Habitat 67: visite d’une icône de 50 ans
Anniversaire de sa fondation, du métro ou d’Expo 67: Montréal a de quoi célébrer en 2017. Habitat 67, un des bâtiments les plus emblématiques de la métropole, souffle également ses 50 bougies cette année. Pour l’occasion, le Centre de design de l’UQAM présente l’exposition Habitat 67 vers l’avenir/ The Shape of Things to Come.
Habitat 67 est un bâtiment unique en son genre. Difficile de croire que le projet, élaboré dans le cadre de la thèse de Moshe Safdie à l’Université McGill, est le premier que l’architecte ait réalisé. Il n’avait alors que 25 ans.
«Serait-il possible de construire Habitat 67 aujourd’hui? Je ne pense pas, admettait le starchitecte lors d’une visite de presse de l’exposition. Les politiciens n’oseraient plus prendre ce genre de risque. C’était une époque unique.»
Un jardin pour tout le monde
Le jeune architecte ne manquait déjà pas de vision. «Un jardin pour tout le monde» était l’un des thèmes principaux d’Habitat, qui se voulait une riposte à l’étalement urbain. Tout comme en banlieue, chaque appartement possède son entrée privée, une vue sur plusieurs côtés et, surtout, sa propre terrasse. Et on ne parle pas seulement d’un mini balcon ici, mais bien d’un grand espace extérieur, qui augmente la superficie habitable. On retrouve également des lieux communs, où les résidents peuvent échanger.
En visitant l’exposition, on constate que le projet était au départ beaucoup plus ambitieux. Sur les 1000 unités prévues, seulement une infime partie (un peu plus de 150) a été construite. Leur superficie varie entre 600 à plus de 1800 pieds carrés. Moshe Safdie souhaitait en faire une véritable cité dans la ville, avec des commerces, mais également des écoles et d’autres services. Cet élément n’est toutefois pas passé du rêve à la réalité. Le concepteur voulait aussi redonner le fleuve aux Montréalais, mais ce n’est toujours pas chose faite en 2017.
Habitat du futur
Moshe Safdie le dit lui-même, Habitat 67 a lancé sa carrière et lui a ouvert des portes. On lui a par la suite demandé de concevoir d’autres modèles d’Habitat à New York et ailleurs dans le monde. Pour différentes raisons, ces projets, dont on peut voir les maquettes au Centre de design, n’ont néanmoins jamais vu le jour. Safdie n’est revenu au résidentiel que des années plus tard, après avoir conçu plusieurs bâtiments culturels.
Les immeubles d’habitation qui portent la signature de Moshe Safdie semblent toujours revenir à sa proposition originale. L’architecte répond aujourd’hui au défi de la densification des villes en dessinant des complexes à usage mixte, qui incluent tous des espaces verts. Quelques-uns peuvent être admirés durant l’exposition, aux côtés du Marina Bay Sands, l’hôtel singulier imaginé par Safdie à Singapour, ou du terminal Jewel, un impressionnant projet dont on vous a déjà parlé sur Avenues.ca.
Des unités avec leur personnalité propre
Avenues a eu la chance de visiter la semaine dernière trois unités d’Habitat 67. La première, qui tient dans un seul bloc, se compare à un 3 1/2. On compte une cuisine petite, mais fonctionnelle, un salon qui fait aussi office de salle à manger, une salle de bains et une chambre. Les propriétaires ont rénové l’appartement depuis sa construction, mais l’esprit d’origine semble avoir été conservé. Les fenêtres ouvrent l’espace, rendant les lieux moins exigus.
Le propriétaire d’une des plus grandes unités du complexe nous a aussi ouvert ses portes. Composé de cinq cubes, l’immense appartement compte quatre verrières. Rénové dans les années 90, celui-ci arbore un tout autre style. La décoration est beaucoup plus chargée, maximaliste. Une réalité qu’on ne peut imaginer en observant l’extérieur d’Habitat 67, inchangé depuis sa construction.
Même s’il est présentement en chantier, nous avons également pu jeter un coup d’œil sur l’appartement de Moshe Safdie. On s’affaire à le restaurer pour lui redonner son aspect d’origine. Une fois les travaux complétés, l’unité sera léguée à une entité publique. Les salles de bains conçues il y a 50 ans, et dont on peut voir un modèle au Centre de design, sont toujours là. Elles ressemblent étrangement à une toilette d’avion et rappellent un peu 2001: l’odyssée de l’espace.
Si Habitat 67 était à l’origine conçu pour la classe moyenne, c’est rapidement devenu une adresse luxueuse. C’est d’ailleurs probablement la plus grande critique que le complexe a reçue au fil des ans. Pour Moshe Safdie, le logement social n’est pourtant pas un défi architectural. «C’est un défi politique et économique. On ne conçoit pas les appartements pour les pauvres différemment. Vous pouvez faire un compromis sur la taille, mais dans tous les cas, vous avez besoin de lumière, d’espace extérieur, d’intimité.»
Habitat 67 ouvre ses portes au public
Habitat 67, peut-être en raison de sa nature privée, est l’un des vestiges de l’Expo 67 que l’on connaît le moins. Peu de gens peuvent se vanter d’y avoir mis les pieds (à moins d’avoir la chance d’y habiter!). Les curieux peuvent toutefois se reprendre cet été, puisque des visites guidées sont organisées pour la première fois depuis la fin de l’Expo.
Accompagnés d’un guide pendant 90 minutes, les participants pourront découvrir l’histoire et l’évolution de ce lieu unique. Une unité résidentielle sera également ouverte au public. Les visites se déroulent du lundi au jeudi durant la journée et les billets sont en vente au coût de 20 $. Pour réserver sa place, on se rend à l’adresse suivante: www.habitat67.org.
L’exposition gratuite Habitat 67 vers l’avenir/The Shape of Things to Come se tient quant à elle jusqu’au 13 août au Centre de design de l’UQAM. C’est l’occasion de redécouvrir ce bijou architectural et de mieux comprendre le travail d’un architecte dont on parle trop peu.