La chronique Société et Culture avec Claudia Larochelle

Auteur(e)

Claudia Larochelle

Claudia Larochelle est auteure (Les bonnes filles plantent des fleurs au printemps, Les îles Canaries, Je veux une maison faite de sorties de secours - Réflexions sur la vie et l'oeuvre de Nelly Arcan, la série jeunesse à succès La doudou, etc.) et journaliste spécialisée en culture et société. Elle a animé pendant plus de six saisons l'émission LIRE. Elle est chroniqueuse sur ICI Radio-Canada radio et télé et signe régulièrement des textes dans Les Libraires et Elle Québec. Elle est titulaire d'un baccalauréat en journalisme et d'une maîtrise en création littéraire. On peut la suivre sur Facebook et Twitter @clolarochelle.

#moiaussi De Angelina d’Hollywood à madame Tout-le Monde

Les actrices Angelina Jolie, Lucy DeCoutere, l’écrivaine et journaliste Tristane Banon font partie de ces femmes publiques qui ont ces dernières années dénoncé dans les médias (journaux, télé ou réseaux sociaux) des agressions sexuelles dont elles disaient avoir été victimes par des hommes de «pouvoir», dans la foulée respective des affaires Harvey Weinstein aux États-Unis, Jian Ghomeshi au Canada ou Dominique Strauss-Kahn en France. Il y en a eu d’autres – trop –, des victimes, et des présumés abuseurs ou prédateurs.



Ces femmes d’influence ont fait naître sur Facebook et divers réseaux sociaux des vagues, que dis-je, des tsunamis de témoignages chez d’autres personnes disant avoir, elles aussi, été victimes d’agissements déplacés et répréhensibles de la part d’hommes de leur entourage personnel ou professionnel, des hommes sans vergogne ou carrément des prédateurs sexuels, connus ou pas. Ces jours-ci, c’est donc l’affaire Harvey Weinstein qui a lancé le mouvement #moiaussi/#metoo grâce aux dénonciations de stars de renommée mondiale telles que Angelina Jolie, certes, mais aussi Gwyneth Paltrow ou Mira Sorvino. Bénies soient-elles.

Alyssa Malison a lancé la vague du mot-clic #moiaussi #metoo sur son compte Twitter ce qui a interpellé des milliers de femmes ici et ailleurs.
Alyssa Malison a lancé la vague du mot-clic #moiaussi #metoo sur son compte Twitter ce qui a interpellé des milliers de femmes ici et ailleurs.

Suivre la vague

J’ai moi aussi pris part au mouvement sur ma page Facebook personnelle en dénonçant un écrivain qui a eu le culot de toucher ma poitrine lors d’une entrevue qu’il m’accordait il y a seize ans dans le cadre de mes fonctions de journaliste. J’ai ressenti le besoin de joindre ma voix à celles des autres femmes par solidarité, et aussi parce que je n’ai jamais oublié cet événement troublant, et que ça m’a fait un bien fou de crier haut et fort, ce que je m’étais abstenue de faire en début de carrière de peur que ça me nuise, même si mon employeur de l’époque était prêt à me soutenir dans ma plainte en me faisant rencontrer son avocat; bref en m’apportant tout le soutien nécessaire.

J’étais repartie chez moi tout à l’envers en choisissant de fermer ma grande trappe par peur que certains employeurs se disent un jour: «Ah! ce qu’elle fait des vagues, cette jeune femme-là! Eille! à compétences égales, on en prend-tu une autre…?» Je me suis encore tue quand la situation s’est reproduite une autre fois, puis une autre, dans le travail toujours, et à différentes échelles de gravité, mais toujours par un homme en position de pouvoir qui bafouait mon intégrité physique ou morale par des propos dégradants. Facebook n’existait pas; allez savoir si je me serais exprimée là-dessus…

Aujourd’hui, bien humblement, je peux affirmer que connaissant les rouages des médias, ce qui s’y dit ou pas – et étant relue par une rédactrice en chef expérimentée –, je possède un peu plus l’art de manier le clavier pour que ma pensée sorte avec justesse. C’est aussi le cas des personnalités publiques qui ont pris la parole et qui, pour la plupart d’entre elles, bénéficient d’un «entourage» pour les relire, les appuyer ou les conseiller, ce qui n’est malheureusement pas l’apanage de toutes celles qui écrivent ces jours-ci dans la foulée du #moiaussi/#metoo.

Photo: Kristina Flour, Unsplash
Photo: Kristina Flour, Unsplash

Danger à haut risque

Je salue ce mouvement de solidarité, je le trouve extrêmement important et j’encourage toutes celles qui ont envie de s’exprimer à le faire. Toutes (et tous?), sans exception. Pas question ici de hiérarchiser les confessions, de dire qu’un viol est plus grave qu’une parole déplacée, qu’une agression contre une telle «vaut plus» qu’une autre contre un tel ou de tenter d’expliquer ce que ça vaut ou ce que donnera ce mouvement à court ou à long terme. Là n’est pas la question. Je me dis tout de même que contrairement aux médias reconnus et structurés, Facebook n’a pas de modérateur ou de rédacteur en chef pour protéger celles qui, par une parole de trop ou mal exprimée, encourent peut-être plus de dommages en retombées personnelles, judiciaires ou professionnelles que de soulagement au final.

Serait-ce possible de trouver une manière d’encadrer le contenu de ce type de messages publics ? Encadrement ne veut pas dire censure, qu’on se comprenne bien ici. Je pense juste que la liberté d’expression doit aussi bénéficier de balises, de règles, que c’est aussi ça, vivre en société. En dehors de ça, ça s’appelle le Far West et les pow! pow! arrivent vite.

Est-ce envisageable de créer des forums, des pages spéciales, des groupes de discussions ouverts à tous et dans lesquels il y aurait un soutien, de l’aide, des conseils, une écoute humaine à l’autre bout du fil et exécutés par des spécialistes comme des avocats, des psychologues, des policiers, etc.? Il en va de la sécurité de tous.

Fin d’une époque?

J’observe avec soulagement que le temps des silences a assez duré, que les abuseurs et les prédateurs ne sont plus maîtres; ça me semble assez clair. Il faut donc aider dès maintenant celles qui veulent s’exprimer. Pour ça, les victimes qui maîtrisent moins bien les médias devraient pouvoir compter sur un soutien bienveillant en allant au front. Entre une Angelina Jolie qui a toute une firme de relations publiques derrière elle et une madame Tout-le-Monde, les armes ne sont pas égales dans le grand bain libre que sont Facebook et les autres réseaux sociaux, d’autant plus que les requins, eux, ne ménagent personne quand ils attaquent.

JE CRAQUE POUR…

Face à soi

Je ne suis pas abonnée à l’EXTRA de ICI TOU.TV, donc, avant que l’émission Face à soi de VÉRO.TV n’apparaisse sur mon fil Facebook, j’ignorais tout de l’existence de ce magazine découvert lundi soir avec l’épisode durant lequel c’est la journaliste et auteure Geneviève St-Germain qui revisite des moments importants de sa vie en commentant différentes photos d’elle dans une ambiance dépouillée d’artifices, intime et feutrée, où seules les images comptent. Ouf.

L’idée imaginée par Ève Déziel est parfaite. En sept minutes, l’invitée se livre avec une sobriété et une sincérité inégalée. J’en ai encore la chair de poule tant les mots, du moins ceux de St-Germain, m’ont chavirée. C’est en plein la vraie bonne télé brillante que, personnellement, j’ai envie de voir ces dernières années pour recevoir en concentré des paroles de femmes qui me font grandir et de qui je peux apprendre. Au cours des prochains mois, d’autres capsules mettront en vedette Élisapie Isaac (26 octobre), Michèle Richard (30 novembre), Sophie Prégent (28 décembre) et Liza Frulla (25 janvier).

Photo: Facebook Geneviève St-Germain
Photo: Facebook Geneviève St-Germain