La chronique Société et Culture avec Claudia Larochelle

Auteur(e)

Claudia Larochelle

Claudia Larochelle est auteure (Les bonnes filles plantent des fleurs au printemps, Les îles Canaries, Je veux une maison faite de sorties de secours - Réflexions sur la vie et l'oeuvre de Nelly Arcan, la série jeunesse à succès La doudou, etc.) et journaliste spécialisée en culture et société. Elle a animé pendant plus de six saisons l'émission LIRE. Elle est chroniqueuse sur ICI Radio-Canada radio et télé et signe régulièrement des textes dans Les Libraires et Elle Québec. Elle est titulaire d'un baccalauréat en journalisme et d'une maîtrise en création littéraire. On peut la suivre sur Facebook et Twitter @clolarochelle.

Le temps des femmes

«N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant.» Cette citation de Simone de Beauvoir reprise par la brillante Aurélie Lanctôt dans son premier livre, Les libéraux n’aiment pas les femmes – Essai sur l’austérité, qui paraît ces jours-ci chez Lux Éditeur, est criante d’actualité, aujourd’hui même, en 2015 au Québec, alors que sont publiés plus d’ouvrages que d’habitude – ma table de travail où s’amoncellent les livres le prouve – sur des problématiques politiques ou sociales qui touchent les femmes.

Ça tombe d’ailleurs à point puisque, dans cette foulée de titres qui font parler d’eux, les témoignages de présumées victimes de gestes déplacés de la part de Me Marcel Aubut, président démissionnaire du Comité olympique canadien, affluent, en faisant même déferler d’autres du genre et sans lien avec Aubut.

Aussi, quand je lis des commentaires misogynes, voire dangereux, comme ceux réagissant aux propos de Denise Bombardier dans son texte Le guide des «taponneux» de femmes, qui dénonce ces comportements dans Le Journal de Montréal du 2 octobre, je suis d’autant plus sidérée que ces ti-clins qui signent sous des pseudonymes comme Gérardlesbrumes ou coco300 n’aient même pas le courage d’afficher leurs couleurs sous leur vrai nom.

Pendant ce temps perdure aussi le grand silence des conservateurs, qui rejetaient en août dernier la tenue d’une enquête nationale sur les femmes autochtones tuées ou disparues (lire le merveilleux Soeurs volées – Enquête sur un féminicide au Canada d’Emmanuelle Walter chez Lux Éditeur), préférant jeter de la poudre aux yeux des électeurs en s’attaquant au port du niqab… Il faudrait être dupes, vraiment?

Contre ces attitudes douteuses, mais surtout pour les femmes, nos grands-mères qui ont enduré en silence, nos mères qui se sont soulevées enfin, nos pairs, femmes et hommes qui prennent la parole en sachant ce que ça peut parfois leur coûter professionnellement, ces essais prouvent que le temps de parole est aussi aux femmes.

Femmes et politique

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Les libéraux n’aiment pas les femmes – Essai sur l’austérité, Aurélie Lanctôt, Lux Éditeur

Revenons justement à ce livre évoqué plus haut, Les libéraux n’aiment pas les femmes – Essai sur l’austérité, le premier de la jeune féministe Aurélie Lanctôt, qui pose un regard fort censé et éloquent sur les récentes politiques d’austérité du présent gouvernement libéral qui, en sabrant dans les garderies, la santé, l’éducation et les groupes communautaires, en viennent à toucher particulièrement les femmes. Comme d’ailleurs le font aussi les conservateurs quand vient le temps d’établir des politiques économiques. «Ce sont bien elles, enseignantes, infirmières, éducatrices, fonctionnaires, mères de famille, pauvres ou simples salariées qui font les frais des restrictions qu’imposent les libéraux», soutien Lanctôt. Le texte est concis, bien vulgarisé et ne s’enfarge pas dans les fleurs du tapis. Un remède contre la langue de bois. Longue vie à la sienne, bien pendue.

 

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Les femmes en politique changent-elles le monde?, Pascale Navarro, Boréal

Parmi ces voix qui s’élèvent au pays, une vingtaine d’entre elles, des politiciennes, ont parlé à la journaliste Pascale Navarro de leur rôle et de sa reconnaissance véritable au sein du gouvernement, tout comme de l’existence de leur pouvoir, de ce qu’elles peuvent en faire pour les générations futures, entre autres en lien avec le passé et l’image qu’elles projettent dans la société et parmi leurs confrères masculins. Les femmes en politique changent-elles le monde? est une mise au point et une exploration d’enjeux qui se devait d’exister avec autant de profondeur et d’objectivité, à travers des partages de femmes qui ont réellement accès à ces sphères qu’elles n’occupent toujours pas de la même manière que les hommes.

 

L’avant Cro-Magnon et, enfin, l’espoir

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Second début – Cendres et renaissance du féminisme, Francine Pelletier, Atelier 10

Avant la publication de ces propos sur des angles précis, la journaliste et documentariste Francine Pelletier revenait pour sa part en mai dernier sur l’avènement de la fameuse revue féministe La vie en rose, créée dans la cuisine d’une auberge de Saint-Hippolyte en 1979, alors que des femmes brillantes rêvaient de s’adresser à l’intelligence des lectrices par le biais d’articles autres que ceux concernant des considérations domestiques. Dans son Second début, Pelletier dresse ainsi un portrait de la présence et de la nécessité du féminisme d’hier jusqu’à ce qu’elle qualifie de renaissance salutaire survenue ces derniers mois et dont témoignent justement les titres recensés dans ces présentes lignes. À mettre entre les mains tous les étudiants dans les cours obligatoires d’histoire du Québec. OK, j’ai le droit de rêver…

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Le monstre, Ingrid Falaise, Libre Expression

Le plus récent ouvrage de cette liste est un témoignage plus qu’un essai formel qui rejoindra peut-être un lectorat plus large. Dans Le monstre, sans tomber dans le pathos ou régler ses comptes en public, la comédienne Ingrid Falaise revient avec beaucoup de courage et de conviction sur l’emprise sournoise et violente qu’avait sur elle un homme qu’elle aimait. Bouleversant, nécessaire et accessible.

Je sais que d’autres essais sont en préparation, notamment sur la prise de parole au féminin, et cet autre qui titille ma curiosité, portant sur le succès et la réussite des femmes, avec tout ce que ça comporte de doutes, de jalousie, de discrédit… Tous ces mots sans oublier ceux des écrivaines qui donnent dans la fiction, ces grandes qui savent raconter des histoires avec finesse, sont plus que bienvenus. Continuez mesdames, le temps est à vous. Si certains hommes se permettent d’abuser, certaines femmes, elles, peuvent bien répliquer à grands coups de mots, là où ça fait mal. Bonnes lectures.

Je craque pour…

Geneviève Cadieux au Musée d’art de Joliette

Si vous n’avez pas encore découvert le travail de l’artiste montréalaise de renommée internationale Geneviève Cadieux, il est temps d’y remédier au Musée d’art de Joliette où est présenté Voilà le meilleur portrait que, plus tard, j’ai réussi à faire de lui. Passages vers l’abstraction, qui met en lumière ses 27 années de création, surtout autour de la photographie, en explorant la poétique du regard à travers les dispositifs de la photographie et de la cinématographie. Des œuvres qui restent en tête longtemps. Très longtemps. Jusqu’au 3 janvier 2016.