Massimo Bottura, un chef italien contre le gaspillage alimentaire
Avec la visite du chef Massimo Bottura, cette semaine à Montréal, on parle et on agit contre le gaspillage alimentaire.
En 2013, Massimo Bottura, le chef du Osteria Francescana, à Modène, classé au deuxième rang de la liste des 50 meilleurs restaurants au monde, a eu l’idée de faire quelque chose de concret pour contrer le gaspillage alimentaire. En imaginant toute la nourriture qui allait être perdue lors de l’exposition universelle qui aurait lieu en 2015 à Milan, il a eu l’idée de récupérer des aliments qui seraient autrement jetés à la poubelle afin de les cuisiner. C’est ainsi que, dans un théâtre abandonné, est né le Refettorio Ambrosiano, un lieu qui cherche à nourrir «dans tous les sens du terme» les gens dans le besoin. C’est ce qu’expliquait cette semaine le chef étoilé en visite à Montréal, qui veut nourrir le corps et l’esprit des gens qui visitent le Refettorio Ambrosiano avec de bons plats, mais aussi avec un lieu tendance, des pièces d’art et un accueil chaleureux et sans jugement.
Mais attention, le Refettorio Ambrosiano n’est pas une soupe populaire ou un organisme de bienfaisance, a répété plusieurs fois le chef italien lors de ses conférences montréalaises. C’est plutôt un projet culturel qui vise à changer la mentalité des gens et à mener le monde vers l’idée qu’aucune nourriture ne doit être gaspillée.
Et la cause est grande, puisque selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, chaque année, le tiers des denrées alimentaires mondiales se retrouve aux ordures, soit une quantité suffisante pour nourrir 500 millions d’êtres humains. En Amérique du Nord, ce serait même 42% de la production alimentaire qui prendrait le chemin des dépotoirs.
Theater of Life
C’est cette problématique immense et pour laquelle nous pouvons agir qui a motivé le Centre PHI, un espace artistique du Vieux-Montréal, à créer l’événement socioculinaire Theater of Life (https://phi-centre.com/evenement/theater-of-life-fr/), présenté du 25 au 28 mai. Une conférence de Massimo Bottura, une exposition sur le gaspillage alimentaire, des démonstrations culinaires et des soupers gastronomiques sont au programme. Le centre PHI, dans le cadre de cet événement, propose aussi cinq films au sujet du gaspillage alimentaire, à visionner en ligne.
Le succès du Refettorio Ambrosiano, à Milan, où s’impliquent une centaine de bénévoles, est tel qu’un documentaire canadien à son sujet, nommé Theater of Life, sera disponible cet automne. On y retrouvera notamment le chef montréalais du Candide, John Winter Russel, qui s’est impliqué, comme une soixantaine d’autres chefs de partout dans le monde, dans le projet. Puis, l’ouverture d’un Refettorio Rio 2016 est prévu au Brésil pour éviter le gaspillage qui sera créé par les Jeux Olympiques.
La cuisine comme engagement social
Il est vrai que les propos et l’engagement du chef Massimo Bottura sont contagieux. Devant une tarte au citron manquée, il invente le désormais réputé dessert «Oops, I dropped the lemon tart». Avec des pains secs, il crée des entrées et des desserts savoureux. Et devant des centaines de meules de fromage de parmigiano reggiano écrasées par un séisme dans la région de Parme en 2012, il crée une recette de risotto au parmesan qui fait le tour du monde et qui sauve le fromage d’un gaspillage certain. Ce qui lui fait dire, convaincu, qu’une recette peut être un geste social. «Cooking is a call to act», «cuisiner est un appel à l’action», répète t-il souvent, comme pour mettre en relief la responsabilité des chefs, mais aussi celle de chaque citoyen.
Dans le milieu culinaire montréalais, la venue du chef italien a créé un engouement certain cette semaine. Des événements de Theater of Life au Centre PHI étaient complets, le centre artistique expliquait la démarche du chef et le Journal Métro publiait une longue entrevue qui permettait de mieux cerner le personnage et ses engagements. Puis, jeudi, le chef a donné une conférence à C2Montréal, un événement d’affaires important tenu à Griffintown et qui regroupaint plus de 5000 décideurs d’une trentaine de pays.
À C2Montréal, la présence du chef a été prétexte à plusieurs ateliers culinaires présentés par le Centre PHI, avec le chef Massimo Bottura lui-même, mais aussi avec des chefs d’ici. Le mot d’ordre: inventer des recettes avec des surplus alimentaires récupérés.
D’ailleurs, c’est la Tablée des chefs, un organisme montréalais à but non lucratif, qui récupère les surplus alimentaires pour les redistribuer aux organismes et personnes dans le besoin, qui s’est assuré qu’aucun gaspillage n’avait eu lieu à C2Montréal.
Pendant son passage, Massimo Bottura a insisté: le Refettorio Ambrosiano et les engagements du chef font partie d’un projet culturel. «L’ingrédient le plus important de la cuisine? La culture», a dit le chef pendant sa conférence à C2Montréal. «Avec la culture vient la connaissance, avec la connaissance vient la conscience, avec la conscience vient l’engagement» a t-il ajouté. Selon le chef, il y a beaucoup de soupes populaires dans le monde, mais au-delà de l’aide qu’apporte chacune, il faut changer la façon que nous avons de voir les aliments et le gaspillage alimentaire, ce qui pourrait apporter «le début d’un changement de mentalité global». «Nous pouvons le faire, c’est le bon moment», assure Massimo Bottura.
À Milan, devant le Refettorio Ambrosiano, des grandes lettres ont été placées sur le mur extérieur. On peut y lire «No more excuses». Le message du chef italien est clair: il n’y a plus d’excuses pour ne pas se mobiliser devant le gaspillage alimentaire.
*Pour en savoir plus sur Massimo Bottura, visionnez le premier épisode de la première saison de l’excellente série Chef’s Table qui est consacré à son parcours et à son restaurant étoilé Refettorio Ambrosiano.