La chronique Société et Culture avec Claudia Larochelle

Auteur(e)

Claudia Larochelle

Claudia Larochelle est auteure (Les bonnes filles plantent des fleurs au printemps, Les îles Canaries, Je veux une maison faite de sorties de secours - Réflexions sur la vie et l'oeuvre de Nelly Arcan, la série jeunesse à succès La doudou, etc.) et journaliste spécialisée en culture et société. Elle a animé pendant plus de six saisons l'émission LIRE. Elle est chroniqueuse sur ICI Radio-Canada radio et télé et signe régulièrement des textes dans Les Libraires et Elle Québec. Elle est titulaire d'un baccalauréat en journalisme et d'une maîtrise en création littéraire. On peut la suivre sur Facebook et Twitter @clolarochelle.

Crise des médias: qu’en est-il des journalistes?

En marge de la crise que traversent les médias depuis un bon moment – avec plus de 16 000 emplois perdus ces dernières années dans ce secteur au Canada et les difficultés financières du Groupe Capitales Médias –, il est beaucoup question des entreprises de presse, d’acheteurs potentiels, de mesures gouvernementales d’urgence, mais qu’en est-il des journalistes eux-mêmes, des individus qui exercent cette profession, plusieurs depuis très longtemps, plusieurs après avoir étudié dans ce domaine, après y avoir cru, mis du cœur, de la rigueur, de la sueur?



Il fut un temps pas si lointain où nous n’accédions pas à ces fonctions de pouvoir – le quatrième – sans y avoir mis d’interminables heures d’efforts pour sortir du lot dans l’hyper contingentement du milieu, sans rabrouements (et conseils), balancés parfois sans gants blancs, de supérieurs, sans persévérance, audace, révisions, précisions, etc.

Et que dire des femmes devenues journalistes «à la dure»? Je pense à Judith Jasmin, qui n’est pas qu’un pavillon à l’UQAM…, mais aussi à la fabuleuse Américaine Nellie Bly, pionnière du reportage clandestin qui a réalisé, seule, un tour du monde en 72 jours à la fin du 19e siècle! Dire qu’elle a aussi fait semblant de souffrir de troubles mentaux pour être internée et ainsi pouvoir dénoncer les dérives du système de santé à l’endroit des malades… Plus ça change…

C’est beaucoup pour ça qu’on devient journaliste: pour éclairer, montrer, dénoncer. Pour rendre compte de faits, d’affaires qui ne seraient jamais déterrées sans l’acuité journalistique – pensons juste au mouvement #MeToo –, pas pour se servir des faits comme prétextes pour se mettre d’abord à l’avant-plan sur les très accessibles blogues ou réseaux sociaux, obsédé par l’idée de gagner des suiveux, puis des accès privilégiés partout et des gratuités, comme une course en taxi 

Photo: Pixabay

Profession: journaliste

De grâce, cessons de confondre journalistes avec blogueurs, instagrameurs ou veudettes qui s’expriment sur tout et rien en devenant chroniqueurs d’humeur sans aucune crédibilité. Plus on s’emmêle dans nos pinceaux, moins on considère le journaliste pour ce qu’il est: un professionnel de l’information avec une déontologie.

Il ne suffit pas de faire quelques blagounettes ou de montrer ses beaux cheveux à la caméra. Les journalistes n’obtiennent rien gratuitement et ne cherchent pas la lumière à tout prix. D’ailleurs, les pigistes sont payés au même tarif qu’il y a vingt ou trente ans (je ne comprends pas pourquoi on laisse ça passer sans donner de pénalités aux médias qui ne se conforment pas à une certaine éthique, voire à un respect du travail…) et, on le voit bien, les tribunes où ils peuvent s’exprimer disparaissent ou menacent dangereusement de le faire. Pas étonnant que l’on compte la moitié moins d’étudiants en journalisme aujourd’hui à l’Université de Montréal qu’en 2010.

Si notre ère a vu apparaître de nouveaux maux, comme l’écoanxiété, j’irais jusqu’à penser qu’on assiste aussi à la naissance de l’infoanxiété. Pas seulement par crainte d’être privé de nouvelles ou de manquer LA nouvelle, mais aussi par peur de voir la profession s’étioler comme peau de chagrin. Il m’apparaît impensable de vivre dans un monde sans une information de qualité offerte par de VRAIS journalistes. Le nombre de sapins qu’on se ferait passer… Avant même la Confédération, la classe politique reconnaissait le rôle clé des journalistes dans la vie démocratique du pays naissant.

Le réseau social Facebook confirmait le 20 août sur sa plateforme qu’il prévoyait embaucher des journalistes pour alimenter son espace «Actualités» en présentant les principales nouvelles de la journée. Une autre partie du contenu sera quant à elle choisie par ses «fabuleux» algorithmes qui semblent si bien nous deviner…

La Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) rappelle sur son site que ce sont les médias qui produisent le contenu journalistique, pas Facebook ni Google. Si des médias disparaissent, c’est le public qui sera privé de ces sources d’information. La société québécoise ne peut se passer de l’information produite par les quotidiens. La FPJQ considère donc que c’est toute la société qui doit se mobiliser pour les sauver. Alors, on commence par où? Je veux bien que le gouvernement ou des entreprises prennent des mesures pour mettre les médias menacés sous respirateurs artificiels, mais il n’en demeure pas moins que c’est le rôle déterminant de la profession qui est incompris et bafoué en subissant les variations et lois du marché actuel, en mutation certes, mais qui ne doit pas pour autant être pris à la légère. 

Je craque pour…

En voulez-vous, de vrais de vrais journalistes? Sur ICI Première, l’animatrice Marie-Louise Arsenault a réalisé une série d’entrevues avec celles et ceux qui font la nouvelle, qui excellent à leur manière. C’est succulent. Enfin autre chose que des entrevues avec les mêmes dix comédiens menées de la même manière par les mêmes animateurs-vedettes… À écouter: Céline Galipeau, Christine Ockrent, Francine Pelletier, Bertrand Raymond, Michel C. Auger, Chantal Hébert, Isabelle Richer…

Photo: Facebook Isabelle Richer