La chronique Culture avec Claude Deschênes

Auteur(e)
Photo: Martine Doucet

Claude Deschênes

Claude Deschênes collabore à Avenues.ca depuis 2016. Journaliste depuis 1976, il a fait la majeure partie de sa carrière (1980-2013) à l’emploi de la Société Radio-Canada, où il a couvert la scène culturelle pour le Téléjournal et le Réseau de l’information (RDI). De 2014 à 2020, il a été le correspondant de l’émission Télématin de la chaîne de télévision publique française France 2.On lui doit également le livre Tous pour un Quartier des spectacles publié en 2018 aux Éditions La Presse.

Le tour du bloc enchanté de Michel Rivard

Michel Rivard a le sens de la formule. Pour célébrer ses 50 ans de carrière, il a décidé de sillonner le Québec avec un spectacle rétrospectif baptisé Le tour du bloc. Le chantre de la ville nous propose un magnifique voyage dans le temps et dans ses chansons qui nous fait passer par les rues Marquette, Beaubien, Saint-Paul, le parc Lafontaine et même la Rive-Sud. Attrapez-le quand il passera par chez vous, car voilà un tour du bloc enchanté.



Michel Rivard nous accompagne depuis un demi-siècle, même davantage si on compte ses premières apparitions à la télévision dans le téléroman Rue des Pignons, en 1969. Pour moi, le Laurent Jarry qu’il incarnait au petit écran le mardi soir était comme un grand frère.

Qu’il nous ait été révélé au petit écran sous ce nom, Laurent Jarry!, ça ne s’invente pas. Michel Rivard, avec Beau Dommage ou en solo, a toujours eu une place pour Montréal, ses rues et ses quartiers dans ses chansons. C’est manifeste dans ce Tour du bloc. Et ça a tout pour plaire au Montréalais d’adoption que je suis.

Attrapez Michel Rivard quand il passera par chez vous, car il offre un tour du bloc enchanté. Photo: Marc-Etienne Mongrain

L’autre chose qui ressort de ce spectacle, c’est la véritable nature de Michel Rivard, son côté sérieux.

Quand on entend une après l’autre Le retour de Don Quichotte, Schefferville, L’oubli, Maudit bonheur, Tombé du ciel, Le beau grand jamais vu, on réalise que Michel Rivard est un artiste mélancolique, souvent inquiet, fréquemment dubitatif, dans l’ensemble assez grave. L’arrivée d’une section de cuivres dans son Flybin Band accentue ce trait.

L’arrivée d’une section de cuivres dans son Flybin Band accentue le trait assez grave de Michel Rivard. Photo: Marc-Etienne Mongrain

La chanson L’oubli, en hommage à Claude Jutra (qui s’est suicidé pour échapper à l’Alzheimer), servie avec juste sa guitare et une clarinette basse, en est le meilleur exemple. Ce texte poignant, à la finale tragique, a été pour moi un des moments forts de la soirée.

Les nouvelles orchestrations du Retour de Don Quichotte et de Schefferville ont aussi jeté un éclairage différent sur ces deux classiques, faisant ressortir plus que jamais la puissance de ces textes écrits au début de sa carrière solo.

Michel Rivard a conservé de son dernier spectacle, L’origine de mes espèces, cette manière de nous raconter une histoire. Photo: Marc-Etienne Mongrain

Michel Rivard ne manquait pas de chansons pour faire un tour du bloc de deux heures et demie. Il pouvait piger dans plus d’une dizaine d’albums solos ainsi que dans cinq enregistrements faits avec Beau Dommage.

On a tous nos préférées. Je n’ai pas eu droit à Bille de verre, mais j’ai été ravi qu’il fasse l’irrésistible Tout simplement jaloux, que je souhaitais ardemment entendre.

Les quatre tounes les plus marquantes de son disque Un trou dans les nuages, son plus grand succès en carrière, sont du voyage. La pièce titre, bien sûr, mais aussi Libérez le trésor, Le privé et Je voudrais voir la mer. Tous ces titres permettent de mettre en valeur les choristes, car oui, c’est le grand luxe, le chanteur est soutenu par trois choristes, plus qu’à la belle époque où on a découvert ces chansons. J’ai particulièrement aimé l’idée d’inclure un gars dans les chœurs. Vocalement, le comédien Renaud Paradis est vraiment au diapason de Rivard, et quelle présence à la trompette et au claquement de doigts!

En plus des nombreux musiciens, le chanteur est soutenu par trois choristes. Photo: Marc-Etienne Mongrain

Le public a aussi l’occasion de chanter. Comment résister aux vers d’oreille issus de la période Beau Dommage: La complainte du phoque en Alaska, Ginette et Le blues d’la métropole.

Ces deux dernières chansons, signées Pierre Huet, procurent les moments les plus enlevés de la soirée, ceux où on chante et tape volontiers des mains.

Le public a aussi l’occasion de chanter et cela procure des moments enlevants. Photo: Marc-Etienne Mongrain

Michel Rivard a conservé de son dernier spectacle, L’origine de mes espèces, cette manière de nous raconter une histoire. Les chansons sont amenées avec des textes de présentation qui allient poésie, humour, ou tout simplement des extraits de chansons qui n’ont pas été retenues. Des paroles du Goût de l’eau nous amènent par exemple à Je voudrais voir la mer, et c’est du meilleur effet.

De tous les sujets qu’il aborde, les nombreux quinquas, sexas et septuas que nous étions dans la salle n’ont pu faire autrement qu’apprécier ses réflexions très encourageantes sur le vieillissement. À 71 ans, il nous enseigne à être philosophes avec les petits bobos qui apparaissent avec l’âge.

«Vous avez devant vous un aîné», dit-il. Pas juste un, du reste. Ses vieux complices du Flybin Band original, Mario Légaré, Rick Haworth et Sylvain Clavette, sont comme des Rolling Stones québécois, increvables et toujours aussi exemplaires. Ils sont dirigés par un nouveau venu que je ne connaissais pas. François Rivard mène ce big band (ils sont 11 autour de Rivard) avec autorité et plein de belles idées pour renouveler les arrangements de ces chansons qui font partie de nos vies depuis si longtemps.

Ses vieux complices du Flybin Band original, Mario Légaré, Rick Haworth et Sylvain Clavette, sont comme des Rolling Stones québécois, increvables et toujours aussi exemplaires. Photo: Marc-Etienne Mongrain

Faire le tour du bloc avec Michel Rivard, c’est donc se promener en territoire connu avec juste ce qu’il faut de nouveau pour ne pas avoir l’impression de tourner en rond.

En parcourant 50 ans de chansons (pour Rivard, ça a commencé avec Motel «Mon Repos» en 1972), on ne peut faire autrement que de revisiter un peu sa vie. Je vous mets au défi de vous souvenir des rues qui bordaient votre tour du bloc. Moi, c’était Isabelle, Saint-Onge, Archambault, des Oliviers.

En 1973, il y a 50 ans cette année, je suis sorti de ce quadrilatère pour aller faire un autre tour du bloc, dans le quartier voisin, celui où habitait ma blonde, la même qui m’accompagnait à la première de vendredi dernier!

Voilà qui explique aussi mon enchantement! Je vous en souhaite tout autant!