Faire une pause sur le bord de l’autoroute n’a pas besoin de rimer avec vieil édifice en bois et toilettes nauséabondes: de nombreux pays ont érigé au cours des dernières années des haltes routières qui valent le détour.
Le sujet des haltes routières est au goût du jour. Comme le faisait remarquer notre collègue Claude Deschênes sur Facebook, le gouvernement du Québec a récemment remplacé deux haltes routières dans la province: la halte routière de Villeroy, sur l’autoroute 20, et l’aire de service du Point-du-Jour à Lavaltrie, sur l’autoroute 40.
Deux autres transformations du genre sont prévues au Québec, à Saint-Bernard-de-Lacolle et dans la réserve faunique de La Vérendrye.
Les nouveaux établissements offrent des services modernes (comme des bornes de recharge pour voitures électriques), et un design au goût du jour, avec de grandes surfaces vitrées.
C’est un pas dans la bonne direction, mais il reste encore beaucoup de haltes qui auraient besoin d’une cure de jeunesse. Voici quelques sources d’inspiration pour les prochaines haltes routières.
Australie (BKK Architects)
L’État de Victoria, en Australie, a misé sur l’architecture pour mettre à jour son réseau de haltes routières au cours des dernières années. Le pari: avec une allure attirante, facilement reconnaissable et surtout facile à voir de loin (les tours de verre lumineuses qui surplombent les haltes font 8 mètres de haut), ces haltes encourageront les automobilistes à s’y arrêter et à s’y reposer.
Parmi les autres éléments dignes de mention, notons que les deux tours sont alimentées à l’énergie solaire, et que sont accessibles des tables extérieures protégées des intempéries et du bruit de l’autoroute. Les toilettes sont aussi particulièrement jolies pour un édifice du genre, avec leurs tuiles jaunes ou bleues et leurs puits de lumière.
Finlande (Studio Puisto Architects)
Située le long de la route européenne 75 (E75), une autoroute qui traverse l’Europe du sud de la Grèce au nord de la Norvège, la halte de Niemenharju offre tous les services auxquels on pourrait s’attendre (station-service, toilettes, dépanneur, etc.), mais aussi beaucoup plus.
On y retrouve, par exemple, un restaurant mettant en vedette la cuisine locale, des terrains de camping l’été, un accès à l’eau et un petit hôtel de dix chambres avec sauna. Le tout a été construit avec du bois local, issu d’une reforestation durable.
Géorgie (J. MAYER H.)
Sur l’autoroute qui traverse la Géorgie, entre la Turquie et l’Azerbaïdjan, une série de haltes routières réalisées par la firme d’architecture allemande J. MAYER H. se démarque par son architecture presque brutaliste, avec ses formes uniques de béton qui ont été moulées sur place.
On y retrouve les habituelles stations-service et , à l’intérieur, des espaces permettant de mettre en valeur les activités locales, avec de la vente d’artisanat et un marché fermier.
Norvège (HZA)
Les haltes routières n’ont pas toutes besoin d’être assez grandes pour accueillir des dizaines de voyageurs. En Norvège, de petites toilettes ont été installées le long des routes panoramiques, dans le but d’inviter les voyageurs à s’arrêter pour observer des points d’intérêts et des paysages qui valent la peine. Plusieurs d’entre elles se démarquent par leur architecture, comme la halte de Ureddplassen montrée ici.
J’aime la photographie, beaucoup même et J’aime aussi beaucoup les parcours et circuits culturels, qui telles des chasses aux trésors, nous entraînent d’un lieu à l’autre avec le plaisir d’y découvrir une autre œuvre, un autre artiste et une autre expérience. C’est donc avec bonheur que j’ai découvert les Rencontres de la photographie en Gaspésie. Un parcours du promeneur amateur ou passionné qui, pour sa 12e édition, vous entraînera dans 12 municipalités ou parcs de la région gaspésienne à la rencontre de 15 photographes émérites en provenance du Québec, du Canada et d’ailleurs. Sous le thème Conversations, les expositions tiendront place jusqu’au 30 septembre. Une formidable façon de découvrir la Gaspésie. Et c’est gratuit!
Mais ce que j’aime par-dessus tout dans ce genre de projets, j’en parlais d’ailleurs au sujet des Passages insolites dans le Vieux-Québec, c’est la détermination des gens qui sont derrière ces initiatives, à faire rayonner l’art, la culture sous toutes ses formes et à mettre en valeur leur région. Il faut entendre le fondateur et directeur général des Rencontres de la photographie en Gaspésie, Claude Goulet, parler de la programmation et des artistes pour saisir tout cet engagement. Quand il a créé les Rencontres, il tenait à ce que les expositions ne soient pas cantonnées à un seul endroit, mais qu’au contraire, elles deviennent un incitatif à découvrir l’ensemble de la Gaspésie.
Dès le départ, pour ce passionné de photo et de cinéma, le festival devait aussi avoir une envergure internationale, comme les festivals qu’il fréquentait ailleurs dans le monde. Covid obligeant, l’édition de 2021 compte moins de photographes venus d’ailleurs, quatre seulement y participent alors que pour les 10 premières éditions, on comptait près de 50% de photographes d’autres pays. Les Rencontres ont d’ailleurs quelques partenaires internationaux comme Les PUI Pratiques et usages de l’image à Nantes en France ou encore Diaphane, pôle photographique en Picardie, avec lequel les Rencontres ont développé une plateforme internationale d’échanges artistiques.
Des balados qui marient musique et photo
Pour cette 12ème édition, M.Goulet et son équipe ont eu une formidable idée : jumeler dans des balados, les photographes invités et des musiciens de la région. Ainsi 11 des 12 expositions affichent un code QR qui permet d’écouter les balados, qu’on peut aussi trouver sur le site web des Rencontres www.photogaspesie.ca , en cliquant sous l’onglet Rencontres sur le Web. Chacune des 11 balados, d’une durée de huit minutes, présente le photographe qui parle de son œuvre et de sa démarche et une histoire musicale originale, composée par un musicien gaspésien. François-Pierre Poirier, Phile (Philippe Patenaude), Gaëtan Essiambre, Justine Fournier, Juan Sebastian Larobina, Collectif Trames (Guillaume Champion et Guillaume Côté), Monsieur Nokturn (Olivier Brien), Éric Dion, Richard Dunn, Spacey Koala (François Clavet) et Alex Pelletier signent les pièces musicales sous la réalisation de Maïté Samuel-Leduc de Gaspé.
On peut évidemment visualiser la carte des Rencontres et la programmation à partir du site Web et fait à noter : à deux exceptions près, les expositions sont présentées à l’extérieur et permettent donc de profiter à la fois des œuvres et des lieux.
Je souligne aussi les Éditions Escuminac qui publient des livres en lien avec les Rencontres et la photographie. Leur dernier ouvrage, Empreintes, soulignait le 10e anniversaire des Rencontres dans une très belle édition en noir et blanc.
Conversations ou le rapport à l’humain
Chaque année les Rencontres abordent un thème différent autour duquel se greffent les œuvres soit photographiques ou vidéos. « Cette année, Conversations interroge notre rapport à l’intimité, à nos sentiments, à notre environnement immédiat et à l’importance de s’attarder à l’humanité », explique Claude Goulet. Un exercice d’observation à la fois de l’artiste et de l’observateur qui souligne la résilience humaine. « Cette édition réunit 15 artistes, soit autant d’écritures et de formes, laissant une large place au dialogue. Il y est question de politique, de temps, de vie, d’intime et, bien entendu, de territoires », ajoute t-il.
Bon bref, si vous passez par la Gaspésie ou y vivez, ne ratez pas cela, c’est une occasion de découvrir des photographes et des artistes tout en appréciant la beauté gaspésienne et, qui sait d’entamer des Conversations.
Les Rencontres en tournée trois jours plus immersifs
Cette année encore, les Rencontres proposent trois journées de « tournée » qui se tiennent dans trois lieux différents. Coup d’envoi à Carleton comme à chaque année.
3 septembre Carleton Lancement officiel des Rencontres en tournée au Quai des arts.
Exposition sur le livre photo à la bibliothèque.
Présentation de la photographe Nayla Dabaji au rez-de chaussée de la bibliothèque.
Dévoilement d’une œuvre numérique en réalité augmentée, Parc des Horizons.
Projection des œuvres élargies de cinq photographes en soirée
4 septembre Paspédiac Visites des expositions et projections
Présentation des artistes au centre culturel de la ville en soirée
5 septembre Gaspé Exposition d’œuvres numériques au Musée de la Gaspésie en journée
Présentation de photographes et musiciens au Berceau du Canada en soirée
Tout l’été jusqu’au 30 septembre
MRC La-Côte-Gaspé Miroirs acoustiques, Bertrand Carrière (Longueuil) Théâtre de la Vieille-Forge, Petite-Vallée
Plongeons, Sven (Montréal) projet de réalité augmentée. Musée de la Gaspésie, Gaspé.
As if the day never existed (Comme si le jour n’avait jamais existé) Nele Van Canneyt (Belgique), maison Horacio Le Bouthillier (près du Berceau du Canada).
MRC du Rocher-Percé Étoffe de soi : plis et replis, 2021, Maude Arsenault (Montréal), Percé : sur la promenade de mer (secteur historique Charles-Robin du parc national de l’Île-Bonaventure-et-du-Rocher-Percé) et près de la rue du Quai.
Isolement du photographe documentaire, Renaud Philippe (Québec) Chandler parc face à la Cantine du Chenail.
MRC de Bonaventure Time’s out |Temps fluide, Marie-Claude Gendron (Montréal) photos et vidéos,: Centre culturel de Paspébiac et la promenade de la plage.
Pourquoi devrais-je m’arrêter ? Installation vidéo, Leila Zelli (Montréal) Centre culturel de Paspébiac.
A sisterhood (Une communauté de religieuses) Valeria Luongo (Italie/Grande-Bretagne). Près du bureau d’information touristique, Bonaventure.
Ces lieux qui nous habitent, Chloé Beaulac (Longueuil) New Richmond, parc de la pointe Taylor
MRC d’Avignon Maria accueillera Amour, Claudine Doury (France) Près de l’œuvre en acier de l’artiste Yves Gonthier, Le Cadre Naturel.
Trois expositions à Carleton-sur-Mer. Vaste et Vague Documentaire en dérive de Nayla Dabaji (Montréal), Centre d’artistes du 6 août au 6 septembre 2021.
A Dialogue with Solitude (Dialogue avec la solitude), Dave Heath (Toronto), parc des Horizons.
L’espace du livre 2021, bibliothèque Gabrielle-Bernard-Dubé du 30 juillet au 4 septembre 2021. Plus de 25 livres photographiques québécois choisis par le commissaire Serge Allaire et autant de livres français sélectionnés par l’organisme nantais Pratiques et Usages de l’Image, qui abordent l’édition comme l’aboutissement d’une démarche artistique.
Tsiganes, Jacques Léonard (Espagne), Parc national de Miguasha, à Nouvelle, près de l’ancien pavillon d’accueil.
Traces, Yves Arcand (Matane) Lieu historique national de la Bataille-de-la-Ristigouche, à Pointe-à-la-Croix
Les fins douces, Samuel Graveline (Montréal). Belvédère des Deux-Rivières, Matapédia
L’art est essentiel, s’il y a bien une chose que la pandémie nous aura appris, c’est bien celle-là. L’art est un formidable ciment social et quand il descend dans la rue, il transforme les villes, surprend, interpelle ou émeut les passants qui, tout à coup, sourient, sourcillent, commentent, photographient et échangent. C’est cette expérience unique, sympathique et un peu déstabilisante que nous fait vivre cet été jusqu’au 11 octobre, Passages insolites une innovation de l’organisme EXMURO à Québec. Pour cette huitième édition on a, non seulement étendu le parcours, mais on a également inclus les arts vivants dans les rues du Vieux-Québec avec Les embuscades, des performances artistiques furtives qui surgiront sur votre parcours du 14 juillet au 22 août du mercredi au dimanche entre 13h et 17h.
Au détour d’une rue, alors que vous fouinez à une boutique, soudain deux personnages s’animent sous nos yeux, la scène qui nous intrigue d’abord nous déstabilise un peu… Est-ce un jeu ou la réalité? Comédiens, acrobates, chanteurs, musiciens : au total, c’est 30 artistes de cinq disciplines (art multi, théâtre, cirque, musique et danse) qui ont été invités par l’organisme Acte Premier à créer, en toute liberté, des numéros et des performances qu’ils livrent au gré du hasard sur la route des visiteurs de la vieille ville. Quelle idée fantastique, quel bel espace de création pour ces artistes émergents pour la plupart que la pandémie a, dans bien des cas, réduit au silence.
En conférence de presse, Vincent Roy, directeur général et artistique d’EXMURO et Marc Gourdeau, directeur général et artistique de Premier Acte, ont tous deux insisté sur l’importance de provoquer des occasions d’expression et de création pour les artistes, qui du jour au lendemain, pendant la pandémie, se sont retrouvés sans public, sans contrats, sans lieux d’expression et nous, sans eux. Animer les rues d’embuscades artistiques? L’idée m’a vraiment plu. Si vous voulez vous faire surprendre vous aussi à ces sympathiques embuscades, il vous suffit de déambuler dans les rues du vieux Québec d’ici le 22 août et de garder l’œil et l’esprit ouverts. Vous êtes pratiquement assurés de vous faire embusquer, puisque 25 numéros originaux dans 75 prestations/apparitions ont lieu chaque jour dans le Vieux-Québec.
Coup de chapeau à Vincent Roy qui a eu cette idée d’intégrer les arts vivants à l’expérience des Passages insolites et à Marc Gourdeau, qui avec Premier Acte a répondu présent et réuni des artistes et des organisations de plusieurs horizons artistiques, offrant ainsi à des artistes émergents une super plateforme. Je suis toujours impressionnée, voire touchée, par la passion et l’engagement qui animent les gens du milieu culturel. Leur créativité et leur volonté de faire vivre les arts teintent notre vie, y donnent souvent un sens et nous réunissent dans un ressenti collectif qui tisse notre identité culturelle. Les compagnies artistiques impliquées sont L’orchestre d’hommes-orchestres (L’ODHO) en art multi, FLIP Fabrique en arts du cirque, Le Crue en danse, District 7 Production en musique et Théâtre Kata.
Des œuvres qui parlent et font parler
Revenons aux Passages insolites, j’ai pris un vif plaisir à parcourir les rues du Vieux-Québec à la recherche de ces œuvres parfois étranges, pour le moins insolites, mais porteuses de sens. J’ai pris aussi beaucoup de plaisir à voir les touristes, moins nombreux encore cet été, mais tout de même présents, à chercher les carrés et les flèches jaunes au sol qui indiquent le chemin ou la présence des œuvres et à voir leurs réactions. Éclats de rire, sursauts, regards scrutateurs, aucune de ces œuvres ne laissent indifférents. Le corps étendu et coincé entre deux murs, une femme anonyme sans visage, surplombe une ruelle et stoppe la marche des visiteurs. On s’arrête forcément, on commente, on pointe de la tête cette inquiétante représentation d’une femme dont on voudrait connaître l’histoire.
Quelques cris de surprise proviennent des abords d’une petite cabane, ah! tiens c’est un kiosque de crème glacée, mais que diable y sert-on? Je vous laisse le découvrir au pied du Petit Champlain. Et ce pêcheur à la silhouette si vraisemblable et au visage sombre et anonyme qui tient sa ligne au-dessus d’un cours d’eau asséché? Et ces voitures têtes en bas, dont le dessous ainsi exposé est recouvert d’une herbe verte qui y pousse? Bon, je m’arrête là, pas question de tout vous dévoiler, sauf pour vous dire que mon de coup de cœur va à une immense sculpture, autoportrait de l’artiste (rare en sculpture). Je vous invite plutôt à faire le circuit qui, cette année s’est élargi.
Le parcours principal fait environ 5 km, depuis le Petit Champlain, jusqu’à Saint-Sauveur en passant par le Vieux-Port, la Place Royale et Saint-Roch. Au total une vingtaine d’œuvres à découvrir, certaines d’envergures internationales, comme Les voitures pelouses de Benedetto Bufalino (France). Un moment d’adaptation (dans le bassin Louise), œuvre de Nicole Banowetz (États-Unis) ou encore trois œuvres de trois grandes artistes suédoises. Fait à souligner, pour la première fois cette année, il est possible de se procurer le catalogue des œuvres des Passages insolites, qui se détaille à 25 $ et qu’on peut se procurer à l’accueil de l’Espace 400e.
Je vous recommande de débuter votre circuit par une exposition primeur du Boston Museum of Bad Art, le Musée du Bad Art que vous pouvez voir à l’Espace 400e près de la Marina, où vous trouverez aussi les cartes du circuit et les infos d’usage. L’exposition, qui fait partie des Passages insolites, réunit des œuvres «si mauvaises qu’elles ne peuvent être ignorées».
C’est une idée qui nous arrive de Boston et qui semble farfelue, mais qui est pourtant très intéressante, car elle pousse la réflexion sur ce qui constitue ou non une œuvre d’art, une œuvre réussie ou non. Gaucheries dans la technique, dans la palette ou dans le sujet, ces œuvres font à la fois sourire et réfléchir. L’exposition vous demandera environ 30 à 40 minutes, c’est gratuit comme toutes les prestations et le circuit des Passages insolites et des Embuscades. Et si le Bad art vous intéresse, vous pouvez pousser l’expérience plus loin par une visite virtuelle du musée bostonnais http://museumofbadart.org
Le Vieux-Québec, n’est jamais ennuyant. S’y faire « piéger » par des artistes ou surprendre par des œuvres, rend la visite encore plus sympathique et enrichissante. Laissez-vous prendre au jeu!
Les passages insolites ailleurs au Québec
En version plus réduite mais tout aussi sympathique, les Passages insolites laissent leur marque à Longueuil, à Trois-Rivières, à Terrebonne, à Gatineau et à Montréal avec des œuvres qui ont déjà fait partie du parcours de Québec. À découvrir…
Faire du canot à glace sur le fleuve Saint-Laurent et du fatbike entre le Vieux-Québec et le Grand Marché procure son lot de sensations, en plus d’offrir des panoramas inusités sur ou dans la ville et ses abords glacés.
Les activités guidées en petit groupe sont désormais autorisées dans la province en respectant les règles de la Santé publique. Le plein air de proximité s’impose cependant pour respecter les recommandations sanitaires. Si vous habitez la région de Québec, profitez de ces deux activités sportives qui vous montreront la ville sous un autre angle. Aux autres, que cette lecture soit une source d’inspiration pour le futur!
En canot dans les glaces du Saint-Laurent
À regarder les amoncellements de glace torturée qui «naviguent» sur le fleuve au gré de la marée montante, je suis prise d’un certain vertige. Nous sommes près de l’anse au Foulon, à deux pas du boulevard Champlain, entre le Vieux-Québec et «les ponts». Il fait un temps de rêve: ciel bleu, soleil éclatant, pas de vent. «C’est parfait», lâche Julien Harvey. De son grand-père, capitaine de caboteur, et de ses parents de L’Isle-aux-Coudres, adeptes de courses en canot à glace, il a hérité ce goût du Saint-Laurent et de ce drôle de sport qui fut autrefois un essentiel moyen de transport hivernal entre les îles et les berges du «fleuve aux grandes eaux».
Julien a tout pour rassurer les troupes, insistant sur l’aspect «initiation au canot à glace» de l’activité, qu’il propose à des groupes de trois personnes seulement à la fois, encadrés par deux guides et dûment masqués. L’équipage d’un canot à glace est toujours de cinq personnes, trois au milieu, un capitaine de navigation à l’arrière et un capitaine des glaces à l’avant. Le nom de l’entreprise (Canot à Glace Expérience) qu’il a créée fin 2019 le dit bien: préparez-vous à vivre une «expérience» en forme de «baptême des glaces», dont j’ajouterais qu’elle est vraiment unique et hors du commun. Seule condition: être en relative bonne forme physique et assez souple. «Nous adaptons notre rythme au groupe», précise néanmoins Julien.
Une fois bien équipés de gants aux mains, bas et bottes de néoprène aux pieds, ainsi que de protecteurs de jambes (à la façon d’un gardien de but de hockey), on pousse le long et lourd canot sur la neige. Démarre ensuite une petite séance d’apprentissage des manœuvres qui, pour faire avancer l’embarcation, se limitent à deux: ramer et trottiner. Ramer sur l’eau, quand eau il y a; trottiner d’un pied sur les glaces, quand il y en a.
La difficulté réside surtout dans le passage (rapide) de la position de rameur à celle de trottineur puisqu’on joue des rames en étant tourné vers l’arrière et qu’on patine, tourné vers l’avant. Il faut donc ranger rapidement la longue rame dans le canot quand on atteint une surface de glace, se retourner dans le canot vers l’avant, puis placer un genou plié dans une encoche prévue à cet effet et l’autre jambe à l’extérieur du canot, le tout en gardant ses mains agrippées à ce qu’on peut et son centre de gravité à l’intérieur.
Passée l’expérimentation sur la neige, les glaces nous attendent! L’amas des bords est impressionnant, mais on ne peut plus reculer. Le canot glisse sur la neige, puis «plonge» au niveau des glaces. Nous embarquons en position «trottinage», facilitée par de gros crampons attachés aux pieds, mais les chaos de blocs de glace enchevêtrés paraissent infranchissables. À l’avant, on tire le canot d’un bord à l’autre pendant que les autres patinent, soulevant cuisses et genoux pour ne pas rester coincés.
«Le plus important, avait dit Julien avant le départ, c’est la synchronisation et la communication entre les membres de l’équipage», mais une fois sur le fleuve, c’est un peu la pagaille dans le bruit assourdissant des crissements de la glace sur le canot. Cinquante mètres plus loin, le canot atteint une zone d’eau. Il faut rembarquer la jambe pendante, se tourner, s’asseoir et reprendre sa rame. C’est presque le repos et le temps d’admirer un peu le paysage! Nous sommes au milieu du fleuve, à hauteur de la marina du Yacht Club de Québec, surplombée par la falaise, et face au quai Ultramar de Lévis. Nos guides cherchent les meilleurs passages dans les amas de glace dérivante et ceux en eau libre. Parfois, la glace est complètement lisse, mais fragile, et nos pieds plongent à travers, se transformant en nageoires.
La pause est bienvenue dans l’anse au Foulon, parfaitement gelée, puis aux abords d’un «iceberg» au milieu du fleuve, pour boire un bon chocolat chaud et manger une gâterie de la boulangerie-pâtisserie Croquembouche du quartier Saint-Roch. Le groupe est bien d’attaque ensuite pour entamer le trajet du retour, avec son lot de zones d’eau libre et de plaques de glaces chaotiques. On rentre euphorique, et même si le lendemain, certains muscles se rappellent douloureusement à notre souvenir, on se dit que c’est pour la bonne cause: celle du plaisir éprouvé à «vivre» le fleuve autrement.
En fatbike, du Vieux-Québec à Limoilou
Pour poursuivre la visite originale de Québec, rien de mieux qu’un tour guidé en fatbike avec Émilie, sympathique propriétaire de la nouvelle entreprise Tuque & Bicycle Expériences, qui a bénéficié d’une campagne de sociofinancement avec La Ruche fin 2020. «Je ne suis pas la seule qui a de la misère à respirer présentement, qui a besoin de décrocher, qui a besoin de se sentir en sécurité», dit la jeune entrepreneure, qui propose ces sorties en fatbike à Québec comme une façon, pour des débutants, de «s’initier au bonheur de pédaler sur la neige». Son circuit passe par les rues de la Basse-Ville, les sentiers enneigés du parc de la Rivière-Saint-Charles et le Grand Marché de Québec dans Limoilou.
De Cyclo Services, sur la rue Saint-Paul, nous partons pour une bonne heure et demie de balade en direction d’abord du Vieux-Québec, par de petites rues pavées. Premier arrêt à la Batterie Royale, face au fleuve, avec le Petit-Champlain et le grand Château Frontenac pour décor arrière. Nos vélos dodus (à pneus surdimensionnés) empruntent ensuite l’étroite rue Sous-le-Cap, qui longe le pied de l’impressionnante falaise nommée Cap-du-Sault-au-Matelot et passe sous des passerelles de bois datant de la Nouvelle-France et reliant toujours les maisons à des hangars.
Émilie nous ramène ensuite sur le quai Saint-André, puis au bord du bassin Louise, avant de rejoindre les sentiers enneigés du parc linéaire de la Rivière-Saint-Charles. Nous filons ainsi sur la neige bien tapée jusqu’au lieu historique Cartier-Brébeuf. Rue de Meulles, elle nous raconte l’histoire de l’usine SLM, qui commença à fabriquer des lames de patins en 1946 et en devint le premier producteur mondial. Ce qu’il en reste dans le quartier Limoilou, que nous traversons: des retailles de lames qui servent à la décoration de nombreuses galeries en fer forgé.
Nous prenons ensuite la direction du Grand Marché de Québec, dans le même quartier. Sur la place Jean-Béliveau, face au Centre Videotron, s’élève une magnifique sculpture, œuvre monumentale du duo d’artistes de Québec Jean-François Cooke et Pierre Sasseville, nommée La rencontre et représentant deux cerfs de Virginie comme en reflet sur de la glace. À l’arrêt au marché, Émilie ira nous chercher des boissons chaudes de la Brûlerie Rousseau, idéales avant d’entreprendre le chemin du retour en fatbike, toujours dans la neige tapée, sur l’autre rive de la rivière Saint-Charles. Que du bonheur sur deux roues!
Infos pratiques
Canot à glace:
195$ par adulte.
Forfait Canot et Strøm Spa Nordique: à partir de 245$ par personne. Vérifiez les services offerts au spa en temps de pandémie.
Comment se porte l’industrie touristique au Québec, alors que les frontières sont toujours fermées? Quelles régions et quelles entreprises s’en tirent le mieux? Si la «réinvention» a ses limites, la créativité constitue sans contredit une formidable alliée dans le contexte actuel, mais aussi pour l’avenir. Deuxième texte pour faire le point sur la situation du tourisme, cette fois-ci en se concentrant sur la Belle Province. (Pour lire le premier texte, par ici.)
Le tourisme au Québec, c’est beaucoup plus que les parcs nationaux et des icônes comme le rocher Percé. Selon des données du ministère du Tourisme relayées par l’Alliance de l’industrie touristique du Québec, en 2018, 402 000 personnes gravitaient dans cet univers, ce qui représente 9% des emplois générés par l’économie québécoise. Plus des deux tiers des quelque 30 000 entreprises liées à l’activité touristique se trouvent à l’extérieur des régions de Montréal et Québec et la majorité comptent moins de 20 employés.
Depuis mars 2020, toutes ont vécu les montagnes russes causées par la COVID-19, mais certaines ont ressenti plus violemment les descentes. Les mesures sanitaires rigoureuses étant plus difficiles à appliquer dans certains milieux, des entreprises n’ont eu d’autre choix que de suspendre leurs opérations, temporairement ou non, car parfois, le jeu n’en valait tout simplement pas la chandelle: le nombre de visiteurs permis et les frais encourus annihilaient toute tentative de sauvetage.
«C’est la pire crise, mondialement, que l’industrie a connue, résume Martin Soucy, président-directeur général de l’Alliance de l’industrie touristique du Québec. La baisse des vols internationaux est de 70% au niveau canadien et nous avons connu une baisse du chiffre d’affaires de plus de 60%. Le tourisme est l’une des premières industries frappées et ce sera l’une des dernières qui va se relever parce que nous sommes tributaires des rassemblements et des déplacements, qui sont deux des éléments sur lesquels la pandémie a le plus d’impact.»
Comment avancer quand son élan est constamment freiné par des éléments hors de son contrôle? Comment garder la foi quand chaque éclaircie est brouillée par une nouvelle averse? «C’est comme un marathon, mais avec une ligne d’arrivée qui se repousse constamment», illustre M. Soucy.
Des chiffres qui frappent
L’absence de touristes internationaux fait mal. Entre juin et août 2020, les attraits phares de la métropole ont connu une baisse de fréquentation de 75% selon Tourisme Montréal. Un communiqué de presse émis en octobre dernier faisait état d’une diminution de 95% du nombre de passagers à l’aéroport Montréal-Trudeau. De mai à juillet, moins de 25 000 voyageurs ont traversé les frontières canadiennes, ce qui représente une baisse de 97,8% par rapport à la même période en 2019. Dans l’est du Québec, le bilan de 2020 n’est guère plus reluisant, malgré un rebond pendant l’été.
Avant la pandémie, les voyageurs internationaux constituaient la principale clientèle de la métropole et de la capitale nationale. «Tout le trafic hors Québec est à 70% localisé à Québec et Montréal et à 30% dans les régions, alors que pour les Québécois, c’est 70% dans les régions et 30% à Québec et Montréal», explique Martin Soucy. À la lumière de ces chiffres, on s’étonne moins de la désertion des rues habituellement achalandées du Vieux-Montréal et du Vieux-Québec en haute saison.
Au cours de l’été 2020, certains coins de pays ont tout de même réussi à bien tirer leur épingle du jeu. Si l’on se fie au taux d’occupation des hébergements, quatre régions ont même connu une hausse de fréquentation, selon Martin Soucy: la Gaspésie, les Laurentides, les Cantons-de-l’Est et Duplessis, sur la Côte-Nord.
D’avril à septembre 2020, une enquête en trois volets sur les impacts de la COVID-19 sur l’industrie touristique québécoise menée par la Chaire de tourisme Transat, en partenariat avec le ministère du Tourisme, l’Alliance de l’industrie touristique du Québec et les associations touristiques régionales et sectorielles, a révélé que 47% des organisations sondées ont vu leur situation financière se détériorer au printemps 2020. À la fin du mois d’août, «45% des entreprises interrogées jugeaient que leur sort s’était amélioré durant l’été». Sans grand étonnement, ce n’est pas le cas des grands centres, où environ 57% des répondants ont plutôt constaté que leur situation financière avait piqué du nez malgré le déconfinement et les vacances estivales.
Afin d’agir de manière plus proactive, des acteurs de l’industrie se sont mobilisés et ont formé la Conférence économique de l’industrie touristique québécoise l’automne dernier. Six femmes et six hommes propriétaires d’entreprises touristiques, dont Christiane Germain, coprésidente des Hôtels Germain, et Alain April, directeur général et copropriétaire de l’hôtel Le Bonne Entente et d’Entourage-sur-le-Lac, y siègent. Leur objectif: proposer des solutions concrètes aux instances politiques afin d’éviter la déstructuration de l’industrie touristique.
Les chiffres qui défilent sur la page d’accueil du site Web sont éloquents. On mentionne notamment que le taux d’occupation des hôtels est de 5 à 15% en zone urbaine. «Le tourisme est un des secteurs économiques le plus durement touché par la pandémie mondiale», peut-on lire. Après cinq années consécutives de croissance, plusieurs experts s’attendent à ce qu’il ne retrouve pas avant 2024 sa vigueur de 2019. En octobre 2020, le président du regroupement, l’ancien ministre libéral et avocat Raymond Bachand, n’avait pas hésité à parler de «désastre» pour qualifier la situation.
Se «revirer sur un dix cents»
Depuis le printemps dernier, de nombreuses mesures ont dû être mises en place en coulisses pour permettre une reprise, au moins minimale, des opérations. Événements Attractions Québec a par exemple été mandaté pour concevoir les guides sanitaires et accompagner les entreprises dans leur application.
François-G. Chevrier, directeur général, souligne la rigueur des différents acteurs de l’industrie. «Il n’y a pas eu d’éclosions provenant d’activités touristiques, ce qui est une nouvelle encourageante pour les Québécois qui commencent à penser à l’été prochain», dit-il.
Parmi les initiatives soutenues par le ministère du Tourisme au cours des derniers mois, le Passeport Attraits, destiné aux Québécois, a connu un franc succès. Aussi gérés par Événements Attractions Québec, les passeports de l’été 2020, qui offraient des rabais de 20, 30 ou 40% selon le nombre d’attractions sélectionnées, se sont tous envolés (à noter qu’il en reste toujours pour la saison hivernale).
Malgré les bonnes nouvelles, François-G. Chevrier apporte quelques bémols. «Nous avons eu une saison estivale au-delà des espérances, mais les données que nous avons sont pour un été plus court qu’à l’habitude. L’absence de clientèle hors Québec a eu un impact. Les attraits sont allés chercher de 25 à 30% des achalandages [habituels]. La capacité d’accueil devait rester limitée pour permettre la distanciation. Par exemple, le Zoo de Saint-Félicien était peut-être sold out, mais cela reste 30% de la capacité normale. C’est une bonne nouvelle que certains aient affiché complet, mais c’était à peine rentable. Nous étions contents que les équipes puissent travailler et accueillir les visiteurs, mais ce fut une année difficile.»
Des régions aux réalités différentes
Par leurs réalités géographiques, leur climat et leur distance avec les grands centres, les régions du Québec ne font pas toutes face aux mêmes défis. Il suffit de se rappeler la complexité des déplacements terrestres vers les îles de la Madeleine l’été dernier, alors que les voyageurs devaient composer avec les règles – changeantes et pas toujours claires – imposées par les provinces maritimes traversées. Des régions comme la Côte-Nord, dont la haute saison touristique est plus courte, ont aussi moins souffert du début tardif des activités de l’été 2020 puisque les visiteurs s’y rendent habituellement surtout après le 24 juin, pandémie ou pas.
Aussi soutenus par le ministère du Tourisme, les forfaits Explore Québec, qui proposent un rabais minimal de 25% sur des séjours sélectionnés, semblent avoir encore du mal à trouver leur cible. Il faut dire que les Québécois élaborent généralement eux-mêmes leurs projets de vacances dans la province. L’idée reste toutefois intéressante pour explorer des coins méconnus, surtout s’ils exigent une logistique plus complexe. C’est l’association des Agences réceptives et forfaitises du Québec (ARF-Québec) qui est mandataire du programme, en collaboration avec Bonjour Québec.
Tous au chalet!
S’il y a une chose positive relevée depuis le début de la pandémie, c’est bien le désir des Québécois de profiter du plein air et des grands espaces. Lors de sa mise en vente en juin dernier, l’édition spéciale de la carte annuelle de la Sépaq, vendue à moitié prix, a connu un succès retentissant. Plus de 60 000 cartes ont trouvé preneur en une seule journée. L’été 2020 a d’ailleurs fracassé tous les records de la Sépaq. Simon Boivin, responsable des relations avec les médias et vice-président commercialisation, rapporte que «malgré le contexte particulier, jamais autant de Québécois n’ont visité leurs parcs nationaux que lors de la dernière période estivale, avec un total de 4,8 millions de jours/visite, une hausse de 14% par rapport à l’an passé».
Fait intéressant, une nouvelle clientèle a pris d’assaut les parcs du réseau. «Nous avons redécouvert nos parcs nationaux et nos attraits», observe Martin Soucy.
Pendant que les hôtels tiraient le diable par la queue, nous avons également assisté à une véritable ruée vers les chalets et autres hébergements pouvant accueillir une bulle composée de deux à six personnes. Les lieux en pleine nature avec WiFi continuent d’avoir la cote depuis que le télétravail est la «nouvelle normalité». Sans encourager les déplacements, le premier ministre François Legault a répété à maintes reprises aux propriétaires et locataires de chalets d’éviter les contacts au maximum et de privilégier l’achat d’emplettes pour toute la durée du séjour, avant le départ.
Des événements adaptés
Sans grande surprise, les organisateurs d’événements ont été particulièrement touchés par la pandémie. Certains ont usé d’imagination pour proposer d’autres options.
Le Festif! de Baie-Saint-Paul est sans doute l’un des meilleurs exemples de résilience. Au début de l’été 2020, l’équipe a notamment mis en place des sessions d’écoute dans des lieux enchanteurs de la ville. Contrainte de devoir annuler «La Petite Affaire», version intimiste de son festival annuel concoctée in extremis à la suite de l’annonce des nouvelles exigences de la Santé publique, elle a aussi élaboré une «Tournée de portes», série de microconcerts donnés dans la cour des résidents de la ville. L’équipe a bon espoir de pouvoir accueillir les festivaliers pour sa 11e édition en juillet 2021.
D’autres événements ont opté pour une version virtuelle ou hybride, comme le Carnaval de Québec, qui a proposé cette année des soirées thématiques sur sa chaîne YouTube, mais aussi des lieux à visiter dans différents secteurs de la ville pour éviter les rassemblements.
«Certains n’ont pas trouvé d’alternatives, mais plusieurs ont développé des angles intéressants pour eux et leurs partenaires», soutient François-G. Chevrier. La Virée nordique de Charlevoix invite par exemple les adeptes de sports d’hiver à relever cinq défis dans leur propre région. «Les gens se filment et partagent leur défi sur les réseaux sociaux, pour inciter à aller jouer dehors», précise M. Chevrier.
L’année de Charlevoix, vue de l’intérieur
L’exemple de Charlevoix permet d’avoir un bon aperçu de la gamme d’émotions traversées un peu partout au Québec au cours des derniers mois.
Directeur général de Tourisme Charlevoix, Mitchell Dion raconte que la région connaissait un excellent début d’année au moment où la pandémie a frappé. «Nous nous apprêtions à battre le record du meilleur hiver de toute l’histoire. Le taux d’hébergement, qui tient compte des lieux de quatre unités et plus – donc, sans les chalets –, laissait présager une année exceptionnelle. En janvier 2020, notre taux d’occupation avait augmenté de 7% par rapport à l’année d’avant et en février, de 2,3%. Nous étions vraiment sur une bonne lancée. Nous avions aussi connu une bonne semaine de relâche. Quand c’est arrivé, ce fut très brusque considérant que nous étions dans un élan.»
L’été a apporté une bouffée d’espoir. «Nous avons été surpris de voir à quel point l’été a été bon dans Charlevoix, dit-il. […] Juillet, août et septembre ont été exceptionnels. Nous avons connu une baisse de 2,4% en juillet. En août, notre taux d’occupation était de 80%, par rapport à 80,7% en 2019.»
Dès l’entrée en vigueur du nouveau système de couleurs et des paliers d’alerte par zone, en octobre, le vent a tourné. «Novembre et décembre ont été très difficiles», admet-il.
Il relève tout de même certains points positifs dans l’océan de mauvaises nouvelles. «Le premier est que de plus en plus de familles viennent dans la région. Traditionnellement, Charlevoix était une destination prisée des plus jeunes, qui veulent faire des activités sportives, et des couples de 55 ans et plus en escapade. Le deuxième point est que beaucoup de gens qui prenaient des vacances sur la côte est américaine ou dans le Sud ont profité de l’occasion pour découvrir notre Québec.»
D’un point de vue plus philosophique, il voit également cette période trouble comme un bon moment pour mettre de l’avant certaines pratiques plus écoresponsables. «L’espèce de pause qui s’est imposée sur la planète a entraîné toutes sortes de phénomènes. […] Ce fut l’occasion de voir que notre façon de vivre effrénée n’était pas durable. Pour nous, chez Tourisme Charlevoix, c’est l’occasion de peser un peu plus sur la pédale pour aller vers une pratique plus écoresponsable. C’est un virage que nous souhaitons prendre au cours des prochaines années.»
La techno à la rescousse
Un autre virage accéléré par la pandémie a été celui des technologies. Des hôtels, dont Le Germain Montréal et le Boxotel, dans le Quartier des spectacles, ont installé des bornes permettant les arrivées sans contact.
Du côté des attraits, l’achat des billets par Internet est devenu la norme. Plusieurs institutions muséales ont également instauré la réservation de plages horaires pour éviter les files d’attente. C’est le cas du Biodôme de Montréal, qui a rouvert ses portes le 31 août dernier après plus de deux ans de travaux… avant de refermer à la fin de septembre 2020 jusqu’au 8 février 2021.
Pour son directeur, Yves Paris, il ne fait aucun doute que les achats en ligne et la réservation de plages horaires perdureront. «Nous avions déjà décidé d’avoir une billetterie en ligne. Nous ne voulions pas, à la réouverture, avoir des files d’attente comme par le passé. Nous nous étions mis comme objectif que 85% des gens devraient acheter leurs billets par Internet. […] Dans les faits, c’est presque 100% qui ont acheté leurs billets en ligne.»
La réservation d’une heure de visite permet de mieux répartir le nombre de visiteurs au cours de la journée. «Auparavant, les gens venaient entre 10h et 14h et c’était la cohue alors qu’il n’y avait personne à 17h. Je pense que cela améliore beaucoup la qualité de l’expérience.» Actuellement, 400 personnes peuvent explorer les salles rénovées du Biodôme. Lors des journées les plus achalandées de l’été, avant la fermeture, on en comptait parfois jusqu’à 4000… «Les gens ont une visite V.I.P!» lance le directeur.
Lors du Gueuleton Tourisme 2021: entre défis et occasions d’affaires, organisé par le Réseau de veille en tourisme en janvier, le directeur du MT Lab, Martin Lessard, a fait mention de l’accélération des compétences en ligne. «Il n’y aura pas de retour en arrière. Je ne crois pas que les transactions en ligne vont disparaître, tout comme la réservation du créneau horaire. On peut dire qu’on a enfin eu le rattrapage de la culture numérique.»
À quoi s’attendre pour les vacances d’été?
Lors du même événement, entièrement virtuel, Marc-Antoine Vachon, titulaire de la Chaire de tourisme Transat, a souligné l’intérêt marqué des Québécois à explorer la Belle Province. «Selon une enquête menée par la Chaire à l’automne dernier, 76% des voyageurs québécois ayant visité la province durant l’été 2020 ont dit désirer en découvrir plus.»
Si, à l’heure actuelle, le gouvernement demande toujours aux Québécois d’éviter les déplacements interrégionaux non essentiels, on peut espérer que la situation permettra un assouplissement des mesures d’ici l’été. Plusieurs observateurs ont par ailleurs noté qu’un nombre grandissant de voyageurs opte pour des séjours plus longs à l’intérieur de la province, ce qui leur permet de parcourir de plus longues distances.
Chose certaine, la tendance des séjours de dernière minute, qui semblait bien ancrée dans les habitudes des Québécois accros aux bulletins météo, semble se renverser. Malgré l’incertitude ambiante, les réservations vont bon train dans les destinations les plus populaires, comme en a fait étatLe Soleil le 12 février. «Tourisme Gaspésie: l’été 2021 presque déjà complet», titrait le quotidien de la Vieille Capitale. Le défi, cette année, sera de gérer adéquatement le flux de touristes afin d’éviter les écueils de l’été 2020.
À la Sépaq, où 20% des disponibilités de camping pour l’été 2021 se sont envolées lors de la première journée de réservations, le 14 novembre 2020, on s’attend aussi à un été similaire à 2020. Simon Boivin suggère de planifier ses vacances dès maintenant. Selon lui, mieux vaut se fier aux règles en vigueur actuellement plutôt qu’anticiper celles de l’été prochain. «Penser davantage en fonction des consignes en vigueur présentement réduit le risque de devoir changer les plans si elles le sont toujours cet été, croit-il. Regarder dans sa région en premier évite de risquer de devoir annuler au cas où les déplacements seraient déconseillés.» Il ajoute toutefois que les politiques flexibles permettront d’annuler un séjour si les conditions ne permettent pas d’en profiter le moment venu.
Une bouffée d’espoir
Malgré les secousses de la dernière année, la plupart des experts consultés au cours des dernières semaines entrevoient tout de même l’avenir avec optimisme. Martin Soucy souligne l’esprit de solidarité qui règne dans l’industrie touristique et l’innovation dont elle fait preuve. «Certaines choses mises en place pendant la pandémie vont rester, dit-il. […] Nous sommes une industrie qui sait saisir les opportunités.»
Afin de mieux évaluer où en sont les hôteliers de Montréal et Québec, les associations hôtelières des deux villes ont fait équipe pour réaliser un sondage trimestriel auprès de leurs membres. La seconde édition, effectuée entre les 25 et 28 janvier 2021 auprès de 79 répondants de l’AHRQ et de 72 de l’AHGM, a démontré que l’aide accordée par les différents paliers de gouvernement, qu’il s’agisse de la subvention salariale, des différents programmes de prêts, des reports de taxes foncières et des autres mesures annoncées au cours des derniers mois, a apporté un peu d’oxygène à l’industrie.
Bien qu’en tenant compte uniquement des revenus d’hébergement, le manque à gagner de ces deux villes dépasse le milliard de dollars, l’espérance de survie s’est améliorée par rapport au trimestre précédent. «Sans ces programmes, un grand nombre d’établissements n’auraient simplement pas été en mesure de survivre, observe TourismExpress. Toutefois, la partie n’est pas gagnée et il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour nos entrepreneurs.»
Parmi les projets à surveiller au cours des prochains mois, mentionnons la Coopérative de transport régional du Québec TREQ, qui souhaite assurer des vols à prix compétitifs entre plusieurs villes de la province. «Notre mission est de doter le Québec d’un réel transporteur aérien régional au service des régions et de leur développement tout en assurant l’offre de billets d’avion à bas prix», peut-on lire sur le site.
La campagne de vaccination jouera assurément un rôle déterminant dans les choix à venir, mais aussi la mise en valeur de notre territoire et de ses richesses. Mitchell Dion déplore que certains perçoivent encore le Québec comme un «prix de consolation» et espère que les Québécois profiteront l’été prochain des «expériences de calibre international».
Confiant face à l’avenir, Martin Soucy dit quant à lui prôner un «pragmatisme éclairé». «Il faut réfléchir à comment nous allons développer nos destinations de manière durable, conclut-il. […] Le Québec sera très bien positionné dans ce que sera le tourisme pour la suite.»