La chronique Culture avec Claude Deschênes

Auteur(e)
Photo: Martine Doucet

Claude Deschênes

Claude Deschênes collabore à Avenues.ca depuis 2016. Journaliste depuis 1976, il a fait la majeure partie de sa carrière (1980-2013) à l’emploi de la Société Radio-Canada, où il a couvert la scène culturelle pour le Téléjournal et le Réseau de l’information (RDI). De 2014 à 2020, il a été le correspondant de l’émission Télématin de la chaîne de télévision publique française France 2.On lui doit également le livre Tous pour un Quartier des spectacles publié en 2018 aux Éditions La Presse.

Hair: deux chansons et une panne d’électricité

Voilà venu le temps de l’année où le Festival Juste pour rire s’installe pour l’été au Théâtre St-Denis avec une comédie musicale américaine. Après quelques avant-premières de rodage, le spectacle Hair, avec sa trentaine d’artistes sur scène, a eu droit à sa grande première le lundi 26 juin. J’y étais.



Commençons par une confession: je ne suis pas un fan de comédie musicale américaine. Bien que j’aie adoré La Mélodie du bonheur en 2010 et Mary Poppins en 2016, je n’ai pas été voir Annie l’an dernier ni Mamma Mia, Hairspray et Sister Act avant ça.

Ce qui m’a attiré à Hair? Voir ce fameux spectacle, créé en 1967 à New York sur une musique du Montréalais Galt McDermot. Qui plus est, revu en 2023 par Serge Denoncourt, que je tiens comme l’un des meilleurs metteurs en scène du Québec.

Confession: je ne suis pas un fan de comédie musicale américaine. Photo: Marie-Andrée Lemire

J’avais 9 ans quand ce happening faisant l’apologie de la culture hippie a vu le jour. Un peu jeune pour apprécier la charge qu’il représentait à l’époque. À bientôt 65 ans, j’ai trouvé bien caricatural le propos et la manière de le défendre.

J’ai trouvé bien caricatural le propos et la manière de le défendre. Photo: Marie-Andrée Lemire

Ce spectacle, dont le personnage principal s’appelle Claude, a horriblement vieilli, même si on essaie de nous vendre qu’il est d’actualité parce qu’il parle de paix et d’amour. À ce que je sache, il n’y a pas beaucoup de jeunes Occidentaux qui brûlent leur carte de conscription obligatoire, qui s’adonnent à l’amour libre, givrés d’avoir consommé tout ce qui a de plus hallucinogène sur le marché.

Ce spectacle, dont le personnage principal s’appelle Claude, a horriblement vieilli. Photo: Marie-Andrée Lemire

Oui, il y a encore des guerres, et nous sommes en déficit d’amour, mais notre époque oblige les jeunes qui sont conscients que la planète s’en va chez le diable à beaucoup de lucidité. S’évader dans la drogue et la pensée transcendantale, comme la bande de Hair, n’est pas une option.

Photo: Marie-Andrée Lemire

Aussi, dans le contexte américain du spectacle, la lutte contre le conservatisme qu’on dépeint n’a rien à voir avec le trumpisme rampant d’aujourd’hui. Bref, les Américains sont tout, sauf un exemple.

J’ai été par ailleurs estomaqué par le rôle insignifiant que Hair donne aux filles. Il y a quelque chose de terriblement macho dans ce livret.

J’ai été estomaqué par le rôle insignifiant que Hair donne aux filles. Photo: Marie-Andrée Lemire

En fait, ce sont les personnages noirs qui ont les meilleures parties. C’est malheureux à dire, mais leurs revendications d’il y a 55 ans portent encore. Musicalement, tout ce qui s’inspire de la musique noire dans ce spectacle est une coche au-dessus. Ça permet d’ailleurs aux afro-descendants de la distribution de s’illustrer.

Musicalement, tout ce qui s’inspire de la musique noire dans ce spectacle est une coche au-dessus. Photo: Marie-Andrée Lemire

Autrement, j’ai trouvé insupportables les chansons sans air de Hair. J’ai compris pourquoi je ne connaissais finalement que deux titres de ce spectacle: Aquarius et Let The Sunshine In. À propos de cette dernière chanson, il n’y a, pour moi, aucune version qui accote celle, en français, de Julien Clerc.

J’ai trouvé insupportables les chansons sans air de Hair. Photo: Marie-Andrée Lemire

Dans l’adaptation qui a été faite du spectacle par Serge Denoncourt, il y a quelques clins d’œil amusants à notre époque et au Québec, mais le stunt qui marche le mieux dans son adaptation, c’est de faire du personnage de Margaret Mead, sorte de Madame Tout-le-monde, une drag queen. Avec sa voix aussi haute que basse, Étienne Cousineau met le public dans sa sacoche. On est de son temps ou on ne l’est pas!

Dans l’adaptation qui a été faite du spectacle par Serge Denoncourt, il y a quelques clins d’œil amusants à notre époque et au Québec. Photo: Marie-Andrée Lemire

D’ailleurs, parlant d’être de son temps, une affiche à l’entrée de la salle du St-Denis 1 informe les spectateurs qu’il y a aura – attention, mesdames et messieurs – des mots grossiers, des concepts qui peuvent heurter et de la nudité.

Moi, je vous avertirais plutôt que c’est long. La première partie s’étire sur 80 minutes, alors que le deuxième acte dure 50 minutes.

J’ai failli partir à l’entracte. Je suis resté pour entendre Let The Sunshine In, et aussi parce que je ne me serais pas donné le droit d’en parler ici si j’avais quitté les lieux à l’entracte.

J’aurais alors manqué le moment magique de la soirée: la panne d’électricité ! Elle est survenue alors qu’il restait deux ou trois chansons. Dans le noir, le public a entonné le célèbre air qu’il attendait, et la troupe s’est exécutée à son tour sous la lumière des téléphones cellulaires du public.

Ayant connu une panne de courant quelques jours auparavant à la maison, j’avais de gros doutes que l’électricité revienne rapidement. Je me suis donc esquivé après ce joli moment a cappella.

Sur le chemin du retour, j’ai appris que le courant était rétabli (Hydro aurait branché le St-Denis sur le CHUM !), et que la fin du spectacle avait pu être jouée. Cela dit, je ne crois pas que mon avis sur l’ensemble du show aurait beaucoup changé si j’étais resté.

Ça demeure pour moi un spectacle dépassé reposant sur deux chansons, qui s’est fait voler la vedette par une panne d’électricité.