La chronique Société et Culture avec Claudia Larochelle

Auteur(e)

Claudia Larochelle

Claudia Larochelle est auteure (Les bonnes filles plantent des fleurs au printemps, Les îles Canaries, Je veux une maison faite de sorties de secours - Réflexions sur la vie et l'oeuvre de Nelly Arcan, la série jeunesse à succès La doudou, etc.) et journaliste spécialisée en culture et société. Elle a animé pendant plus de six saisons l'émission LIRE. Elle est chroniqueuse sur ICI Radio-Canada radio et télé et signe régulièrement des textes dans Les Libraires et Elle Québec. Elle est titulaire d'un baccalauréat en journalisme et d'une maîtrise en création littéraire. On peut la suivre sur Facebook et Twitter @clolarochelle.

Le Plan Livre répond-t-il vraiment aux besoins… des écrivains?

Vous connaissez l'expression «À cheval donné, on ne regarde pas la bride»? Bien entendu que le Plan d'action sur le livre et ses douze mesures (total de 12,7 millions de dollars réparti sur deux ans) de la ministre de la culture et des communications du Québec, Hélène David, grande lectrice, m'a-t-on dit, est apprécié et rempli de bonnes intentions. Bien entendu, de l'argent pour les livres, ça ne se refuse pas. Or, les écrivaines et écrivains, eux, s'en sortiront-ils vraiment mieux?



Présentées le 24 avril dernier, Journée mondiale du livre et du droit d'auteur, ces mesures sont plus que nécessaires - et urgentes - dans une «industrie» (je déteste ce mot associé aux livres, or le contexte s'y prête) qui a mal financièrement, et de plus en plus, tant du côté des éditeurs que des librairies indépendantes ou des bibliothèques publiques, incluant celles des milieux scolaires, là où tout commence, dois-je le rappeler.

Grâce à ces mesures, les librairies indépendantes du Québec, en régions et sur Internet, recevront du soutien par le lancement d'une campagne de promotion nationale, des activités d'animations, l'amélioration de l'offre numérique, l'innovation technologique, etc. Joie. Quant aux bibliothèques, on note l'éventuel accroissement du soutien à la promotion, à l'animation du livre et de la lecture. De plus, 3,750 M$ vise l'achat de livres imprimés et numériques. Re-joie. Des chiffres qui, l'automne dernier, auraient d'ailleurs fait sourire naïvement Yves Bolduc, alors ministre de l'Éducation... et critiqué abondamment pour ces paroles à l'endroit de l'offre «suffisante» de livres dans les bibliothèques scolaires de la province. Et v'lan!

Les auteurs, eux?

Devant ces rares bonnes nouvelles, l'Union des écrivaines et écrivains québécois (UNEQ) n'a pas manqué de saluer le fameux Plan, soulignant parmi les mesures celle visant à accroître la visibilité de leurs membres et leur présence dans les librairies indépendantes. En effet, il est indéniable que les auteurs ne sont pas assez vus et entendus sur la place publique, tant à la radio qu'à la télé, où j'anime d'ailleurs avec une immense gratitude sur ICI ARTV, LIRE, la seule émission littéraire québécoise télévisée dédiée aux livres d'ici et d'ailleurs. C'est vrai aussi que dans les journaux, l'espace alloué aux livres s'amoindrit lui aussi. Les attachés de presse en littérature, celles et ceux qui ont encore des contrats, doivent sortir leurs griffes pour obtenir un simple encart en ligne ou sur ce qu'il reste de papier... Alors, tant mieux si nos auteurs sont placés à l'avant-scène en librairies ou en bibliothèques.

En contrepartie, dans une lettre ouverte publiée le 3 mai dernier dans La Presse, la romancière à succès Pauline Gill (La cordonnière, Gaby, Les enfants de Duplessis) avance que les écrivains demeurent les grands oubliés de ces mesures. «(...) on ne parle guère (dans ce Plan) de faciliter le long et ardu travail d’écriture par les auteurs. (...) La meilleure façon pour le gouvernement de promouvoir et de favoriser la littérature, c’est d’abord d’aider les auteurs eux-mêmes.», a-t-elle déclaré.

Comme madame Gill le souligne dans sa lettre, certains éditeurs qui ont les reins plus solides aident comme ils peuvent, en déboursant par exemple des frais lors de déplacements vers les salons du livre de la province ou en payant de minces avaloirs en cours d'écriture. J'ajouterais aussi que l'UNEQ fait ce qu'elle peut avec ses moyens relatifs, mais hélas, c'est loin d'être suffisant pour la majorité des auteurs. Parce que hormis peut-être les «stars» du livre et ceux qui enseignent ou qui exercent d'autres carrières plus «stables» - en existent-ils encore? - en parallèle et à travers le flot de la vie où rôde la satanée austérité, ils en arrachent côté finances personnelles. Écrire de bons livres tissés de réflexions pertinentes pour petits et grands, exige du temps, beaucoup de temps, des efforts et des concessions qui, s'ils ne sont pas encouragés par une quelconque forme de rémunération, risquent de nuire au futur de la littérature québécoise.

Loin de moi l'envie de jouer les éteigneuses, mais personnellement concernée comme auteure entourée d'auteurs, je me questionne quant aux mesures prises pour encourager le soutien direct aux écrivains? Je parle donc ici d'argent. De ce qui paie le loyer à la fin du mois. Existerait-il une 13e mesure quelque part, une petite mesure (ou grosse, on est capables d'en prendre) cachée qui aiderait - à ne pas paniquer à la fin du mois - autrement que par les bourses octroyées à trop peu de créateurs? Bon, sur ces désirs, je retourne lire!