La chronique Société et Culture avec Claudia Larochelle

Auteur(e)

Claudia Larochelle

Claudia Larochelle est auteure (Les bonnes filles plantent des fleurs au printemps, Les îles Canaries, Je veux une maison faite de sorties de secours - Réflexions sur la vie et l'oeuvre de Nelly Arcan, la série jeunesse à succès La doudou, etc.) et journaliste spécialisée en culture et société. Elle a animé pendant plus de six saisons l'émission LIRE. Elle est chroniqueuse sur ICI Radio-Canada radio et télé et signe régulièrement des textes dans Les Libraires et Elle Québec. Elle est titulaire d'un baccalauréat en journalisme et d'une maîtrise en création littéraire. On peut la suivre sur Facebook et Twitter @clolarochelle.

Égalité pour les femmes en création, on repassera…

Nous sommes en 2016. On compte 51% de femmes au Québec. Elles ont le droit de vote ici depuis 1940 (je sais, c’est tard). Une femme, Hillary Clinton, se présente à la présidence des États-Unis. Il y a plus d’étudiantes que d’étudiants dans les facultés de médecine de nos universités canadiennes. Des femmes de chez nous sont à la tête d’entreprises comme Gaz Métropolitain et Desjardins. En somme, on pourrait croire qu’il y a, même si la bataille pour l’égalité entre les sexes est loin d’être remportée, un semblant d’avancées... Parfois. Or, dans un secteur supposément ouvert, dynamique et à l’avant-garde comme celui de la culture, peu de femmes, voire pratiquement aucune dans certaines disciplines, créent l’imaginaire collectif québécois et canadien. C’est du moins ce qui ressort d’une importante étude réalisée le 19 mai dernier avec des représentantes de 12 associations professionnelles de créateurs et créatrices du domaine culturel québécois.

Seulement 29% de voix féminines



Organisé par les Réalisatrices équitables, un groupe de pression composé de réalisatrices de cinéma et de télévision ayant comme principal objectif d’atteindre l’équité pour les femmes dans le domaine de la réalisation au Québec, l’étude et ses résultats ont de quoi faire sursauter. Débutons avec le secteur du théâtre. En tenant compte qu’il y a 40% d’auteures membres de l’Association québécoise des auteurs dramatiques (AQAD) et du Centre des auteurs dramatiques, comment se fait-il que sur 1600 productions recensées, seulement 29% des textes joués soient écrits par des femmes? Comment se fait-il aussi que dans le monde de la publicité, pour le groupe d’âge des 45 ans et plus, les femmes membres de l’UDA ne représentent que 38,3% des artistes ayant obtenu un rôle pour une pub?

En cinéma, par exemple, secteur qui nous fait rayonner par-delà nos frontières, pourquoi lorsqu’il s’agit des scénarios de films qui se rendent à l’étape de la production, 77% de ceux-ci ont été écrits par des hommes, 7% par des équipes mixtes et… seulement 16% par des femmes? En télévision, deux fois plus de réalisateurs (31%) que de réalisatrices (16%) gagnent 80 000$ et plus. Euh…

Du côté des auteurs en fiction, poésie et essais, ce n’est pas plus rose… Bien qu’il n’existe pas d’étude sur la perception et le jugement des œuvres des écrivaines par les jurys, notons les conclusions de cette expérience faite par Catherine Nichols qui a sollicité 50 agents littéraires sous son nom, puis sous un pseudonyme masculin… Sous son vrai nom, deux réponses ont été positives contre 17 sous son pseudonyme. Tiens, tiens… En arts visuels, rien de parfait non plus. Sur le plan de la diffusion, les œuvres de femmes artistes sont autant exposées que celles des hommes, mais elles vendent presque deux fois moins que les hommes (7,8 contre 14), révèle également le bilan. Alarmant constat, n’est-ce pas? Et c’est sans compter les données recensées liées aux secteurs de l’humour (un boys club indécrottable), des jeux vidéo, des arts médiatiques, des auteurs-compositeurs, des métiers de l’image et du son, de l’écriture en télé, de la réalisation au cinéma, etc.

Elles sont là, bien présentes, présentables, géniales

Et que personne ne vienne dire que les femmes sont moins représentées que les hommes. Les chiffres officiels du rapport contredisent cette logique dans la plupart des secteurs, notamment auprès des associations professionnelles et des finissants des programmes d’études spécialisées en arts et culture. Bien sûr, ça ne va pas que mal. Des groupes de parité ont été instaurés, ainsi que des mesures plus draconiennes pour améliorer le sort des femmes en culture. Par exemple, l’ONF a promis en mars dernier d’accorder la parité hommes/femmes dans le choix des projets et dans l’attribution des budgets. Pour sa part, la DG de Téléfilm Canada, Carole Brabant, s’est engagée publiquement à trouver des solutions pour atteindre l’équité.

Mais d’ici là, ces révélations sont frappantes dans un monde culturel québécois doté de talents à la Micheline Lanctôt, Léa Pool, Sophie Deraspe, Isabelle Langlois, Sophie Lorrain, Marie Hélène Poitras, Anaïs Barbeau-Lavalette, Brigitte Haentjens, Brigitte Poupart, Manon Barbeau, Dominique Goupil, Fanny Britt, et j’en passe tellement; de ma génération, de petites jeunesses et des plus âgées qui ont mon admiration pour tout ce qu’elles créent; fonceuses, rebelles, fortes, déterminées, sensibles, visionnaires, etc.

Se priver d’elles, les plus connues, mais aussi de leurs paires qui le sont moins en méritant tout autant d’être vues, lues et entendue que les messieurs, c’est ne pas voir ce que la moitié de la société québécoise pense, réfléchit et observe. C’est donc envoyer un message erroné ou incomplet aux enfants, adolescents et adultes qui ont droit à un accès diversifié et total à la culture qui les représente ici, et qui nous fait voir ailleurs dans le monde où le Québec rayonne, éblouit, fait faire des petits.

Sous l’appellation Coalition pour l’égalité hommes femmes en culture, les participantes à cette étude initiée par Réalisatrices équitables poursuivront leurs actions et ont déposé des recommandations claires auprès d’instances gouvernementales clés. Que les réponses viennent, que les retombées soient tangibles. En attendant, il y a ces données sur lesquelles méditer en essayant de demeurer zen.

Je craque pour...

alt="rosemary-enfant-cachait"Le document biographique Rosemary - L’enfant que l’on cachait, de Kate Clifford Larson, éditions Les Arènes

Plusieurs ignorent l’existence de Rosemary Kennedy au sein du célèbre clan Kennedy. L’aînée des sœurs du futur président John Fitzgerald Kennedy et première fille de Rose et Joe a longtemps été cachée durant l’enfance et l’adolescence en raison d’une plus grande lenteur d’esprit que les autres de la famille, tous fort doués et performants. Or, c’est surtout à partir de 1941, après qu’une lobotomie lui ait fait perdre l’usage du physique et de la tête, qu’elle disparaît carrément du portrait familial... Triste destin que celui de la pétillante jeune femme, la plus belle du clan selon plusieurs, qui connut un sort relaté pour une rare fois par Kate Clifford Larson, une historienne américaine qui a mené une recherche exhaustive et rigoureuse afin de déterrer des secrets à donner froid dans le dos.