La chronique Société et Culture avec Claudia Larochelle

Auteur(e)

Claudia Larochelle

Claudia Larochelle est auteure (Les bonnes filles plantent des fleurs au printemps, Les îles Canaries, Je veux une maison faite de sorties de secours - Réflexions sur la vie et l'oeuvre de Nelly Arcan, la série jeunesse à succès La doudou, etc.) et journaliste spécialisée en culture et société. Elle a animé pendant plus de six saisons l'émission LIRE. Elle est chroniqueuse sur ICI Radio-Canada radio et télé et signe régulièrement des textes dans Les Libraires et Elle Québec. Elle est titulaire d'un baccalauréat en journalisme et d'une maîtrise en création littéraire. On peut la suivre sur Facebook et Twitter @clolarochelle.

Avez-vous fait votre deuil?

Dans son nouveau livre Et vous avez eu beau temps?, l’auteur français Philippe Delerm décrypte sous forme de courts textes la perfidie ordinaire de plusieurs petites phrases énervantes. 



«Bonjour, Monsieur Arcand, vous allez bien?» Ça m’agace toujours quand j’entends un invité entamer sur cette question un dialogue avec un animateur radio dans une entrevue en direct. Comme si Paul Arcand, déjà peu bavard sur sa vie privée, allait se mettre à répondre en ondes que non, ça ne va pas fort, que son chien a mauvaise mine, que sa compagne lui fait la gueule ou que son char n’a pas démarré ce matin. Paul Arcand aussi, ça semble l’agacer parce qu’il répond toujours un oui très très empressé avant de passer aux vraies affaires. Dans son nouveau livre Et vous avez eu beau temps?, qui paraît ces jours-ci au Québec, l’auteur français Philippe Delerm décrypte sous forme de courts textes la perfidie ordinaire de plusieurs de ces petites phrases énervantes prononcées à la télé ou à la radio comme par tout le monde au quotidien. 

Parmi celles que je «préfère» et dont l’auteur témoigne, exaspéré, notons «Il va pouvoir faire son deuil». Aux nouvelles du soir, quand on retrouve le corps d’une personne disparue, le journaliste affirme que «les proches de la victime vont pouvoir faire leur deuil». «Comme si l’acharnement à retrouver trace débouchait mécaniquement sur une possibilité de sérénité retrouvée, écrit Delerm. La société entière souscrit à ce programme collectivisé. Cet accompagnement forcé a quelque chose d’obscène. Car on est toujours seul en face de la mort de ceux qu’on aime. Et s’il y a vraiment deuil, on a le droit de ne jamais le faire», poursuit-il.

Concernant les phrases qu’on prononce pour se déprendre d’une situation en toute politesse, il y a «Ça finit quand?». Votre ami encense la dernière expo présentée au Musée des beaux-arts de Montréal, il ne vous lâche pas la grappe à ce sujet et va jusqu’à dire qu’il a pensé à vous en la voyant, qu’il vous faut y aller. Vous, sachant un peu de quoi il s’agit, plutôt que de lui répondre «Bof, ça ne m’inspire pas, merci», vous y allez avec la formule creuse de politesse souvent prononcée dans ces cas-là «Ça finit quand?». S’il reste quelques jours et plus, «vous avez bien le temps». «Bien le temps d’oublier en toute mauvaise bonne foi cette demi-promesse accordée dans l’urgence… », souligne Delerm.alt="et-vous-eu-beau-temps"

Quand ça fait mal

Au rayon de la fausse gentillesse, notons aussi «Pour être tout à fait honnête avec toi… ». Ouch. Ça ne commence jamais bien une discussion, ça augure même plutôt mal. Il m’apparaît clair qu’on s’apprête à vous confier un truc pas trop gentil «[…] et on tient à vous annoncer que vous devrez manifester quand même de la gratitude, puisqu’on aura poussé la sincérité jusqu’au tout à fait », estime-t-il. C’est trop gentil d’avoir été honnête, merci. Maintenant, je me cache où pour pleurer?

Une autre expression qui peut faire grincer les dents de certains: «J’dis ça, j’dis rien.» Vous ne dites pas rien puisque vous venez de dire ce que vous aviez envie de dire, vous ne vous êtes même pas retenu! AAAaaarrrggghhhhh. «Ça vient un peu comme un pardon après un renvoi ou une flatulence», avoue l’auteur de ces étranges instantanés littéraires qui font pas mal jaser dans l’Hexagone.

Le «En même temps, je peux comprendre» entre aussi dans cette catégorie d’expressions utilisées pour se soulager la conscience en étant faussement gentil. «Comment peut-on être en même temps?», questionne Delerm. La personne peut comprendre, mais Dieu qu’elle, elle, ne se serait pas mis les pieds dans les mêmes plats. Or, comme elle est bienveillante, elle peut se mettre dans vos bottines. Il y a quelque chose de dominant dans cette phrase, vous ne trouvez pas? Le paradis des phrases assassines est vaste et la modération de leur emploi a bien meilleur goût. Est-ce qu’on peut dire ça? Vraiment, la modération a meilleur goût? Modérer ses transports est donc mieux que l’exagération? Pas sûre de ça. Pensez juste au chocolat ou au sexe. Ok, j’arrête, car c’est sans fin. Bien que dans cet ouvrage plusieurs expressions soient très françaises, voire régionales, peu ou pas du tout utilisées au Québec, on abuse tous de ces phrases, pour le meilleur et pour le pire. 

Je craque pour… David Letterman en six épisodes sur Netflix.

Le très célèbre présentateur américain David Letterman est enfin sorti de sa retraite, le temps de présenter à la télé une série d’entrevues diffusées chaque mois jusqu’en juin 2018.

Dans le cadre d’une émission intitulée Mon prochain invité n’est plus à présenter, l’homme d’expérience, qui peut recevoir à peu près n’importe qui sur la planète, a débuté en grand vendredi dernier avec Barack Obama, qui accorde sa première rencontre télé depuis son départ de la Maison-Blanche. C’est fort, franc, sincère. Sans vouloir trop en révéler, il a préféré parler de Prince plutôt que de Trump…

George Clooney, Malala Yousafzai, Jay-Z, Tina Fey et Howard Stern feront partie des autres invités. Un grand coup de Netflix.