La chronique Société et Culture avec Claudia Larochelle

Auteur(e)

Claudia Larochelle

Claudia Larochelle est auteure (Les bonnes filles plantent des fleurs au printemps, Les îles Canaries, Je veux une maison faite de sorties de secours - Réflexions sur la vie et l'oeuvre de Nelly Arcan, la série jeunesse à succès La doudou, etc.) et journaliste spécialisée en culture et société. Elle a animé pendant plus de six saisons l'émission LIRE. Elle est chroniqueuse sur ICI Radio-Canada radio et télé et signe régulièrement des textes dans Les Libraires et Elle Québec. Elle est titulaire d'un baccalauréat en journalisme et d'une maîtrise en création littéraire. On peut la suivre sur Facebook et Twitter @clolarochelle.

«Frencher» le CH

Ça prend bien une controverse impliquant les mots pour que le hockey se mette à m’intéresser. Et c’est justement ça le point, ce n’est pas suffisamment une controverse d’envergure que celle sur les joueurs du Canadien de Montréal qui n’arrivent pas, pour la plupart, à parler, ou du moins à «baragouiner», le français. Démontrer un intérêt, une intention, une once de respect envers la langue d’une immense partie de leurs fans, voire de la ville de leur équipe, ce serait la moindre des choses.



Je sais que la question fait des allers-retours dans les chroniques des journalistes sportifs préoccupés par le fait français. Oui, il y en a. Et pas que des francophones! En visant le capitaine Shea Weber, la vedette des buts Carey Price et Brendan Gallagher – Price et Gallagher étant des Canadiens nés dans l’Ouest qui n’ont jamais joué ailleurs qu’à Montréal –, le chroniqueur anglophone bilingue Brendan Kelly, du quotidien The Gazette, soutenait lundi sur les ondes du 98,5 FM, en lien avec sa chronique What the Puck, que les leaders non francophones de la formation devraient savoir s’exprimer minimalement en français. Pas un joueur de quatrième trio appelé à partir au bout de quelques mois, on s’entend là-dessus, mais bien les meneurs de la formation. Bien sûr qu’ils le devraient, ça me semble évident, même si l’obligation d’apprendre les bases de la langue française ne pèserait pas lourd dans la balance lors des négociations, je m’en doute bien…

Cher Ken

Il rappelait aussi la présence tout en français de Ken Dryden, ancien gardien de but de hockey, membre du Temple de la renommée du hockey, devenu avocat, auteur et député du Parti libéral du Canada, qui, le 3 novembre dernier, était de passage à Tout le monde en parle pour évoquer la biographie qu’il vient d’écrire sur l’ex-entraîneur du CH Scotty Bowman (Scotty, une vie de hockey d’exception). À la fin de l’entretien, Guy A. Lepage a même félicité Dryden, rappelant qu’en arrivant de l’Ontario pour jouer à Montréal, il avait décidé d’apprendre le français et de faire ses entrevues dans cette langue. Quarante ans plus tard, retourné vivre en Ontario, il revient et parle toujours en français.

Photo: Facebook HockeyTickets.ca

«Bonsoir, Montréal», «Ça m’a fait plaisir», «Je suis heureux», «Je suis fâché», «On a fait notre gros possible», «Tir de barrage», «J’ai envie d’une bonne poutine»… Allô, la Terre! Ça ne prend pas un doctorat en français pour pouvoir entrer des mots-clés dans une tête de jeune homme. Quand on sait patiner comme eux, qu’on apprend des stratégies de jeu, on devrait pouvoir sortir de son suit de hockey ces petits mots crayonnés sur un bout de papier quand vient le temps de faire des entrevues en direct sur la patinoire, non?

Bien que je sache, à mon immense désarroi, qu’il est possible pour n’importe quel anglophone de passer sa vie à Montréal et ailleurs au Québec sans jamais prononcer un traître mot de français, au Québec, faire l’effort, c’est pas mal gagnant, respectueux, avisé, poli envers les francophones d’ici qui bavent d’admiration sur leur siège hors de prix ou devant l’écran de leur téléviseur. Cette marque de savoir-vivre devrait d’ailleurs faire partie du devoir professionnel de n’importe quel individu qui travaille au Québec, voire qui collabore avec des Québécois dont plusieurs s’efforcent, eux, de parler anglais.

On est tous gênés

Qu’on ne me sorte pas l’argument que certains d’entre eux respecteraient trop notre langue pour la massacrer (je l’ai entendu…), je n’y crois pas un seul instant. Je ne suis pas gênée, moi, vous croyez, orgueilleuse comme mille, quand je cherche mes mots en anglais, emmêlée dans mes temps de verbe, obsédée à l’idée d’avoir l’air cocotte en exprimant mal ma pensée dans cette seconde langue apprise à l’école? Récemment, j’ai même pris des leçons privées d’anglais pour favoriser mes échanges dans un contexte professionnel.

Pour en revenir aux mecs du CH, au prix qu’ils sont payés pour jouer, ce serait tellement normal de prononcer deux ou trois mots de politesse qui susciteraient le contentement de tout le monde. Oui, je sais, mon argument concernant leur satané salaire tient du cliché, mais chaque fois que j’entends ou que je lis le montant qu’ils sont payés, je bondis. Que dire de l’importance nationale démesurée qu’on accorde à ce sport…? Pour vrai, je ne comprends pas que l’apprentissage du français – langue de Guy Lafleur, Maurice Richard, Jean Béliveau – ne soit pas davantage dans les préoccupations du CH après, bien sûr, l’excellence du jeu.

Embaucher un enseignant, fournir des manuels d’apprentissage, insérer ici et là des chansons de Louis-Jean Cormier ou des sœurs Boulay avant, après, pendant les pratiques, c’est trop demander? Je verrais bien Biz donner des leçons d’histoire nationale aux joueurs, ils aimeraient ça, j’en suis sûre. J’irais bien leur parler de nos grands écrivains, leur prêter des livres de ma biblio… OK. Je rêve. Ai-je le droit d’espérer mieux pour ma province, ma ville et ma langue? Je suis sûre que si le CH prenait la puck, les joueurs compteraient encore plus de buts, ne serait-ce que notre reconnaissance éternelle. Come on guys, in french! In french! In french!

Je craque pour…

Je sais qu’il y a beaucoup de passionnés d’histoires criminelles dans la salle. J’ai une précieuse suggestion à vous faire.

Photo: Facebook Synthèses

Pour sa deuxième saison (la première étant consacrée à l’affaire Valérie Leblanc), le balado de QUB radio «Synthèses», orchestré par les talentueux Julien Morissette à la réalisation et Boris Proulx comme journaliste, s’intéresse en cinq épisodes à l’affaire non résolue du meurtre de Louise Chaput, une psychologue sherbrookoise de 52 ans qui, le 15 novembre 2001, était partie seule faire de la randonnée au mont Washington. Inanimé, son corps avait été retrouvé une semaine plus tard, tout près d’un sentier boisé…

Le duo décrypte méticuleusement l’affaire, avec un profond respect pour la victime et les proches. Un nouveau rendez-vous sera disponible chaque mardi. C’est captivant, le résultat de leur prise en charge de l’affaire est de la haute voltige.