La chronique Culture avec Claude Deschênes

Auteur(e)
Photo: Martine Doucet

Claude Deschênes

Claude Deschênes collabore à Avenues.ca depuis 2016. Journaliste depuis 1976, il a fait la majeure partie de sa carrière (1980-2013) à l’emploi de la Société Radio-Canada, où il a couvert la scène culturelle pour le Téléjournal et le Réseau de l’information (RDI). De 2014 à 2020, il a été le correspondant de l’émission Télématin de la chaîne de télévision publique française France 2.On lui doit également le livre Tous pour un Quartier des spectacles publié en 2018 aux Éditions La Presse.

Fred Pellerin: toujours en business!

Il est de retour! Cinq ans après Un village en trois dés, Fred Pellerin rapplique avec un nouveau spectacle: La descente aux affaires. Et croyez-moi, notre conteux est toujours en business!



Le soir de la première montréalaise, au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts, Fred Pellerin avait déjà 40 représentations dans le corps, et il s’attend à en donner près de 300 au total. Inutile de vous dire que vous pourrez l’attraper, puisqu’il compte encore une fois faire le tour du Québec avec sa galerie de personnages.

La descente aux affaires, il y a dans ce titre une allusion à la fois à l’enfer et à l’activité économique. Le spectacle commence avec la mort d’Édouard Brodeur, le père du fameux Toussaint Brodeur, personnage familier dont on ne connaissait pas tous les contours. On comprend qu’avec son statut d’aîné de la famille, celui qui deviendra le commerçant du village a droit à la plus grande part de l’héritage, soit la moitié du troupeau de vaches du paternel (attendez de voir comment on sépare 17 vaches entre trois fils!).

Fred Pellerin est de retour avec un nouveau spectacle: La descente aux affaires. Et croyez-moi, notre conteux est toujours en business! Photo: Thierry du Bois

L’exécuteur testamentaire, nul autre que l’oncle Richard qui a fait fortune au Massachusetts, offre aussi à Toussaint un conseil pour la vie: «Pour réussir, il faut savoir compter.»

Dans son nouveau conte, Fred Pellerin relève toute l’habileté ratoureuse de Toussaint Brodeur à faire fructifier son argent.

Des exemples? Toussaint augmente ses profits en vendant ses chapelets 15 cents plutôt que 10 cents, comme au comité pastoral, parce que les siens sont bénis deux fois.

Après avoir acheté à gros prix une poule réputée pour donner des œufs à douze jaunes, il ne s’embarrasse pas trop du fait qu’elle lui meurt dans les mains. Toussaint trouve une manière de se rembourser en l’offrant en tirage à ses concitoyens bien dupes de ses méthodes.

Toussaint incitera aussi ces mêmes concitoyens à être généreux à la quête lors des funérailles de Mme Gélinas, en promettant de doubler leur mise. Ce qu’il fera en signant un chèque qu’il glisse dans le cercueil de la défunte, non sans avoir empoché les dons en espèces auparavant!

Où Fred Pellerin va-t-il chercher toutes ces histoires? En partie chez sa grand-mère, qui lui a refilé un jour une grande partie de son imagination débordante. Photo: Thierry du Bois

Où Fred Pellerin va-t-il chercher toutes ces histoires? En partie chez sa grand-mère, qui lui a refilé un jour une grande partie de son imagination débordante.

À la fin du spectacle, Fred a salué deux fils du vrai Toussaint présents dans la salle en ce soir de première montréalaise. J’étais assis dans la même rangée que l’un d’eux, Jean-Pierre, que je connais un peu pour avoir patiné longtemps au Vieux-Port avec sa femme Pauline. Oui, Toussaint a bel et bien vécu avec la belle Jeannette Garceau à Saint-Élie-de-Caxton, mais on s’entend que Fred Pellerin en a inventé des grands bouts sur sa vie. L’Émerveilleur à lunettes rondes s’en est d’ailleurs repenti sur scène. Impossible pour lui de résister à la fabulation, manifestement, il a bien appris les enseignements de sa grand-mère.

Ce qui est fantastique, c’est qu’après plus de 20 ans à nous entretenir des mêmes personnages de son village de Saint-Élie-de-Caxton, Pellerin réussit encore à nous embarquer dans ses exagérations.

Qui plus est, il nous raconte ses facéties avec toujours la même bonhomie, et comme si c’était la première fois. Depuis que j’ai vu Fred Pellerin au Lion d’Or au début des années 2000, je n’ai jamais été déçu de sa prestation sur scène.

Et là où, avec le temps, il devient de plus en plus habile, c’est dans cette capacité à passer des messages, à nous interpeller sur notre propre vie.

En effet, plus le spectacle avance, plus on comprend que l’argent ne fait pas le bonheur, que le temps nous est compté (il y a une longue digression sur la manière de calculer, en battements cardiaques, notre espérance de vie sur terre), et qu’il ne faut pas attendre pour dire aux gens qui nous entourent qu’on les aime. Finalement, c’est d’amour que parle ce spectacle.

Entre les monologues, Fred Pellerin nous chavire avec ses interprétations de chansons. Photo: Thierry du Bois

Comme il y a cinq ans, au même endroit, j’ai adoré cette soirée hors du temps qui nous transporte entre rires francs et émotions, car entre les monologues, Fred Pellerin nous chavire avec ses interprétations (à la guitare ou à l’accordéon) de chansons empruntées, entre autres à Marjo (S’il fallait), Félix Leclerc (Douleur), Jean-Pierre Ferland (Les immortelles) et Richard Desjardins (Tu m’aimes-tu?).

Ce mercredi soir de première, en 90 minutes, sans entracte, tout seul sur scène, Fred Pellerin a réussi à mettre les 1 454 spectateurs de la salle Maisonneuve dans sa poche. Et il a répété l’exploit jeudi, vendredi, samedi et dimanche. Ça, c’est plus de 7 000 spectateurs en cinq jours!

Ça a bien l’air qu’ils sont comme ça, les Caxtoniens, leurs exploits sont toujours hors norme.