La chronique Culture avec Claude Deschênes

Auteur(e)
Photo: Martine Doucet

Claude Deschênes

Claude Deschênes collabore à Avenues.ca depuis 2016. Journaliste depuis 1976, il a fait la majeure partie de sa carrière (1980-2013) à l’emploi de la Société Radio-Canada, où il a couvert la scène culturelle pour le Téléjournal et le Réseau de l’information (RDI). De 2014 à 2020, il a été le correspondant de l’émission Télématin de la chaîne de télévision publique française France 2.On lui doit également le livre Tous pour un Quartier des spectacles publié en 2018 aux Éditions La Presse.

Bon Cop, Bad Cop, De père en flic… et des sages-femmes

On s’entend, c’est un été capricieux. Je me suis demandé si le yoyo météorologique qu’on connaît avait eu une incidence sur vos sorties au cinéma. Eh bien, oui!



Les chiffres de Cinéac, la firme qui compile les résultats de box-office pour l’ensemble des écrans du Québec, sont sans équivoque, dopés bien sûr par la performance de nos bons et bad cops et de nos flics, père et fils. Du 28 avril (début de la saison d’été) au 3 août (dernière période compilée), le box-office est passé de 52 160 732$ en 2016 à 54 672 893$ en 2017, la part de marché du cinéma québécois passant de 5,2 à 17,9%! Le cinéma de l’oncle Trump se contente de 73,4% des revenus aux guichets par rapport à 91,3% l’an dernier. Quant au cinéma de nos cousins français, il connaît cet été une augmentation de 3%, ses parts de marché passant à 5,3%. Et la tendance devrait se poursuivre cette semaine avec l’arrivée sur nos écrans du très beau film français Sage femme.

Catherine Frot et Catherine Deneuve réunies à l’écran

La première chose qui devrait vous donner envie de voir ce film, c’est sa distribution. Catherine Frot, Catherine Deneuve et Olivier Gourmet; avouez que c’est vendeur. D’autant que c’est la première fois que ces trois grands noms du cinéma sont réunis à l’écran.

Ce sixième film de Martin Provost, réalisateur à qui on doit Séraphine, gagnant de sept prix César en 2009, dont celui du meilleur film, est une fable dans laquelle deux femmes très campées dans leur personnalité se résolvent à lâcher du lest pour renouer un lien rompu depuis belle lurette.

Il y a Claire, incarnée par Catherine Frot, un exemple de rigueur et de dévouement aux autres qui mène sa vie au gré de convictions profondes et de principes tenaces. Béatrice, qui prend les traits de Catherine Deneuve, est tout son contraire: exubérante, hédoniste, égoïste.

Le film commence de manière exemplaire. Durant les premières minutes, on suit Claire dans sa charge de sage-femme. On voit toute son application au travail. Sa petite vie organisée au rythme de cette profession exigeante lui permet d’exprimer toute la bonté qu’elle porte en elle et dont elle gratifie les autres au point de s’oublier elle-même. On se lie rapidement à ce personnage attachant.

Et voilà que Béatrice, vieille dame indigne qui fume, qui boit, qui joue aux cartes, débarque dans cet univers bien ordonné ramenant dans son sillage des souvenirs douloureux pour Claire. Béatrice a été la maîtresse de son père et la raison de son suicide lorsqu’elle l’a quitté.

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Quand la sagesse réunit

Dès le générique, on voit le trait d’union qui unit les mots sage et femme disparaître. Et pour cause, c’est une forme de sagesse chez chacune des femmes du récit qui permet qu’elles se retrouvent. Claire se permet de dévier de la trajectoire rigide qu’elle s’est imposée alors que Béatrice, diminuée par une tumeur au cerveau, canalise son impétuosité pour faire la paix avec sa vie tumultueuse.

Dans ce face-à-face, Olivier Gourmet joue un voisin, chauffeur de camion, qui possède la clé du bonheur et de la liberté.

Le casting fonctionne bien. Gourmet est discret et concret. Deneuve, diva et virevoltante. Frot, méticuleuse et empathique.

©photo: Michaël Crotto
©photo: Michaël Crotto

Hommage aux sages-femmes

Il faut voir Catherine Frot dans les situations d’accouchement. On lui confierait volontiers la naissance de notre enfant. La comédienne, qui a été coachée par une ancienne sage-femme, a tourné ses scènes en présence de vraies mamans qui donnent naissance. L’équipe a tourné six accouchements en direct. Cela donne beaucoup de crédibilité au film et permet de traiter un thème sous-jacent: la manière dont on gère aujourd’hui l’obstétrique.

Il faut dire que le réalisateur Martin Provost, qu’on décrit comme un spécialiste des portraits de femmes, a décidé de faire ce film pour rendre hommage à la sage-femme qui l’a mis au monde en 1957. En plus de faire son travail, cette maïeuticienne lui a sauvé la vie en lui donnant de son sang à la naissance. Il y a en tout cas dans la démarche du réalisateur une grande sensibilité et un amour évident pour les femmes, particulièrement celles qu’il dirige.

Dommage que vers la fin de son film, la rigueur du début fasse place à quelques faux pas, comme cette scène détonnante où Catherine Deneuve conduit un poids lourd alors que son personnage a une tumeur au cerveau.

Mais ces quelques décrochages ne sont que des détails, comme une tache de naissance, rien pour retourner le bébé à la pouponnière. Sage femme a tous ses morceaux et procure deux heures d’un réel plaisir cinématographique.

©photo: Michaël Crotto
©photo: Michaël Crotto

Mon coup de cœur: une exposition de bateaux au Vieux-Port de Montréal

Le 375e anniversaire de Montréal laissera de nombreux legs et le terminal de croisières situé dans le Vieux-Port en est un de taille. Imaginez, les voyageurs qui arrivaient à Montréal en bateau débarquaient dans des installations qui n’avaient pas changées depuis la construction de la gare Iberville en 1967. On se croyait dans un épisode de Mad Men, comme me le disait récemment le directeur de la jetée Alexandra, Philippe Bertout. En juin dernier, un premier navire de croisière a accosté au nouveau terminal conçu par la firme d’architectes Provencher_Roy.

Photo: Claude Deschênes
Photo: Claude Deschênes

Une des grandes nouveautés, c’est que le lieu sera maintenant ouvert au public. On y trouve notamment un centre d’interprétation des activités portuaires. La première exposition qui y est présentée permet de voir de magnifiques photos d’archives qui racontent la longue histoire du port de Montréal ainsi que d’impressionnantes maquettes de navires de toutes les époques. Vous serez fascinés par l’histoire de l’Andania, un paquebot construit en Écosse en 1913. Même si on a pris soin de ne pas répéter les erreurs du Titanic, le navire a coulé en 1918, torpillé par les Allemands.

Photo: Claude Deschênes
Photo: Claude Deschênes

Parmi les photos saisissantes exposées, il y a celle qui montre à quoi ressemblait l’arrivée des hordes de migrants au début du 20e siècle et une autre témoignant de la popularité du bateau comme moyen de transport pour venir visiter Expo 67. L’exposition n’est pas tout dans ce lieu. La vue qu’on a du port à travers les larges baies vitrées est tout simplement spectaculaire. La transformation de ce grand espace ouvert sur le fleuve n’est pas terminée. Il reste encore à aménager le toit vert, à construire une tour d’observation et à compléter l’aménagement du stationnement. Mais n’attendez pas ça pour y aller, ça vaut déjà la peine, d’autant plus que l’accès est gratuit.

Photo: Claude Deschênes
Photo: Claude Deschênes