La chronique Culture avec Claude Deschênes

Auteur(e)
Photo: Martine Doucet

Claude Deschênes

Claude Deschênes collabore à Avenues.ca depuis 2016. Journaliste depuis 1976, il a fait la majeure partie de sa carrière (1980-2013) à l’emploi de la Société Radio-Canada, où il a couvert la scène culturelle pour le Téléjournal et le Réseau de l’information (RDI). De 2014 à 2020, il a été le correspondant de l’émission Télématin de la chaîne de télévision publique française France 2.On lui doit également le livre Tous pour un Quartier des spectacles publié en 2018 aux Éditions La Presse.

Suggestions culturelles: salade de fruits, jolie, jolie

Le 22 mai dernier, la ministre de la Culture du Québec, Nathalie Roy, annonçait que le feu vert à la réouverture des musées avait été donné par la Direction de la santé publique. Voici comment cette première étape du déconfinement culturel se passera dans les grandes institutions muséales québécoises.



Le Musée des beaux-arts de Montréal partira le bal de la réouverture le 6 juin. Les visiteurs devront prendre rendez-vous. Les réservations pourront se faire en ligne dès mardi prochain, 2 juin. Il n'y a qu'une seule exposition à voir pour le moment, il s'agit de Momies égyptiennes : passé retrouvé, mystères dévoilés qui demeurera à l'affiche jusqu'au 28 juin. Vous pouvez trouver les détails de la nouvelle marche à suivre sur le tout nouveau site du MBAM. 

Quant à la date de la très attendue exposition Paris au temps du postimpressionnisme, elle sera annoncée prochainement, car le montage est déjà en cours.

Au Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ), la réouverture est attendue le 29 juin. Seul le pavillon Lassonde sera ouvert. L’exposition Frida Kahlo, Diego Rivera et le modernisme mexicain reprendra l’affiche jusqu’au 7 septembre, après avoir été interrompue en plein succès. Il sera aussi possible de voir trois expositions consacrées à l’art de chez nous: De Ferron à BGL; Art inuit. La collection Brousseau et Arts décoratifs et design du Québec.

Au Musée de la civilisation du Québec, la réouverture est prévue pour le 20 juin. Les salles consacrées à La tête dans les nuages sur la présence du numérique dans nos vies et Broue. L’homme des tavernes reprendront vie. Histoires de pêche, dont le montage était en cours au moment où le Québec a été mis à pause, verra enfin le jour le 26 juin. Cette exposition racontera la grande histoire de la pêche sportive en eau douce au Québec, un concept développé avec la collaboration de la SÉPAQ et de la Fondation de la faune du Québec.

L'exposition «Broue. L’homme des tavernes» reprendra vie le 20 juin prochain lors de la réouverture du Musée de la civilisation du Québec. Photo: Claude Deschênes

À Montréal, le Musée d’art contemporain n’a pas encore de date précise pour sa réouverture en juin, mais on sait que les expositions Peindre la nature avec un miroir et Points de lumières ouvertes au début de l’année seront de retour.

Le MAC exposera aussi l’œuvre Disasters Under the Sun, que l’artiste montréalais Jon Rafman a présentée à la Biennale de Venise l’an dernier. Cette réflexion saisissante sur le comportement des foules a été décrite comme un purgatoire virtuel. Très hâte de voir ça.

 

Au Musée McCord, la reprise des activités le 23 juin se fera avec une nouveauté célébrant le travail du dessinateur de La Presse Serge Chapleau. Chapleau - Profession: Caricaturiste permettra de voir, ou revoir, 150 de ses caricatures. Chapleau ayant été très inspiré par la COVID-19, je gage qu’il y en aura au moins une sur cette pandémie funeste. L’expo consacrée à Jean-Claude Poitras reprendra jusqu’au 2 août pour ensuite faire place, le 25 septembre, à un autre créateur de mode, Christian Dior.

Un des premiers musées québécois à rouvrir est celui de Joliette. Le public est attendu le 9 juin. Durant le week-end des 13 et 14 juin, les travailleurs œuvrant dans le milieu de la santé seront admis gratuitement. Belle initiative du Musée d’art de Joliette, pour une région qui a été grandement affectée par la COVID.

Quand le déconfinement c’est croire au printemps

Le déconfinement fait souffler un vent d’optimisme, même si parfois on a l’impression que ça va trop vite et que le beau temps incite à moins de vigilance dans la population. Le chanteur Matthieu Chédid a fait paraître cette semaine Croîs au printemps, une toute nouvelle chanson qui traduit ces sentiments contradictoires qui nous habitent tous. C’est amusant de savoir que pendant que tout le monde s’essayait à faire du pain, c’est un ami boulanger de -M- qui a écrit ce titre pour faire lever l’espoir. Il a même joué avec les mots (comme le fait souvent -M-) en choisissant pour son titre la conjugaison du verbe croître plutôt que celle de croire.

«Te souviens-tu du temps de nos confinements
J’étais triste et hagard, ne sachant plus vraiment
Si les jours reviendraient des grands rires et du vent
Tu m’as dit doucement qu’on avait en dedans
Toutes les solutions à nos questionnements

Crois en l’amour comme on croit au printemps
Crois en la vie comme on croit aux enfants
Crois en chacun comme on croit au présent
Crois en ton cœur
Comme on croit aux absents»

Le vidéoclip qui accompagne la chanson, conçu et réalisé par Laurent Seroussi, est une des plus belles choses que j’aie vues produites en période de confinement.

Écouté: Carte mère de Catherine Major

Je ne sais pas pour vous, mais en ce qui me concerne, la musique aura été la meilleure des compagnes durant les dernières semaines qui viennent de passer. Depuis quelques jours, le disque Carte mère de Catherine Major est venu s’ajouter à la trame sonore de ma vie. Et dire que la compositrice-interprète a failli reporter le lancement de son nouveau disque à l’automne!

Il y a toujours quelque chose d’intense chez Catherine Major, elle-même dit qu’elle l’est, ses nouvelles chansons n’y manquent pas. Jeff Moran, son parolier, chum et père de ses enfants, sait mettre en mots ses tourments dans une sorte de flou poétique. Même s’il est évident qu’elle parle de famille, de maladie, de mort, de racisme, d’immigration, il faudra laisser décanter les chansons, car je l’avoue, je n’ai pas encore tout saisi ce que ce disque raconte. La nouvelle orientation musicale, elle, est limpide.

Catherine Major, qui a mené son projet de A à Z, a tourné le dos à son piano pour s’en remettre plutôt aux machines et aux cordes. Le côté moderne, urgent, à la rigueur froid de la musique programmée côtoie le lyrisme que seul un orchestre symphonique peut procurer. Le mariage des deux univers est fabuleux. Les titres s’enchaînent les uns aux autres avec la même magie que celle qu’on retrouve dans les musiques de film. Pour reprendre une expression très utilisée ces temps-ci dans le milieu culturel, c’est ce qu’on appelle se réinventer.

Une entrevue inédite avec Gaston Miron

En terminant, permettez-moi d’ajouter un fruit à moi dans cette série de suggestions qui ressemble à une salade de fruits. Les Archives de Radio-Canada viennent de mettre en ligne une entrevue que j’ai faite avec le poète Gaston Miron en 1994 et qui n’avait jamais été diffusée intégralement à ce jour.

Lorsque je suis allé à la rencontre de l’auteur de L’homme rapaillé à son appartement du boulevard Saint-Joseph à Montréal, c’était «pour aller chercher une clip», comme on dit dans le métier. 26 ans plus tard, je ne me rappelle pas sur quel sujet précis je voulais l’interroger, mais ce dont je me souviens, c’est que j’ai été happé par un homme charmant, débonnaire, qui avait visiblement le goût de se raconter. Je l’ai écouté et on a tourné trois cassettes tant il était volubile. Mon caméraman Pierre Maheux se rappelle combien il avait été impressionné par les livres parfaitement classés qui se trouvaient partout dans la maison.

Anecdote, Michèle Bériault, l’assistante à la réalisation qui m’accompagnait sur ce tournage, avait déboulé les marches menant au sous-sol. Je me rappelle de la scène, qui aurait pu tourner au tragique. Michèle n’a rien oublié de cette rencontre, sauf sa chute: «Quel moment! J’ai probablement été subjuguée par le personnage, ça m’a fait oublier le non essentiel.» Pourquoi cette entrevue est-elle demeurée inédite après un enregistrement que nous avions pourtant tous trouvé mémorable? Je ne me l’explique pas, sinon que faire un topo à partir de 40 minutes d’entrevue n’est pas toujours chose facile quand on travaille au quotidien. En tout cas, je suis très heureux que le réalisateur Patrice Pouliot ait consacré du temps à sauver ce moment des limbes. Après tout, c’est la dernière entrevue que Gaston Miron a accordée à la télévision de Radio-Canada avant sa mort, en 1996.