La chronique Société et Culture avec Claudia Larochelle

Auteur(e)

Claudia Larochelle

Claudia Larochelle est auteure (Les bonnes filles plantent des fleurs au printemps, Les îles Canaries, Je veux une maison faite de sorties de secours - Réflexions sur la vie et l'oeuvre de Nelly Arcan, la série jeunesse à succès La doudou, etc.) et journaliste spécialisée en culture et société. Elle a animé pendant plus de six saisons l'émission LIRE. Elle est chroniqueuse sur ICI Radio-Canada radio et télé et signe régulièrement des textes dans Les Libraires et Elle Québec. Elle est titulaire d'un baccalauréat en journalisme et d'une maîtrise en création littéraire. On peut la suivre sur Facebook et Twitter @clolarochelle.

On peut bien être fatiguées!

Les femmes vivent encore plus longtemps que les hommes, tout en étant légèrement plus nombreuses. Elles accordent plus de temps qu’eux aux tâches domestiques (comme c’est excitant…), elles étudient plus, en faisant des enfants plus tard que jamais, mais elles gagnent toutefois moins que les messieurs au chapitre de la rémunération moyenne des personnes travaillant à temps plein. Elles agissent plus souvent comme proches aidantes, tout en y consacrant plus de temps, et cerise sur le sundae, elles demeurent largement majoritaires parmi les victimes de crimes conjugaux et d’agressions sexuelles. Ouf, mesdames, on peut bien être fatiguées... Prenons un verre de scotch pour saisir ces fraîches données du Conseil du statut de la femme (CSF).



Attention, je n’affirme pas ici que les hommes l’ont plus facile. Ce que j’avance, sans avoir mené une grande étude exhaustive, on s’entend – contrairement au CSF –, c’est que je n’ai jamais vu autant de femmes, voisines, gardiennes, écrivaines, amies, parentes ou collègues surmenées, anxieuses, déprimées, cyniques, alléluia!, que par les temps qui courent. Jamais. «C’est devenu la maladie des mères de famille performantes», m’a lancé la médecin généraliste que je suis allée consulter le mois dernier au beau milieu d’une crise de zona. J’avais toujours pensé qu’il n’y avait que des personnes âgées qui en étaient victimes. On peut bien être une gang à se demander entre nous grâce à quelle petite pilule magique on tient le coup! Ativan ou Citalopram?

Plus sérieusement, la nouvelle édition 2018 du Portrait des Québécoises du Conseil du statut de la femme, qui compile depuis 2006 des données concernant les femmes par rapport aux hommes dans neuf domaines de la vie économique et sociale (démographie, situation familiale, éducation, travail, revenu, politique et gouvernance, emploi du temps, santé et violence), est fort éclairante.

La part ombragée

Commençons par les moins bonnes nouvelles. Elles concernent pour beaucoup le monde du travail et les salaires qui viennent avec.

En 2017, dans la population âgée de 15 ans ou plus, le taux d’emploi était de 57,4% chez les femmes et de 64,5% chez les hommes et les femmes représentaient 58,2% des personnes qui travaillaient au salaire minimum. Sinon, elles touchaient en moyenne 23,58$ l’heure, par rapport à 26,25$ l’heure pour les hommes.

Du sombre côté de la violence, en 2015, les corps policiers ont enregistré 19 406 infractions contre la personne commises dans un contexte conjugal au Québec et, malheureusement, les victimes sont des femmes dans 78,0% des cas.

En 2014-2015, elles sont aussi proportionnellement moins nombreuses que les hommes à se déclarer actives ou moyennement actives physiquement: c’est le cas de 50,0% des femmes et de 53,3% des hommes de 15 ans ou plus.

Sommes-nous étonnés en considérant plusieurs facteurs, notamment le fait qu’elles sont plus nombreuses que ces messieurs à agir comme proches aidantes? Dans la population âgée de 15 ans ou plus, 28,6% des femmes consacraient du temps à ces tâches en 2012, comme 21,4% des hommes. L’écart était plus marqué dans la population âgée de 45 à 64 ans avec 39,7% des femmes et 29,9% des hommes. Le nombre d’heures qui y sont consacrées variait en fonction du sexe. Alors que 51,0% des femmes proches aidantes allouaient, en 2012, 4 heures ou plus aux tâches de proche aidance, c’était le cas de 38,2% des hommes.

Sur la scène politique, si depuis les élections provinciales générales du 1er octobre 2018 le Conseil des ministres compte 13 femmes sur 26 membres, à la Chambre des communes, seulement le quart des députés fédéraux québécois sont de sexe féminin.

Photo: Dmitry Schemelev, Unsplash
Photo: Dmitry Schemelev, Unsplash

Les bonnes nouvelles

Question de ne pas déprimer davantage, à la lumière des résultats obtenus par le CSF, il y a aussi des zones de progrès. Les femmes sont par exemple plus nombreuses que les hommes à détenir un grade universitaire.

En 2016, dans la population âgée de 25 à 64 ans, 28,0% des femmes et 23,0% des hommes en étaient titulaires. Elles occupent d’ailleurs aujourd’hui une place importante dans plusieurs professions traditionnellement exercées par des hommes, mais elles demeurent sous-représentées dans certaines de ces professions, notamment en génie.

Par rapport aux grands progrès, on apprend qu’en 2018, au Québec, la part de la population adulte qui dit avoir l’intention de se lancer en affaires s’élève à 17,1% chez les femmes et à 21,9% chez les hommes. Or, ces proportions se chiffraient respectivement à 16,7% et à 25,7% en 2017. La part de femmes dans la relève agricole établie s’accroît elle aussi lentement, mais sûrement.

Toujours intéressant aussi de constater que l’espérance de vie des Québécoises à la naissance atteignait 84,5 ans en 2017, alors que celle des Québécois était de 80,6 ans. L’écart entre les sexes s’amenuise toutefois puisqu’il est passé de 4,8 années en 2005-2007 à 3,9 ans en 2017. La vie, c’est long, surtout pour les femmes. Rendons-nous la douce.

Je craque pour…

L’album jeunesse Derrière les yeux de Billy de Vincent Bolduc et Chloloula

Je ne savais pas que le chroniqueur et comédien Vincent Bolduc écrivait. On ne braque d’ailleurs jamais assez les projecteurs sur nos créateurs en écriture télévisuelle... Pourtant, il est actif dans ce secteur depuis près de 20 ans. Lui-même papa, il signait cet automne une histoire touchante et moderne sur une petite Billy très craquante qui perd tout, tout le temps. Or, si ce n’est pas si douloureux de dire adieu aux objets auxquels on tient, il en va autrement pour les êtres vivants qu’on chérit et qui nous quittent… Cette histoire illustrée avec sensibilité par Chloloula aborde sans tabou le thème de la mort et, en filigrane, la différence, sans l’appuyer, parce qu’elle est toute naturelle.

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