Fascinant, intéressant et surtout pertinent à tous les points de vue, le documentaire pour lequel Claudia Larochelle a fouillé en profondeur le désamour des Québécois pour la lecture fait mouche! Attention, pas de misérabilisme ici, des faits, des réponses et des solutions, et surtout des arguments pour expliquer l’importance de la lecture pour l’individu, mais aussi pour la société. Car vous ne le saviez peut-être pas, mais notre piètre performance en lecture a un coût qui se chiffre en milliards de dollars! Lire pour vivre sera présenté sur les ondes de Savoir Média le 23 avril, à 18h, et est heureusement aussi disponible en ligne, car tout le monde devrait le voir.
Une arme de développement économique
Pour parler de littératie et comprendre pourquoi les Québécois tournent le dos à la lecture, parfois dès l’enfance, à la fin de leurs études ou à l’âge adulte, la journaliste a rencontré des experts du milieu et des acteurs de divers horizons comme Pierre Langlois, économiste, qui a fait plusieurs études pour le compte de la Fondation pour l’alphabétisation. Ses arguments sont bétons et doivent être servis à ceux qui pensent que les livres et la lecture sont un luxe ou un simple loisir que nous n’aurions pas les moyens de nous offrir collectivement. Au contraire, répond-il: «La lecture est une arme de développement économique.»
Le Québec se classe loin derrière plusieurs provinces pour son niveau moyen de littératie. Sept points derrière l’Ontario. Or l’économiste est formel: simplement en comblant cet écart, le produit intérieur brut (PIB) du Québec grimperait de 5 milliards $ par année. Parce qu’un citoyen qui maîtrise bien la lecture peut suivre des formations, travailler dans des emplois plus spécialisés, gravir les échelons, etc.
Pour ce documentaire, réalisé par Michel Pelletier, qui sera diffusé à l'occasion de la Journée mondiale du livre et du droit d'auteur, Claudia Larochelle a également tendu le micro à des étudiants, mais aussi à des experts comme Linda S. Pagani, docteure en psychologie, qui démontre, études à l’appui, que le livre papier et l’apprentissage papier-crayon (plutôt que sur tablette) est essentiel au développement cognitif et socioémotionnel.
Interpellé lui aussi, le ministre de la Culture et des Communications du Québec, Mathieu Lacombe, raconte comment les livres lui ont permis de se développer malgré une enfance difficile et des parents peu scolarisés. L’année 2025 sera l’année du Livre et de la lecture au Québec, explique-t-il. Les ressources suivront-elles?À surveiller...
Et il faut entendre le témoignage de Ruba Ghazal, arrivée au Québec à l’âge de dix ans, députée de Québec solidaire, raconter comment les livres lui ont permis d’acquérir un français impeccable et de s’intégrer à la culture québécoise.
Un supplément d’âme
La journaliste a bien sûr rencontré des bibliothécaires, des auteurs et des professeurs, dont Daniel Pennac, auteur à succès et professeur de français pendant de longues années, et Kim Nunès, qui base tout son enseignement dans sa classe du primaire des Laurentides autour des livres, même pour les mathématiques!
Parmi les professeurs, une autre perle: Jean Désy, auteur, mais aussi médecin, et qui enseigne la littérature aux étudiants… en médecine à l’Université Laval. Parce que, dit-il, lire des romans permet de nommer et d’explorer toute la gamme des émotions. Pourquoi est-ce important que des étudiants en médecin lisent? «Pour un supplément d’âme?», suggère Claudia Larochelle. Le professeur approuve.
Un supplément d’âme aussi dans les bibliothèques, qu’on voit à travers le regard éclairé de Louise Guillemette-Larbory, chargée par la Ville de Montréal, au début des années 2000, d’améliorer l’offre aux Montréalais, qui accusent toujours un retard sur ce qui se fait ailleurs.
Vous l’aurez compris, j’ai tout aimé de ce documentaire, et non pas parce que Claudia signe nos rubriques Société et culture et Bouquiner sur Avenues.ca depuis neuf ans, mais parce que ce film, pas du tout pompeux et très bien fait, met le doigt sur un grave problème qui prive le Québec d'une ressource essentielle car un Québécois ou une Québécoise qui ne maîtrise pas assez la lecture pour comprendre un texte soutenu (soit 53% des Québécois) n’est pas à même d’exercer tous ses droits et devoirs de citoyen, de comprendre et de décoder la société qui l"entoure. Il ou elle se tourne alors vers des discours simplistes et les réseaux sociaux avec, hélas, le résultat qu’on connaît…
Lire pour vivre: Diffusion le 23 avril sur Savoir Média à 18h, et disponible en ligne sur le site de Savoir Média.