La chronique Culture avec Claude Deschênes

Auteur(e)
Photo: Martine Doucet

Claude Deschênes

Claude Deschênes collabore à Avenues.ca depuis 2016. Journaliste depuis 1976, il a fait la majeure partie de sa carrière (1980-2013) à l’emploi de la Société Radio-Canada, où il a couvert la scène culturelle pour le Téléjournal et le Réseau de l’information (RDI). De 2014 à 2020, il a été le correspondant de l’émission Télématin de la chaîne de télévision publique française France 2.On lui doit également le livre Tous pour un Quartier des spectacles publié en 2018 aux Éditions La Presse.

À Pointe-à-Callière, une exposition qui rappelle l’époque des cabinets de curiosités

Le Musée Pointe-à-Callière, qui depuis plus d’un quart de siècle nous a habitués à toutes sortes d’expositions, nous convie à partir de cette semaine à Dans la Chambre des merveillesune expérience vraiment dépaysante. On nous ramène aux origines de la muséologie, à l’époque des cabinets de curiosités. Et c’est en effet très curieux!



Généralement, dans les expositions temporaires,  on compte les artéfacts par centaines. Cette fois-ci, ça dépasse le millier d’objets. Vraiment de toutes les sortes: poupée amazonienne, momie de chat égyptienne, collection de papillons, de coquillages, veau à deux têtes empaillé, armure de samouraï japonais. Bref, un tour du monde des plus hétéroclites.

Des milliers d'artéfacts se retrouvent dans cette exposition. Photo: Caroline Bergeron

Pour décrire le cabinet de curiosités, la directrice de Pointe-à-Callière, Francine Lelièvre, en parle comme d’un théâtre du monde. Au 16e et au 17e siècle, lorsque les aristocrates européens se sont mis à voyager, ils ont voulu partager les découvertes qu’ils faisaient. Ainsi, ils ont commencé à exposer dans leurs demeures les objets qu’ils rapportaient dans leurs bagages.

Oiseaux, moustiques et autres curiosités. Photo: Claude Deschênes

On peut trouver risible aujourd’hui cette propension à garder chez soi des oiseaux empaillés, des dents de mastodonte ou des animaux dans le formol, mais n’eût été cette curiosité, on aurait peut-être perdu le fil d’une certaine évolution.

Cerfs de Virginie empaillés. Photo: Caroline Bergeron

Je laisse entendre que ces objets étaient regroupés dans un fatras pas possible, mais soyons justes, il y avait tout de même un côté empirique à ces collections qu’on regroupait par thèmes. Des objets de la nature dans le naturalia, les pièces antiques dans l’antiqua. Les artificialia, créés par la main humaine, et les exoticas, ces objets qui venaient des pays lointains, chacun avait sa place.

Photo: Caroline Bergeron

La chargée de projet Ève Dumais a tiré profit au maximum de l’exiguïté de la salle d’exposition située au premier étage du pavillon de l’Éperon. On est tout à fait dans l’esprit de ces cabinets de curiosités. Il y a des objets partout; même les murs sont tapissés de dessins et croquis. Le summum, c’est La chambre des merveilles, qui foisonne d’objets et d’espèces d’un autre temps. On ne peut que s’y attarder tellement il y a à voir.

La chambre des merveilles. Photo: Caroline Bergeron

Je ne suis pas particulièrement versé dans tout ce qui concerne l’ornithologie, la faune exotique et les trésors marins, mais j’ai été plutôt sensible au discours que cette exposition tient en filigrane. En parcourant les différentes stations, on se rend bien compte que nous avons épuisé ou carrément fait disparaître plusieurs espèces de notre planète, et cela en peu d’années. Et nous avons aussi perdu, collectivement, une curiosité pour ce qui est différent. Il y avait certainement quelque chose de noble dans cette quête d’universalité, cette soif de comprendre le monde qui a mené au siècle des Lumières.

En parcourant les différentes stations, on se rend bien compte que nous avons épuisé ou carrément fait disparaître plusieurs espèces de notre planète. Photo: Caroline Bergeron

Pour arriver à donner du panache à cette idée d’exposition, il fallait un partenaire bien pourvu en objets du genre. Et ce partenaire est le Musée des Confluences de Lyon, en France, qui compte 2,2 millions d’objets dans sa collection.

Plusieurs prêteurs québécois et canadiens ont aussi été mis à contribution. L’Université Laval a prêté son orignal albinos naturalisé, une bête capturée en Abitibi en 1949, le Musée de la nature et des sciences de Sherbrooke, son squelette d’effraie des clochers et un rare spécimen de tourte naturalisée, alors que le Musée de la civilisation de Québec a laissé sortir un des 28 volumes de l’édition originale de l’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers publiés de 1751 à 1772 par Diderot et d’Alambert.

L’orignal albinos naturalisé, une bête capturée en Abitibi en 1949. Photo: Claude Deschênes

Francine Lelièvre aime toujours, dans ses propositions, créer un lien avec le public. L’exposition, qui est un hommage à l’art de collectionner, se termine par la présentation de sept collectionneurs québécois dont les passions sont extrêmement diverses, mais unanimement exacerbées. Pour l’un, ce sont des petits cochons en porcelaine, pour l’autre, des tasses ou des poupées. Le petit gars en moi a bien tripé sur la collection de petites autos, les dinky toys de mon enfance, de M. Benoît Chouinard.

Le petit gars en moi a bien tripé sur la collection de petites autos, les dinky toys de mon enfance. Photo: Claude Deschênes

L’exposition Dans la chambre des merveilles sera à l’affiche pendant les 11 prochains mois. N’attendez pas, profitez du fait que votre curiosité soit aiguisée pour la satisfaire. Et franchement, il n’y a pas d’âge pour être curieux.