Si Paul McCartney et Ringo Starr ont été en mesure de lancer une nouvelle chanson des Beatles au cours des derniers jours, c’est en grande partie grâce à l’intelligence artificielle (IA). Voici pourquoi.
I know it’s true
It’s all because of you
And if I make it through
It’s all because of you
Ces paroles chantées par John Lennon en ouverture de Now and Then, qui trône en ce moment au sommet du palmarès des téléchargements sur iTunes, auraient bien pu ne jamais être entendues, sauf par quelques privilégiés.
D’abord enregistrée au piano en 1977 ou en 1978 sur un petit enregistreur à cassettes, Now and Then n’était qu’un simple démo fait par John Lennon, une façon de préserver une chanson en attendant de l’enregistrer convenablement dans un studio.
Un essai raté en 1995
En 1994, alors que les trois derniers Beatles épluchaient leurs archives pour le projet documentaire The Beatles Anthology, Yoko Ono donna une cassette contenant quelques chansons à Paul McCartney, Ringo Starr et George Harrison.
Deux pièces avaient alors été retravaillées par les Beatles, et lancées en même temps que Beatles Anthology: Free as a Bird et Real Love.
Une troisième chanson avait aussi été travaillée par les Beatles: Now and Then. La qualité du démo était toutefois inférieure aux autres: le son grichait, une télé allumée pouvait être entendue en arrière-plan et, surtout, la mélodie du piano était trop forte par rapport à la voix, ce qui limitait beaucoup les possibilités. «Chaque fois qu’on voulait entendre la voix de John, le piano devenait trop fort», se rappelle Paul McCartney, dans un court documentaire sur la création de Now and Then.
À l’époque, les trois Beatles avaient fini par abandonner le projet.
Une nouvelle technologie développée pour Get Back change la donne
Le réalisateur Peter Jackson, connu notamment pour la trilogie Le seigneur des anneaux, a lancé en 2021 The Beatles: Get Back, une série documentaire montée à partir de 150 heures d’enregistrements audio et de 60 heures de films enregistrés lors de la création de l’album Get Back des Beatles.
Ça ne paraît pas lorsque l’on regarde la série, mais il s’agit d’un véritable tour de force technologique. Différents algorithmes d’apprentissage automatique ont été développés et utilisés, notamment pour améliorer la qualité de l’image, améliorer la qualité de l’audio et, surtout, pour isoler les différents sons que l’on pouvait entendre.
«Parfois, je voulais montrer Ringo en train de jouer de la batterie, mais son instrument était presque inaudible», avait expliqué à l’époque Peter Jackson au magazine Variety. Des outils d’intelligence artificielle avaient donc été entraînés à reconnaître notamment le son d’une guitare, d’une voix, d’une batterie ou d’un piano, et à les isoler d’un enregistrement.
Des outils du genre ne sont pas uniques (ou du moins, ils ne le sont plus). Le service Lalal.ai, par exemple, permet à n’importe qui d’isoler ou de retirer des instruments ou des voix d’une chanson (pratique pour un karaoké).
L’outil de Peter Jackson, MAL, a toutefois été entraîné spécifiquement sur les Beatles. Et comme celui-ci avait un accès privilégié au répertoire du groupe britannique, l’outil n’a pas seulement été entraîné à reconnaître à quoi doit ressembler une voix en général. Il a été entraîné à reconnaître et isoler spécifiquement les voix de John Lennon, Paul McCartney, Ringo Starr et George Harrison, ainsi que leurs instruments.
Les outils de Get Back à la rescousse de Now and Then
C’est armé de MAL que Paul McCartney et Ringo Starr se sont attaqués à Now and Then, deux décennies après leur première tentative et environ 45 ans après son enregistrement initial.
Avec la voix de John Lennon séparée de son piano, les deux Beatles ont été en mesure d’ajouter de la guitare basse et de la batterie à la chanson, mais aussi d’utiliser des pistes de guitare enregistrées en 1995 par George Harrison.
Ce n’est donc pas comme ces chansons créées par intelligence artificielle qui avait retenu l’attention il y a quelques mois. Ici, l’intelligence artificielle n’a rien inventé ou copié. Elle a simplement permis de récupérer ce qui existait déjà. La voix a été légèrement retouchée (elle a notamment été accélérée par rapport au démo original), mais c’est bel et bien John Lennon qui chante.
«Mon père aurait aimé ça, car il n’avait pas peur d’expérimenter avec les technologies d’enregistrement», estime son fils Sean Ono-Lennon, dans le documentaire sur Now and Then.
Mais la pièce elle-même, que vaut-elle? Vous pouvez en juger ici par vous-même: