La chronique Société et Culture avec Claudia Larochelle

Auteur(e)

Claudia Larochelle

Claudia Larochelle est auteure (Les bonnes filles plantent des fleurs au printemps, Les îles Canaries, Je veux une maison faite de sorties de secours - Réflexions sur la vie et l'oeuvre de Nelly Arcan, la série jeunesse à succès La doudou, etc.) et journaliste spécialisée en culture et société. Elle a animé pendant plus de six saisons l'émission LIRE. Elle est chroniqueuse sur ICI Radio-Canada radio et télé et signe régulièrement des textes dans Les Libraires et Elle Québec. Elle est titulaire d'un baccalauréat en journalisme et d'une maîtrise en création littéraire. On peut la suivre sur Facebook et Twitter @clolarochelle.

LES ROLLING STONES COMME FONTAINE DE JOUVENCE

J'ai vu les Rolling Stones une seule fois en show, et c'était en 1994 au Stade olympique. Mon père, avec qui j'avais une «date» ce soir-là, était venu me chercher au collège de bonnes sœurs pour m'y conduire, tout fringant dans notre vieille Honda rouge dans laquelle je m'étais contorsionnée pour troquer ma jupe rose à plis contre des jeans déchirés. Même si je n'étais pas fan, leur préférant de beaucoup les Beatles, je trouvais déjà que ces «vieux» rockers britanniques nés dans les années 40 se donnaient à fond en suant leur vie sur scène dans leurs pantalons en cuir moulant. Je me disais qu'après tant d'années d'excès, ils avaient encore la forme et, j'avoue, ça m'avait fascinée. J'y ai vu quelque chose d'irrationnel ou de magique. Faut le dire, ça m'a aussi rassurée d'y repenser un peu plus tard dans ma vie, quand j'excédais moi-même les limites...

Si, en 2015, ces septuagénaires demeurent bénis des dieux côté santé, c'est peut-être parce que, derrière leur air de mauvais garçons, ils savent garder tout naturellement cette grâce anglaise, la cultivent avec un humour fin, de la répartie et un sincère plaisir sur les planches, qui devient contagieux dans la foule. Clairement, goûter aux Stones, c'est s'abreuver à une fontaine de Jouvence – dans laquelle coulerait du scotch, bien sûr... Le 15 juillet dernier, le paternel est d'ailleurs retourné voir ses Stones, cette fois sur les Plaines à Québec, et avec ma mère. Au lendemain du concert, il prétend s'être senti revigoré. Pas étonnant de rajeunir en leur présence, les critiques unanimes les décrivant comme des bêtes de scène «indestructibles» et «indémodables».

Plusieurs journaux ont aussi salué les «bonnes manières» de Mick Jagger, qui s'adressait en français à la foule. Il doit être bien entouré pour qu'on lui rappelle la sensibilité des Québécois à cet égard. Bien entouré ou bien élevé... Qu'à cela ne tienne, ça a charmé la foule de quelque 80 000 spectateurs dont plusieurs attendaient depuis la veille pour s'assurer d'avoir de bonnes places. Soit dit en passant, le fameux entourage du band aurait peut-être pu faire une entourloupette pour permettre aux gars de Galaxie, formation d'ici qui assurait la première partie du show, de rencontrer les rockers, même un court instant. Bien sûr, Olivier Langevin et ses acolytes n'allaient pas s'en formaliser après la chance qu'ils ont eue de jouer juste avant leurs idoles. À l'heure actuelle, ils doivent même encore voler sur leur petit cumulus...

La presse internationale était d'ailleurs plutôt bien représentée à Québec, comme avec Le Figaro, qui a rappelé l'inculpation de Keith Richards pour détention de drogue à Toronto en 1977, soulignant ce lien privilégié gardé avec Rita Bédard, «jeune Québécoise qui avait alors convaincu le juge de ne pas lui faire purger de peine de prison, mais de donner un concert au profit des aveugles», lit-on. Dans Paris Match, on signalait que les Stones avaient volé la vedette à l'événement du Festival d'été de Québec (FEQ) lui-même, dont ils étaient le hit de la programmation.

Plusieurs s'entendent pour dire qu'au-delà du succès des spectacles des plus grandes stars du monde de la musique chaque année, comme les Stones ou Deep Purple, qui a clôturé le FEQ le 19 juillet, il faudrait repenser la formule des laissez-passer à 100 $ pour avoir accès au site. Malgré la présence de ces grosses pointures, ils ne se sont pas écoulés tel qu'espéré. Imaginons autre chose pour le futur. Peut-être faudrait-il là aussi s'adapter au contexte économique. Juste une nuitée dans un hôtel correct du coin pouvait commencer à 500 $.

Quant à la température qui n'était pas à son top (êtes-vous surpris?), il faudra continuer de s'en remettre à Dame Nature ou accrocher des chapelets aux cordes à linge de la Capitale. Faites tout de suite vos paris pour l'an prochain. Qui sera attendu au FEQ : Pearl Jam? U2? Radiohead? Pas de doute qu'avec des formations qui me rappellent mon adolescence, les Plaines tendent à avoir l'effet magique d'une fontaine de Jouvence. Avec l'obsession collective pour le jeunisme, le maire Labeaume devrait miser là-dessus pour promouvoir sa ville chérie.