La chronique Société et Culture avec Claudia Larochelle

Auteur(e)

Claudia Larochelle

Claudia Larochelle est auteure (Les bonnes filles plantent des fleurs au printemps, Les îles Canaries, Je veux une maison faite de sorties de secours - Réflexions sur la vie et l'oeuvre de Nelly Arcan, la série jeunesse à succès La doudou, etc.) et journaliste spécialisée en culture et société. Elle a animé pendant plus de six saisons l'émission LIRE. Elle est chroniqueuse sur ICI Radio-Canada radio et télé et signe régulièrement des textes dans Les Libraires et Elle Québec. Elle est titulaire d'un baccalauréat en journalisme et d'une maîtrise en création littéraire. On peut la suivre sur Facebook et Twitter @clolarochelle.

Indécence salariale crasse en lien avec nos aînés et nos enfants: ça suffit!

Passeriez-vous vos journées à faire le ménage, servir des repas, habiller, changer, coiffer, écouter, comprendre, déplacer, surveiller, divertir, raisonner, rassurer, alléluia, des aînés en tant que préposée aux bénéficiaires ou aux services auxiliaires pour moins de 15$ l’heure?



Chaque fois, en allant visiter des proches dans des résidences pour aînés, je me suis imaginée dans les souliers de ces employés sous-payés. Chaque fois, je me suis demandé comment, dans un pays qui a supposément à cœur sa population vieillissante – ses parents âgés qui ont bâti le Québec –, ainsi que celles et ceux qui en prennent soin, on pouvait laisser passer ces salaires indécents en regard de l’ampleur et de l’importance des tâches sans monter aux barricades.

Voilà donc qu’enfin, les braves, elles montent avec raison aux barricades, réclamant notamment une imposition de conditions de travail «minimales» dans ce secteur d’emplois, dont des salaires à l’embauche à 15$ l’heure et une augmentation minimale de 1$ l’heure par année pour un contrat de trois ans. Elles demandent que le gouvernement, par décret de convention collective, impose certaines conditions de travail au secteur privé. 375 d’entre elles en provenance de quatre résidences privées de Québec, d’Anjou et de Saint-Jean-sur-Richelieu, ont même entamé une grève jusqu’au 30 novembre pour attirer l’attention des élus sur leurs conditions. Si j’utilise le pronom «elles», c’est parce que parmi ces milliers d’êtres à gagner moins de 15$ l’heure dans ces résidences privées pour personnes aînées, il s’agit majoritairement de femmes, dont beaucoup sont issues de l’immigration.

Travailleriez-vous à moins de 15$ l’heure dans une résidence pour personnes aînées?

Il apparaît clair pour moi qu’à moins de 15$ l’heure, plusieurs de ces employées sont en train de tirer leur révérence, éreintées de devoir faire deux jobs en même temps pour arriver à boucler leur fin de mois. Malgré cette pénurie inévitable de personnel qualifié, on ne voit aucun plan budgétaire ou plan ministériel susceptible de régler le problème. Évidemment, ceux qui ne voient pas la réalité actuelle telle qu’elle est ne font pas 15$ l’heure…

Alors qu'on s'apprête à mettre en branle le concept de maisons des aînés, un projet fort séduisant soit dit en passant, entre autres avec un budget de 2,5 G$ pour 2500 places en CHSLD et en résidences privées, ne vaudrait-il pas mieux miser d’abord sur le renforcement des conditions de travail de ce type de personnel-pivot? Les aînés auront beau manger raffiné, avoir une salle de cinéma, des chambres spacieuses, si personne n’est là pour veiller à ce confort, rien de tout cela ne se concrétisera.

Pour nos enfants aussi

Même indécence salariale du côté des travailleuses des centres de la petite enfance (CPE), des garderies privées, sans oublier celles des haltes-garderies et des garderies en milieu familial. Plusieurs d’entre elles gagnent 14$ ou 15$ l’heure et doivent, elles aussi, trouver un deuxième emploi pour arriver à la fin du mois. Dois-je préciser qu’elles s’occupent de ce que nous avons de plus précieux au monde: nos enfants…? Et puisque nos enfants sont ce que nous avons de plus précieux au monde, ne devrions-nous pas payer plus, ou du moins, traiter avec beaucoup plus de considération, ces précieuses éducatrices avec lesquelles ils passent le plus clair de leur temps?

Plusieurs des éducatrices gagnent 14$ ou 15$ l’heure et doivent trouver un deuxième emploi pour arriver à la fin du mois. Photo: Unsplash

Rappelons aussi que dans les dernières années, ce travail, tenu par des femmes en majeure partie ici aussi, est devenu plus dense et complexe, notamment avec les besoins croissants des petits en proie aux troubles du comportement, du langage ou d’apprentissage, sans parler des allergies variées, des demandes parentales, de la présence plus importante que jamais d’enfants issus de l’immigration ou de jeunes réfugiés qui font face à beaucoup plus de défis. Pas tellement plus simple non plus du côté des gens âgés, avec les maladies qui viennent avec le vieillissement de la population.

Ça me choque qu’on en soit encore à sous-payer des gens qui occupent des rôles-clés dans notre société, des pivots qui ont, pour plusieurs, obtenu des diplômes pour ce qu’elles font. Ce qu’elles font, comment le ferais-je? C’est de la haute voltige, ça. Ça exige patience (beaucoup, beaucoup), humeur stable, qualifications, rigueur, jugement… Soyons honnête, il n’y a en pas tant qui cumule toutes ces qualités. Ça se paye ça, les amis!

Sans vouloir dévaluer le travail de qui que ce soit, les employés qui commencent à la SAQ gagnent plus par heure, et avec les pourboires, c’est souvent plus avantageux aussi dans le secteur de la restauration… Mais parlons-nous ici de métiers essentiels? Rien à voir avec nos parents et nos enfants, avec celles et ceux qui assurent leur confort au quotidien pendant notre absence. Ça en dit long sur le sens des priorités de nos élus.

JE CRAQUE POUR…

Le livre audio Les belles-sœurs produit par Vues et Voix

C’est le 20 novembre dernier qu’était lancée au Salon du livre de Montréal la version audio de l’ouvrage de Mario Girard, Les belles-sœurs, l’œuvre qui a tout changé (éd. La Presse), pour laquelle 27 artistes ont donné temps et voix pour faire entendre d’une manière singulière cette célébration du célèbre texte de Michel Tremblay dont André Brassard avait signé la mise en scène.

Diane JulesMuriel DutilLorraine Pintal et Marie-Thérèse Fortin lors du lancement de ce merveilleux ouvrage.Photo: Facebook Vues et Voix

Serge Boucher, Michel Marc Bouchard, Sophie Cadieux, Patrice Coquereau, Angèle Coutu, Martin Faucher, Denise Filiatrault, Louise Forestier, Émile Gaudreault, Maude Guérin, Yves Jacques, Diane Jules, Robert Lepage, Danièle Lorain, Monique Mercure, Béatrice Picard, Lorraine Pintal, Luc Provost (Mado), Pierre Robitaille, Michelle Rossignol, Francine Ruel, Guylaine Tremblay et Michel Tremblay se sont laissés porter par la narration de Girard, la musique de Daniel Bélanger et la réalisation merveilleuse et intelligente de Clotilde Seille.