La chronique Société et Culture avec Claudia Larochelle

Auteur(e)

Claudia Larochelle

Claudia Larochelle est auteure (Les bonnes filles plantent des fleurs au printemps, Les îles Canaries, Je veux une maison faite de sorties de secours - Réflexions sur la vie et l'oeuvre de Nelly Arcan, la série jeunesse à succès La doudou, etc.) et journaliste spécialisée en culture et société. Elle a animé pendant plus de six saisons l'émission LIRE. Elle est chroniqueuse sur ICI Radio-Canada radio et télé et signe régulièrement des textes dans Les Libraires et Elle Québec. Elle est titulaire d'un baccalauréat en journalisme et d'une maîtrise en création littéraire. On peut la suivre sur Facebook et Twitter @clolarochelle.

Paquet d’amour pour nos oreilles

La quétaine en moi explose. Un peu plus amoureuse, un peu plus vivante de nouveau. J’en avais besoin pour me sortir de ma condition pavillonnaire et de mon début de «matantification». L’heureux élu: Gab Paquet.



Paquet comme dans paquet d’amour, paquet d’étincelles, paquet de roses, paquet de baisers enflammés, paquet d’histoires sentimentales qui sonnent comme du velours pourpre à mes oreilles. Il a du poil sur la poitrine et porte la moustache. La coupe mulet aussi. Propre, le mulet. Très important. Évidemment, il arbore une chaîne en or au cou. J’imagine aussi qu’il sent le Old Spice. Je ne l’ai jamais rencontré, donc j’imagine plein de choses. J’imagine aussi tous les scénarios issus de cet album, La force d’Éros, lancé le 12 février dernier sur étiquette Duprince et que j’écoute déjà en boucle en sirotant des crèmes de menthe dans ma cuisine.

Qui est ce beau Paquet d’amour? Dans le communiqué de presse, on le dit «actif depuis le début des années 2000». Actif? Je suppose qu’il est actif sur tous les plans, certes, mais probablement plus en chansons alors qu’en tâtonnant, il cherche sa voie véritable, sa nature profonde; un brin sauvage, un brin domptable. En somme, le meilleur de l’homme moderne en temps de pandémie…

Il semble que ce n’est qu’en 2013 qu’il se soit tourné vers ce qui fait son succès présent via Sélection continentale, un premier album sur lequel on retrouve Fais l’amour avec moi. Puis, il y a eu Casio, pad & moustaches, un EP qui lui aura permis de circonscrire davantage son style, suivi un an plus tard de Santa Barbara, un album-concept qui emprunte aux années 1980. Or, là où Gab – beau – Paquet gagne le plus de points, c’est lorsqu’il assure la première partie de Michel Louvain au Festival d’été de Québec en 2017. Tsé.

Photo: Jay Kearney

Ces derniers mois, pour ce nouvel opus, plus en léopard que jamais, il a su concocter des pièces aux titres sulfureux: Sex Machine, Boulevard Tendresse, Âme sœur, Sexy, Magie rose, Œil soleil, Force d’Éros, 1-800-666-SEXE ou Carte du ciel. Léandre, Claude François, Daniel Balavoine, etc., ne sont jamais bien loin de son univers kitsch qui donne chaud à souhait.

Vous l’aurez sans doute deviné, je blagoune un peu en écrivant ce texte au deuxième, voire au troisième degré, à l’image des chansons de l’artiste de 37 ans. Or, je serais bien menteuse de ne pas mentionner que même rieuses et caricaturales, ces chansons ne me font pas quelque chose comme une petite joie intérieure provoquée par la kyrielle de souvenirs rassurants que convoque cette musique, à commencer par des flashs des années 1980, époque d’une certaine insouciance et candeur, bien avant les grands désastres environnementaux, les tueries de masse, la possibilité de joindre ou de localiser les gens 24 heures sur 24, les robots et machines qui dominent l’homme, le terrorisme mondial, le désir sexuel pouvant être assouvi dans l’immédiateté, sans prélude ou romantisme.

Photo: Jay Kearney

Dans les années 1980, ces chansons à la Gab Paquet servaient de bougie d’allumage à l’érotisme, sorte de mise en bouche, de jeu de séduction ou d’ambiance qui n’existe à peu près plus, sauf pour en rire un peu alors que c’est le plus sérieusement du monde que les gens faisaient jouer leur cassette d’Herbert Léonard lors d’un souper en tête-à-tête en buvant du Si… si… si..., «le grand vin des petits festins». J’en ai tellement imaginé des scénarios amoureux en écoutant Madame du frisotté Claude Barzotti: «Souvent, je pense à vous madame, souvent, je vous revois madame, je suis heureux, j’ai des idées, et peut-être à demain, vous me prendrez la main…» Bien sûr, la notion de consentement n’existait pas, mais qui pensait à outrepasser la bienséance sur la voix chaude de ces chanteurs de pomme? Zéro inspirant pour le forcené sans manières.

Je pense qu’au fond, c’est pour cet enrobage sucré qui me manque cruellement que j’aime cet album de Gab Paquet, que je découvre ce mois-ci. Il me semble que rivés sur nos écrans, isolés dans nos chaumières et masqués pour en sortir, il n’y a plus de parade, plus de mots d’esprit, de discours sulfureux qui font plus plaisir à recevoir qu’une poignée de j’aime sur une belle photo de soi affichée sur nos réseaux sociaux. Gab Paquet rappelle les frétillements et palpitations des débuts, la drague douce et maniérée. Hummm… Hélas, ça appartient désormais à une autre époque. Y revenir apaise pour un temps.