La chronique Société et Culture avec Claudia Larochelle

Auteur(e)

Claudia Larochelle

Claudia Larochelle est auteure (Les bonnes filles plantent des fleurs au printemps, Les îles Canaries, Je veux une maison faite de sorties de secours - Réflexions sur la vie et l'oeuvre de Nelly Arcan, la série jeunesse à succès La doudou, etc.) et journaliste spécialisée en culture et société. Elle a animé pendant plus de six saisons l'émission LIRE. Elle est chroniqueuse sur ICI Radio-Canada radio et télé et signe régulièrement des textes dans Les Libraires et Elle Québec. Elle est titulaire d'un baccalauréat en journalisme et d'une maîtrise en création littéraire. On peut la suivre sur Facebook et Twitter @clolarochelle.

La belle désinvolture de Céline Dion

Levez la main si vous assistiez à l'un des événements suivants la fin de semaine dernière?

Quoi!?!? Vous n’étiez nulle part? Mais… Mais… Mais… Vous n’avez pas de vie! Surtout si vous couriez après vos enfants/petits-enfants qui, eux, couraient après des Pokémons! Oh, si vous regardiez la série Stranger Things sur Netflix, vous êtes tout pardonné.

Je blague, bien sûr. Mais avouons quand même que les réseaux sociaux, qui diffusent à la vitesse grand V photos et occupations de gens bronzés et souriants, peut donner l’impression à certains internautes de ne pas être dans le coup ou de manquer quelque chose. C’est niaiseux, peut-être, mais c’est ainsi que se sentaient plusieurs. À moins que d’être couchée sur le dos devant le ventilateur telle une parturiente suante qui attend son baleineau dû pour la fin octobre soit une bonne excuse…

Céline et sa recette



À choisir, je pense que j’aurais préféré être au Centre Bell avec le gratin. Pas pour les vedettes québécoises qui y assistaient, mais pour Céline. J’aime Céline. Je ne suis pas une fan, mais je trouve qu’elle a un talent certain, quelque chose d’assumé et d’attachant. Une belle désinvolture aussi, qui rappelle que c’est bon de cultiver le «je fais ce qui me plaît, certes, mais en respectant toujours ceux qui me témoignent respect et qui payent des fortunes pour venir me voir sur scène.»

Photo: Facebook Céline Dion
Photo: Facebook Céline Dion

Je ne rigole pas au sujet des handicapés, je ne casse pas de raquette, mais je fais une longue conférence de presse d’après spectacle en pyjama sans critiquer les journalistes présents, même s’ils me posent souvent les mêmes questions convenues… On ne réinvente pas la roue, que voulez-vous?

C’est vrai, Céline Dion n’a plus 20 ans, elle a pu apprendre de ses erreurs. C’est vrai, elle est devenue maman, elle a connu des deuils importants. Bien qu’elle vive en étant constamment scrutée à la loupe alors que ça doit être dérangeant de ne pas pouvoir renifler en public sans que ça fasse la une des tabloïds, vous imaginez... Comment elle fait pour rester la Céline qui garde cette allure désinvolte sans même la faire craquer un peu?

Parce que sa désinvolture à elle précisément, ce n’est pas du toc, c’est de l’or pur. Cette désinvolture, ce n’est même pas celle des bums de la chanson, ni celle des bébés gâtés de Westmount, c’est la désinvolture hybride entre l’enfant candide de Charlemagne et quelqu’un qui aurait vu neiger mille fois.

Parlant d’or, c’est sûr, elle roule dessus et, si l’argent ne change pas le monde, on ne se racontera pas d’histoire ici, ça aide en maudit à mieux faire passer les petits et grands bobos… Mais des gens très riches qui font des conneries, il y en a des tonnes. Comment fait-elle, elle, pour rester digne, sans jamais commettre la moindre petite frasque, un petit drame de mœurs, une liaison, un faux-pas financier, une robe jugée trop sexy, un conducteur de limo porté sur la bouteille? Il doit bien y avoir un bout de la couverture qui retrousse…  Rien. Juste une désinvolture gratuite qu’on admire de loin et qui la rend imparfaite. Un type d’imperfection très rare qui ne dérange, ni ne froisse personne dans sa morale ou ses valeurs. Je pense que c’est ce qui la protège et conserve intact son aura de star. On serait à sa place, et on se casserait peut-être la «marboulette». Céline est une parfaite imparfaite et se coller à elle, c’est espérer un peu s’en imprégner, lisser par procuration nos bouts de couverture qui retroussent en fredonnant au passage – ou pas – L’amour existe encore.

De Marie-Antoinette à Céline…

Une totale parfaite imparfaite qui s’est cassée la «marboulette» en allant jusqu’à se la faire couper trois siècles avant Céline, c’est Marie-Antoinette, dont j’ai dévoré cette fin de semaine un roman plutôt biographique de Christine Orban à son sujet et intitulé Charmer, s’égarer et mourir.

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«On pardonne peu aux personnes gâtées. Marie-Antoinette l’était, par la nature, sa naissance, son mariage, et comme le dit Montesquieu: «Nous croyons toujours les autres plus heureux qu’ils ne le sont.», lit-on sous la plume de Orban. «Marie-Antoinette aurait mieux fait d’afficher sa vérité pour être moins détestée. Les raisons de la plaindre ne manquaient pas… »

Orban ajoute avec justesse que Marie-Antoinette est LA première «star» d’une longue lignée dont fait partie Céline Dion. Elle rappelle au passage le cas célèbre de Marilyn Monroe, qui a, tout comme Marie-Antoinette, été victime de sa sensibilité, complexité et légende. Toutes deux sont mortes incomprises, enfermées dans leur apparence; la première à 37 ans en 1793, l’autre à 36 en 1962.

Céline Dion échappera toujours à l’enfermement, et c’est tant mieux. Elle nous rassure et ne nous dérange pas vraiment, elle vit loin de chez nous, nous fait rayonner partout dans le monde, ce qui nous enorgueillit et ne jouera jamais dans nos petites bibittes intérieures en faisant la démonstration d’une trop grande beauté ou de richesses ostentatoires. Contrairement à la trop exubérante Marie-Antoinette ou la trop belle Marilyn, Céline c’est la fille d’à-côté qui a réussi et qui nous rappelle en venant au Centre Bell que l’étoile est encore accessible.

JE CRAQUE POUR…

La 14e édition des Correspondances d’Eastman du 4 au 7 août.

Photo: Facebook Les Correspondances d'Eastman.
Photo: Facebook Les Correspondances d'Eastman.

Bien sûr, pour être bien honnête avec vous, j’y serai à titre d’auteure et d’animatrice, alors je n’ai pas beaucoup d’objectivité. Par contre, je sais une chose : c’est très rare de pouvoir rencontrer dans l’intimité des écrivains et poètes d’ici qu’on aime et qui nous inspirent.

Patrick Senécal, Francine Ruel, Dominique Fortier, Martine Delvaux, Perrine Leblanc, Daniel Grenier, Anaïs Barbeau-Lavalette, Elsa Pépin, Tristan Malavoy, Marc Séguin, Samuel Archibald, Kim Thuy, Élise Turcotte, Carole David… Ateliers d’écriture, rencontres et lectures publiques sont au programme, ainsi que des activités pour les plus petits. Quand vous verrez le cadre enchanteur, vous ne voudrez plus en repartir.