La chronique Société et Culture avec Claudia Larochelle

Auteur(e)

Claudia Larochelle

Claudia Larochelle est auteure (Les bonnes filles plantent des fleurs au printemps, Les îles Canaries, Je veux une maison faite de sorties de secours - Réflexions sur la vie et l'oeuvre de Nelly Arcan, la série jeunesse à succès La doudou, etc.) et journaliste spécialisée en culture et société. Elle a animé pendant plus de six saisons l'émission LIRE. Elle est chroniqueuse sur ICI Radio-Canada radio et télé et signe régulièrement des textes dans Les Libraires et Elle Québec. Elle est titulaire d'un baccalauréat en journalisme et d'une maîtrise en création littéraire. On peut la suivre sur Facebook et Twitter @clolarochelle.

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Cannes : nos chouchous et le sexisme

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Voilà, c'est finiiiiii! Fini les potins sulfureux, les photos indécentes, les prédictions changeantes, les scandales et le suivi à la trace du juré Dolan et du nominé Villeneuve, qui font, avec raison, notre fierté nationale. La 15e édition du glamoureux Festival de Cannes a tiré sa révérence, le 24 mai dernier, en remettant sa Palme d'or au film français Dheepan de Jacques Audiard et, malheureusement, en ne manquant pas de nous rappeler au passage que sexisme et injustices perdurent dans l'industrie du cinéma.



Or, malgré quelques critiques françaises plus mitigées à l'égard de ce troisième long-métrage en anglais de Villeneuve, mettant cette fois en vedettes Emily Blunt, Josh Brolin et Benicio Del Toro, Sicario, qui raconte les affres de la violence du narcotrafic à la frontière américano-mexicaine, a été très bien reçu par la critique et, oui, il fait déjà saliver ici...

Pression sur Villeneuve

On retient entre autres aussi du passage cannois de Villeneuve son désir, lancé à la blague et non-concrétisé, d'apparaître en talons hauts avec sa distribution masculine après que des femmes en sandales plates se soient vu refuser l'accès à la montée des marches... La rumeur de l'existence d'un tel règlement a été démentie par le Festival, ne manquant tout de même pas de rappeler que les discriminations à l'égard des femmes règnent toujours au cinoche comme ailleurs. À ce sujet, le réalisateur québécois a confié en conférence de presse avoir reçu beaucoup de pression pour modifier le scénario de Sicario en léguant le rôle principal à un homme plutôt qu'à une femme. Bien sûr, c'est connu, une dame ne peut pas prendre les armes... et porter des talons plats...! Mais dans quel monde de cro-magnons vivons-nous encore?

En marge du Festival, c'est Maggie Gyllenhaal, actrice de 37 ans (mon jeune âge!) et que j'affectionne particulièrement, qui révélait s'être vue refuser le rôle de l'amante d'un quinca, parce qu'on la jugeait trop vieille. C'est non seulement discriminatoire envers les femmes, victimes du jeunisme ambiant, mais à l'égard des messieurs (ils ne font quand même pas pitié!), qui passent ainsi pour des coureurs de très jeunes femmes, ce qui n'est pas glorieux, frôlant même le pathétisme.

Parlant pathétisme masculin, notons Gérard Depardieu qui, lors d'un photocall, a cherché comme un gamin à embrasser l'actrice Isabelle Hupert sur la bouche. Fallait la voir se décoller et lui tendre la joue avec cet air froid et dédaigneux qui lui sied bien. Et puis, oui, on a aussi vu un peu de la culotte, puis, à un autre moment, un bout du sein de l'actrice Sophie Marceau, membre du jury aux côté de Dolan et vêtue de vêtements légers qui volaient au vent. Et ça a fait jaser! Hon! Là encore, les gens, plein de fausse pudeur, n'en sont pas revenus, les pauvres... Si on avait vu le slip à pois d'un acteur, prenons Guillermo Del Toro qui l'accompagnait à la montée des marches, en aurions-nous parler autant, repassant les extraits et photos ad nauseam?

Une femme chez les Cro-Magons

Frances McDormand, conjointe d'un autre juré en la personne de Joel Cohen, qui lui, devrait rougir de honte, a fait preuve, elle aussi, de comportements déplacés, voire mesquins, notamment à l'égard d'une restauratrice qui lui avait gentiment demandé dans un anglais boiteux d'autographier son coffret du film Fargo. L'actrice l'a ridiculisé devant tout le monde... De plus, la reporter québécoise Catherine Beauchamp, qui rapportait cette nouvelle et qui commence à connaître Cannes aussi bien que son Tapis Rose, s'est elle aussi fait intimider par McDormand en voulant la féliciter. Cette dernière lui a demandé de tourner les talons (plats sans doute) pour "garder sa dignité".

Les cro-magnons sont partout, y compris sur la Croisette, où ça se croit tout permis au sommet du bling-bling et du glam, sous-prétexte qu'il s'agit de cinéma; monde merveilleux fournisseur de rêves et d'argent. C'est fou à quel point la semaine dernière, il y a eu des coups de talons hauts qui se sont perdues en mer avant d'arriver à Cannes...