Des impatients et des roses
Cette semaine, je vous parle d'une exposition qui m'a enchanté et d'un film qui ravira les amateurs de jardinage.
Quand des Impatients nous enchantent!
Cette semaine, place à une exposition d’artistes inconnus, mais dont le talent n’en est pas moins surprenant.
Le centre d’exposition d’art contemporain 1700 La Poste, à Montréal, accueille des œuvres de la Collection Les Impatients. Depuis 30 ans, l’organisme Les Impatients offre aux personnes ayant des problèmes de santé mentale la possibilité d’exprimer par l’art ce qui les habite. Le petit échantillon de trois décennies de production qu’on nous donne à voir gratuitement jusqu’au 19 juin est toujours touchant, souvent renversant et quelquefois sidérant. Pour faire écho au titre de l’exposition, je dirais que je suis sorti enchanté de ce regard sur trente ans de création et d’espoir.
La fondation des Impatients nous ramène à l’année 1992. Lorraine Palardy, celle qui a mis au monde l’organisme, imagine alors un lieu où des gens souffrant de problèmes de santé mentale pourraient apaiser leur douleur intérieure en s’adonnant à des activités artistiques supervisées. Il n’a pas fallu beaucoup de temps pour réaliser que les participants en tiraient beaucoup de bienfaits, et que les œuvres créées dans ce contexte étaient d’une grande richesse artistique.
Lorraine Palardy a eu tôt fait de collectionner ces créations. Au fil des ans, la Collection Les Impatients a accumulé les œuvres de plus de 150 participants. Heureusement, elle n’a jamais écouté ceux qui, affolés par l’espace de conservation que ça demandait, lui recommandaient de jeter ce qui sortait de ses ateliers.
Au fil des ans, Les Impatients ont fait parler d’eux à l’occasion d’expositions-ventes, de publications de livres jumelant textes de personnalités publiques et œuvres d’artistes-Impatients, grâce aussi à Clémence Desrochers, qui a longtemps été la marraine de cette mission.
Très montréalais à ses débuts, avec pignon sur rue au monastère du Bon Pasteur de la rue Sherbrooke, l’organisme est maintenant responsable d’une vingtaine d’ateliers à travers le Québec, fréquentés par près de 850 personnes par semaine. Un succès retentissant qui est devenu un modèle dans le domaine de la santé mentale.
Et voilà qu’après 30 ans d’existence, Les Impatients trouvent Isabelle de Mévius sur leur chemin. La mécène d’origine belge ne fait pas qu’offrir son magnifique espace de la rue Notre-Dame Ouest aux artistes-Impatients, elle a, avec son équipe, fait un véritable travail de curation, pareil à celui auquel on procède pour les expositions d’artistes établis présentées en ces lieux. Qu’on pense à Gilles Mihalcean, Geneviève Cadieux, Luc Laporte, dont j’ai déjà parlé.
Des cartels nous présentent les artistes choisis en prenant soin de contextualiser les œuvres. Le premier mur qui attire notre attention est celui tapissé de gouaches signées Philippe Lemaire. À chacune de ses participations aux ateliers de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal (autrefois l’hôpital Louis-Hippolyte Lafontaine), il peint la même voiture.
La collection compte une centaine de gouaches semblables. Les conservatrices de l’exposition en ont sélectionné un certain nombre pour en faire un corpus fascinant à contempler. Il y a certainement un toc derrière l’œuvre baptisée Le char de mon père, mais on ne reste pas insensible devant cette répétition qui témoigne du plus beau moment de la vie de l’artiste, la balade du dimanche en auto avec son père.
Les propositions retenues sont très différentes les unes des autres.
Les souvenirs d’été au bord du lac Saint-Louis de Lucille Charrette sont chatoyants.
Marie-Reine Bourgeois, elle, nous interpelle avec des portraits à l’acrylique de femmes au regard pénétrant.
On ne sera pas surpris de constater que le hockey a eu une grande influence sur le travail de Michel Pronovost. Il avait le joueur Marcel Pronovost dans sa parenté. Les amateurs de sport d’un certain âge reconnaîtront le masque du gardien de but Gerry Cheevers des Bruins de Boston dans une de ses œuvres.
Plusieurs artistes exposés sont aujourd’hui décédés. C’est le cas de Romain Peuvion (le frère de l’acteur Patrick Peuvion). Son histoire est renversante. À 14 ans, il fuit la guerre en Europe pour s’installer à Montréal avec sa famille. Choc post-traumatique? Autisme? Il est interné et cesse complètement de parler, pendant… 35 ans! Il retrouve la parole alors qu’il fréquente les ateliers de création des Impatients, où il peint des avions, des camions, des trains, des voitures. L’équipe de La Poste a choisi ses saisissants dessins de pianos.
Il n’y a pas que des œuvres de peintres dans cette exposition. On peut y admirer un mobile, anonyme, qui pourrait bien porter la signature de Calder.
On passera aussi plusieurs minutes à scruter les détails de vestons que des Impatients ont transformés au gré de leur imagination.
J’aurais envie de vous décrire chaque œuvre, mais je vais m’arrêter ici et vous laisser découvrir l’histoire qu’il y a derrière ce cheval fait de broche de poule ou ces gouaches qui dissimulent une fascination pour les escaliers.
Au terme de cette visite, jamais triste, on ne peut qu’être convaincu des bienfaits de la pratique de l’art sur le mental. De la souffrance peut jaillir de la joie, du bonheur, de la couleur.
Longue vie aux Impatients!
L’important, c’est la rose
Sortie, ce vendredi, d’un film qui ravira les amateurs de jardinage qui ont hâte de mettre les mains dans la terre pour planter leurs fleurs.
La fine fleur commence comme si on écoutait l’émission C’est si bon de Claude Saucier à ICI Musique. Dean Martin chante Red Roses for a Blue Lady sur de belles images de jardins de roses.
Dans ce film, dédié à sa mère, le réalisateur Pierre Pinaud s’intéresse à l’industrie de la rose, une spécialité française, avec ses multiples rosiéristes qui se disputent les honneurs dans les grands concours de la plus belle fleur.
Pierre Pinaud nous raconte le combat d’Ève Vernet pour sauver l’entreprise artisanale que son père lui a léguée, célèbre à travers le monde pour l’originalité et la qualité des roses qu’elle crée. Et nous voilà plongés dans un monde qu’on n’a, à ma connaissance, jamais vu au cinéma.
Pour ne pas disparaître, Ève Vernet doit absolument créer une nouvelle rose qui assurera la survie des Roses Vernet. La bataille n’est pas gagnée d’avance, car la santé financière chancelante de son entreprise l’oblige à se rabattre sur une main-d’œuvre issue de la réinsertion sociale pour réussir son pari. Et, bien sûr, ils ne s’y connaissent que dalle en roses!
C’est Catherine Frot, une actrice qu’on aime, qui tient le film sur ses épaules. Son personnage de bourgeoise sur le déclin, plutôt grognonne, n’est pas très sympathique. Le clash avec ses employés ouvre d’ailleurs le scénario sur la question de la lutte des classes sociales, un enjeu toujours très présent dans la société française.
L’histoire est cousue de fil blanc, un peu fleur bleue, tirée par les cheveux aussi par moment. Il y a même une scène style Mission impossible quand Mme Vernet et un de ses apprentis s’infiltrent illégalement chez son concurrent.
Les rebondissements rocambolesques auxquels on a droit en une heure et demie abondent, mais si on passe l’éponge sur les excès scénaristiques qui chargent un peu le bouquet, on peut vivre quand même un bon moment entre le générique d’ouverture et celui de la fin, qui déroule sur une chanson française, jolie découverte, La rose et l’armure d’Antoine Élie.
Si, comme moi, vous êtes trop concentrés à écouter la chanson, vous allez peut-être manquer l’information concernant le lieu du tournage. Où se trouve cette belle campagne? Je vous le dis tout de suite. La fine fleur a été tourné à Montmagny, au cœur de la côte roannaise, sur les terres de la Maison Dorieux, rosiériste artisanal où, depuis 1930, l’important, c’est la rose.