La chronique Culture avec Claude Deschênes

Auteur(e)
Photo: Martine Doucet

Claude Deschênes

Claude Deschênes collabore à Avenues.ca depuis 2016. Journaliste depuis 1976, il a fait la majeure partie de sa carrière (1980-2013) à l’emploi de la Société Radio-Canada, où il a couvert la scène culturelle pour le Téléjournal et le Réseau de l’information (RDI). De 2014 à 2020, il a été le correspondant de l’émission Télématin de la chaîne de télévision publique française France 2.On lui doit également le livre Tous pour un Quartier des spectacles publié en 2018 aux Éditions La Presse.

Three Little Words, l’album jaune de Dominique Fils-Aimé

Après Nameless, un disque bleu sorti en 2018, et Stay Tuned!, un disque rouge paru en 2019, la Montréalaise Dominique Fils-Aimé boucle une trilogie en lançant cette semaine Three Little Words, un album jaune qui figurera, j’en suis persuadé, parmi les enregistrements majeurs de l’histoire de la musique québécoise. Comme le Jaune de Jean-Pierre Ferland paru il y a 50 ans.



Oui, Three Little Words de Dominique Fils-Aimé a tout ce qu’il faut pour à la fois marquer son époque et demeurer éternel.

Musicalement, le disque emprunte par moment à l’esthétique soul des années 1950. Si vous avez aimé le style doo-wop, vous claquerez des doigts et roulerez des hanches avec Grow Mama Grow, While We Wait ou You Left Me… qui sont déjà comme des classiques.

D’autres pistes sont dans la veine pop, style Adele, R&B, couleur Sade, ou carrément d’inspiration africaine. Dominique Fils-Aimé intègre tous ces courants et en fait sa chose musicale grâce à une voix qu’elle module à sa guise selon l’univers qu’elle veut créer.

Three Little Words de Dominique Fils-Aimé a tout ce qu’il faut pour à la fois marquer son époque et demeurer éternel. Photo: Andréanne Gauthier

Dans la sombre époque qu’on vit, ce disque est comme une lumière, cette fameuse brèche en toute chose dont parlait Leonard Cohen. Il y a dans les mots de cette auteure-compositrice-interprète une charge émotionnelle puissante, mais tout en douceur, qui réconforte, encourage, pousse à faire mieux, à être solidaire.

Dominique Fils-Aimé s’inspire de sa condition de femme noire. Et en 2021, comme la poétesse Amanda Gorman, qui a brillé lors de l’investiture du président Joe Biden en janvier dernier, c’est l’espoir, la résilience, la confiance qu’elle choisit de chanter. «L’amour comme fondement de l’expérience humaine et de l’énergie qui nous unit tous», dit-elle. Tout ça exempt de morale, à mille lieues du prêchi-prêcha.

Dans la sombre époque qu’on vit, le disque de Dominique Fils-Aimé est comme une lumière, cette fameuse brèche en toute chose dont parlait Leonard Cohen. Photo: Andréanne Gauthier

Avant de faire carrière en musique, Dominique Fils-Aimé a travaillé en relation d’aide. Les motifs qu’elle développe dans ses textes, qui s’apparentent parfois à des mantras, ont une portée universelle, comme en témoignent ces quelques phrases tirées de ses chansons, et maladroitement traduites par moi:

«C’est le temps de contribuer à faire bien les choses. Bâtissons des empires. Grow mama grow, grow mama grow.» (Grow Mama Grow)

«Nous sommes la lumière, nous sommes le changement. Give it all you got. Give it all you got.» (We Are Light)

«Comment allons-nous? Je peux dire qu’on avance. L’amour permet aux rêves de transformer les lieux. Come home to me. Come home to me.»(Come Home To Me)

«Guéris avec moi, tout ira bien. Respire avec moi, tout ira bien. Feel your heart beat. Fell your heart beat.» (The Healing Song)

Après ça, on n’est pas surpris de la voir clore son disque avec Stand By Me, magnifique hymne païen à la solidarité, popularisé par Ben. E. King dans les années 1960. Sa version est particulièrement réussie.

C’est avec Love Take Over que j’ai fait un rapprochement avec le disque Jaune de Jean-Pierre Ferland. Cette chanson m’a rappelé Le chat du café des artistes. Après, je n’ai cessé de voir, hormis la couleur de leurs pochettes respectives, des similitudes entre ces deux enregistrements. Bien qu’ils soient très différents l’un de l’autre, on y retrouve la même présence vitale de la basse (son Tony Levin à elle s’appelle Jacques Roy, qui agit également comme réalisateur, arrangeur et ingénieur sonore), l’utilisation judicieuse des cuivres, le rôle des chœurs (c’est elle qui fait toutes les voix, elle est hallucinante!), la qualité irréprochable de la production (enregistrée au studio Opus à L’Assomption). J’ai même réalisé que Ferland a fait Jaune à 36 ans, l’âge qu’a aujourd’hui Dominique Fils-Aimé, ce qui explique la grande maturité de cette artiste qui n’est pourtant qu’au début de sa carrière.

Un lancement virtuel du disque Three Little Words aura lieu le samedi 13 février à 15h sur le site Bandcamp au coût de 12,75$. Pour y accéder, cliquez ici.

Si la Santé publique finit par permettre l’ouverture des salles de spectacles, Dominique Fils-Aimé pourra entamer en mars une tournée qui la mènera à Lac-Mégantic, Drummondville, Sorel-Tracy, Gatineau, Sherbrooke, Cowansville, Sainte-Thérèse, Québec, Montréal et Saint-Hyacinthe.

Un dernier mot sur Three Little Words pour dire que le titre est un clin d’œil à 13 chansons du disque qui ont chacune un titre composé de seulement trois petits mots.

Igloofest quand même, et gratuit!

Qui aurait dit ça un jour? Cette année, Igloofest se transporte dans votre salon. À cause de la pandémie, le festival le plus froid au monde n’a eu d’autres choix que d’opter pour une version virtuelle. Ça commence ce samedi avec le DJ Cri.

Je vous en parle parce que c’est une occasion de découvrir ce musicien montréalais dont le plus récent disque, Juvénile, est tout simplement emballant. Cri (Christophe Dubé) fait une musique électronique dansante et planante absolument irrésistible comme en témoigne Signal, une pièce réalisée en collaboration avec Daniel Bélanger.

La prestation de Cri sera offerte gratuitement sur Facebook et YouTube, en direct de La Ronde à compter de 18h.

Cette édition spéciale d’Igloofest se poursuivra jusqu’au 13 mars avec des spectacles gratuits tous les samedis soirs.

Cartes blanches à Stéphane Tétreault et Lysandre Ménard

Pro Musica nous donne rendez-vous avec deux jeunes musiciens flamboyants autour de la musique de Robert Schumann (Fantasiestücke pour violoncelle et piano, op.73) et de Frédéric Chopin (Sonate pour violoncelle et piano en sol mineur, op. 65).

Les deux concertistes sont le violoncelliste Stéphane Tétreault et la pianiste Lysandre Ménard, deux artistes pour lesquels j’ai une grande affection. Ils sont nés tous les deux en 1993, comme mon fils. Qui plus est, Stéphane a étudié un temps à FACE, la même école à vocation artistique qu’a fréquentée mon garçon. Son talent était si manifeste que Yuli Turovsky, fondateur de l’orchestre I Musici, l’a pris sous son aile. Stéphane Tétreault est aujourd’hui un musicien accompli, lauréat de nombreux prix, qu’on retrouve souvent comme soliste dans des concerts dirigés par Yannick Nézet-Séguin, et qui a le privilège de jouer sur un Stradivarius que la mécène Jacqueline Desmarais lui a offert.

Pro Musica nous donne rendez-vous avec deux jeunes musiciens flamboyants autour de la musique de Robert Schumann et de Frédéric Chopin.

Lysandre Ménard, elle, a été un temps la blonde d’un ami de mon fils. J’entends encore son rire dans la maison, un pétillant qui tranchait, je trouvais, avec le sérieux de ses études de piano au Conservatoire de Montréal sous la supervision du grand pianiste André Laplante, qui était alors notre voisin. Elle m’a encore plus surpris lorsqu’elle a laissé momentanément ses études pour faire du cinéma. Rappelez-vous, c’est elle qui jouait le rôle d’Alice Champagne dans le film La passion d’Augustine de Léa Pool. Après avoir brillé au grand écran, Lysandre a poursuivi sa formation en piano à Londres à la Royal Academy of Music. De retour au Québec, elle partage son temps entre la musique classique et des projets personnels plus pop qu’elle mène entre autres avec Adèle Trottier-Rivard.

Le concert de Stéphane Tétreault et Lysandre Ménard a été enregistré en novembre dernier au Domaine Bavarois de Dunham. Il est offert en webdiffusion du 14 au 28 février. 20$.

Quand l’Orchestre symphonique de Laval joue les demandes spéciales de son public

Cette saison, l’Orchestre symphonique de Laval célèbre ses 35 ans d’existence. À l’automne, l’OSL devait présenter dans les cinémas du réseau Cinéspectacle trois concerts tournés durant l’été à l’Usine C. La pandémie a coupé court à ce projet, mais les films symphoniques ne dormiront pas pour autant sur les tablettes. Au cours des prochaines semaines, ils seront disponibles pour visionnement sur le web via le site Livetoune.

Depuis jeudi, et jusqu’au 23 février, on peut déjà acheter pour 15$ un concert intitulé Classiques à la demande. Le choix des œuvres a été fait par voie de suffrage auprès des abonnés. Ils ont choisi des œuvres qui plaisent: l’ouverture du Barbier de Séville de Rossini, Rhapsody in Blue de Gershwin, le deuxième mouvement de Shéhérazade de Rimski-Korsakov et des extraits de la Symphonie no 3 de Jacques Hétu.

La captation des images a été faite par Parce que films, une maison de production qui produit autant des films que des vidéoclips, alors que la prise de son est l’affaire de Troublemakers, une société montréalaise qui se spécialise dans l’enregistrement en mode «binaural». On m’a expliqué qu’il s’agit d’une technique de pointe, je cite: «qui consiste à capter les ondes sonores des instruments d’une manière à ce qu’elles soient restituées en intégralité à l’auditeur et que ce dernier soit en mesure de "construire" une image sonore aussi fidèle que s’il était au cœur de l’Orchestre lors d’un concert». Encore plus intense que si on est assis en salle, promet-on. L’effet serait même décuplé avec un casque d’écoute. Il semble bien que le son binaural soit quelque chose à essayer.

Karina Gauvin chante Bach, Haendel, Telemann

Le 3 février dernier, la soprano Karina Gauvin enregistrait avec le claveciniste Luc Beauséjour, le flûtiste Grégoire Jeay et la violoncelliste Amanda Keesmaat un concert à la salle Bourgie du Musée des beaux-arts de Montréal. On peut rattraper cette prestation sur le web jusqu’au 17 février. Le programme comprend entre autres des extraits du Petit livre d’Anna Magdalena Bach de J.S. Bach, ainsi que des compositions de Haendel et Telemann. Billet: 20$.

Photo: Michael Slobodian