard en prof d’université, il l’a été si souvent chez Denys Arcand. Je n’ai jamais côtoyé de personnes atteintes d’Alzheimer, mais j’ai vraiment cru à sa manière de passer d’un moment de fulgurance quand la mémoire ancienne remonte, et à un autre où le désarroi de ne pas savoir ce qui se passe ferme le visage et le regard.
C’est au contact de Bérénice, très juste Karelle Tremblay, que la nature changeante d’Édouard se révèle le plus. Il en va, entre autres, du choc des générations: elle, rivée sur son portable, lui, toujours animé par ses vieux idéaux.
France Castel est émouvante dans son tiraillement entre assumer son rôle d’aidante naturelle ou quitter ce mari qu’elle n’arrive plus à aimer, autant à cause de l’usure du temps que parce qu’il n’est plus le même homme.
Avec son habituel sens de la nuance, Julie Le Breton défend la position de la fille, unique depuis la mort de sa sœur, qui peine à trouver comment concilier sa carrière de reporter télé, sa vie amoureuse avec un nouveau chum (un David Boutin très accommodant dans les circonstances) et cette lourde responsabilité de veiller sur son père.
La bande sonore du film mérite aussi d’être saluée. Pour avoir entendu Martin Léon raconter à Ici Musique comment il s’y était pris pour arriver à ce résultat, je dois dire qu’il a parfaitement réussi son pari. La musique qu’il a composée est comme le film, elle dégage autant de gravité que de légèreté, avec notamment une clarinette basse et un violoncelle qui suggèrent le côté sombre, un jeu de piano et de percussions qui suggèrent l’insouciance des esprits libres et un peu de techno pour faire avancer l’histoire.
Donc, le voici enfin, ce film. Après des premières à Québec, Montréal et Trois-Rivières cette semaine, il prend l’affiche le 4 novembre à travers le Québec. Il compte également parmi les 11 films de la compétition «Films du Québec» du festival Cinémania, qui est en cours à Montréal.
À surveiller à Cinémania: François Dompierre, Michel Blanc, Cédric Klapisch et les autres…
Le festival Cinémania de Montréal en est cette année à sa 28e édition. Jusqu’au 13 novembre, on peut y voir plus d’une centaine de films en français. Chien blanc d’Anaïs Barbeau-Lavalette, d’après le roman de Romain Gary, lançait le bal cette semaine. Tempête de Christian Duguay clôturera l’événement.
Entre ces deux temps forts, ce sera un feu roulant de nouveautés cinématographiques souvent projetées en présence d’acteurs ou de réalisateurs de toute la francophonie. La liste des invités est particulièrement impressionnante cette année.
Michel Blanc viendra avec le film Les Cadors. Arnaud Desplechin se déplacera pour la rétrospective qu’on lui consacre. Cédric Klapisch donnera une classe de maître. Le compositeur de musique de film François Dompierre se verra consacrer toute une journée, le 12 novembre, à la Cinémathèque québécoise, animée par Monique Giroux. On y présentera les films IXE-13 et La passion d’Augustine, ainsi qu’un court documentaire dans lequel le musicien explique, avec la verve qu’on lui connaît, l’art de faire de la musique de film. Ces projections seront suivies par une classe de maître donnée par le maestro lui-même.
France Castel reprend la chanson
Permettez-moi de revenir un moment sur France Castel. La comédienne, si touchante dans le film Tu te souviendras de moi, a une seconde raison pour faire parler d’elle cette semaine. À 78 ans, elle vient de sortir un disque de chansons originales, son premier en 45 ans!
C’est après avoir reçu, en 2021, le prix Lucille-Dumont de la SPACQ (Société professionnelle des auteurs et compositeurs du Québec) que France Castel a eu l’envie de renouer avec la chanson. Celle qui a interviewé tout le milieu du show-business comme animatrice n’a pas eu de difficulté à se trouver des auteurs. Inspirés par cette comédienne qui a toujours vécu sa vie comme un livre ouvert, Pierre Huet, Louis-Marie Mathieu, Thérèse Bichara lui ont écrit des mots sur mesure. Pascal Mailloux, Daniel Lavoie, Luc de Larochellière, Andréa Lindsay et Manon D’Inverness se sont chargés des musiques. C’est une grande production soignée avec une douzaine de musiciens et choristes venus en studio.
Sur le lot des 11 chansons, je retiens notamment Tendre comme une Pauline, très bel hommage à Pauline Julien, et Le temps fou, le titre qui ouvre le disque et qui lui ressemble tellement.
«Je danse ma vie comme une valse. Mais je la brûle à petit feu. J’apprends toujours, je fais mes classes. Mais je laisse toute la place au jeu.»
Invitation à voir Montréal d’un autre œil
Mardi prochain, à l’invitation de la FADOQ Région de Montréal, j’aurai le plaisir d’être l’invité des Rendez-vous Avenues.ca à la Casa d’Italia. J’ai très hâte de vous rencontrer, chers lecteurs, et de vous parler de mon grand attachement pour Montréal.
J’aurai beaucoup de photos à vous montrer, mais aucune comme celles qu’on retrouve dans une petite exposition gratuite présentée jusqu’au 15 novembre au Complexe Desjardins et que je vous invite à aller voir.
Il s’agit en fait des photos gagnantes d’un concours organisé depuis 30 ans par le Centre d’histoire de Montréal (désormais appelé MEM-Centre des mémoires montréalaises).
Il faut être drôlement patient et bien pourvu en appareil photo pour arriver à faire des photos comme celles qui ont retenu l’attention du jury à ce concours dont le thème était cette année «Montréal, faune et flore».
Près d’une trentaine de photos sont présentées. Si l’écureuil du parc La Fontaine est bien familier, on peut se surprendre de la présence de certaines espèces sur notre île.
Voilà en tout cas une belle façon de voir notre ville différemment!