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Nos coups de cœur aux Grands Prix du Design 2023

Le deuxième gala des Grands Prix du Design 2023, qui célèbre le talent des créateurs d’ici et d’ailleurs, se tiendra à Montréal ce jeudi. Pour souligner l’événement, on vous présente nos favoris parmi les lauréats dans la catégorie Architecture, dévoilés lors du premier gala, tenu à Québec en septembre dernier.

Sky Mirrors

Des vues à couper le souffle et une architecture raffinée qui met en valeur le paysage: pas étonnant que le projet Sky Mirrors, en Chine, ait raflé le Prix de l’Année Architecture. Le Centre d’expérience de la culture de la liqueur de Langjiu, imaginé par Zone Of Utopia + Mathieu Forest Architecte, se veut une ode à la nature.

Ce bâtiment offre des vues à couper le souffle et une architecture raffinée qui met en valeur le paysage.

Les concepteurs ont enfoui entièrement la structure dans la montagne pour la dissimuler. Le panorama qui s’offre ainsi aux visiteurs sur le ciel et les montagnes est saisissant. Les deux miroirs magnifient encore plus l’environnement. Au-dessus, un miroir d’eau de 80 mètres de large agrandit le ciel tandis qu’en dessous, celui d’acier reflète la vallée et la rivière.

Le panorama qui s’offre aux visiteurs sur le ciel et les montagnes est saisissant.

La pièce toute rouge qui s’ouvre sur le ciel est particulièrement réussie. On aime aussi le belvédère qui donne l’impression de flotter dans les airs.

Le belvédère donne l’impression de flotter dans les airs.

Farouche Tremblant

Farouche Tremblant porte bien son nom. Ce concept d’agrotourisme niché au pied des montagnes des Laurentides semble s’être posé dans la nature sans déranger son état sauvage. L’Atelier L’Abri a conçu des refuges en A minimalistes, comprenant juste ce qu’il faut pour un séjour confortable: un très grand lit, une banquette de lecture et un poêle au gaz. Les petits bâtiments recouverts de bardeaux de cèdre n’offrent aucune distraction à la beauté du paysage. Et c’est très bien ainsi.

Les petits bâtiments recouverts de bardeaux de cèdre n’offrent aucune distraction à la beauté du paysage. Photo: Raphaël Thibodeau, v2com

Sur le terrain de 100 acres, on retrouve aussi une ferme nordique, dont les fruits et légumes sont servis au café-buvette, situé à quelques pas. «Les micro-refuges ont été inspirés par les chalets compacts en A des années 1950 et 1960, tandis que les bâtiments plus grands pour le café et la ferme sont un clin d’œil à l’architecture agricole vernaculaire», a expliqué à Dezeen le cofondateur de L’Abri, Nicolas Lapierre.

Photo: Raphaël Thibodeau, v2com

Les architectes ont tenu à minimiser le plus possible l’empreinte environnementale du projet, tant dans la construction que dans sa gestion.

Les architectes ont tenu à minimiser le plus possible l’empreinte environnementale du projet. Photo: Raphaël Thibodeau, v2com

Tour Glorieta Cibeles

Rénover complètement un gratte-ciel de 1979 qui a été abandonné après qu’une série de tremblements de terre l’ait rendu dangereux? C’est le défi relevé avec brio par CIMET Arquitectos à Mexico. La transformation de l’ancien bâtiment de 18 étages en édifice certifié LEED Platine a été abordée sous quatre angles: structure et résilience, confort et fonctionnalité, conception esthétique et tectonique ainsi que durabilité.

Ce gratte-ciel de 1979 était abandonné après qu’une série de tremblements de terre l’ait rendu dangereux. Photo: Luis Gallardo et Jaime Navarro

Toutes les zones de service ont été déplacées sur le côté est. Ce choix n’est pas anodin. Il permet non seulement d’optimiser la lumière naturelle et d’offrir des espaces plus ouverts aux occupants, mais aussi de faciliter les déplacements. La vue panoramique sur la ville ainsi créée vaut également le détour. L’élément le plus accrocheur se trouve toutefois au sommet. La tour Glorieta Cibeles se coiffe en effet de jardins luxuriants. Les espaces de détente, qui abritent de nombreuses espèces de palmiers et de fougères, créent une oasis de verdure.

L’élément le plus accrocheur se trouve au sommet, où l'on retrouve des jardins luxuriants. Photo: Luis Gallardo et Jaime Navarro

Marché Saint-Charles

L’église Saint-Charles, à Ottawa, a été ancrée dans sa communauté pendant plus d’un siècle, jusqu’à son dernier service en 2010. L’équipe de Linebox Studio a repensé la vocation du lieu de culte tout en rendant hommage au patrimoine bâti.

L’équipe de Linebox Studio a repensé la vocation de l'église Saint-Charles tout en rendant hommage au patrimoine bâti. Photo: Facebook Linebox Studio

Un édifice de 55 condos horizontaux jouxte désormais l’église. Le bâtiment se pare de panneaux de terre cuite durables, dont la couleur et la texture rappellent la façade en brique de sa voisine centenaire. Le jury a été impressionné par les architectes, qui ont intégré des éléments clés de l’église, comme la rosace et les vitraux, et reproduit ses proportions mathématiques dans la nouvelle construction.

Le jury a été impressionné par les architectes, qui ont intégré des éléments clés de l’église, comme la rosace et les vitraux. Photo: Facebook Linebox Studio

L’église devient quant à elle un restaurant et un marché. L’idée qui nous a conquis: le mur «magique» entourant la cour intérieure des logements. La nuit venue, il s’allume grâce aux fenêtres et au vitrage rétroéclairé, et crée au passage une douce lumière.

La nuit venue, le mur «magique» s’allume grâce aux fenêtres et au vitrage rétroéclairé. Photo: Linebox Studio

La Cadrée Perchée

L’inspiration peut jaillir de différentes sources… même d’un radiateur! La forme de cette maison de Morin-Heights imitant le principe du radiateur, les architectes réussissent à maximiser l’apport du soleil sans surchauffer les lieux. Les murs extérieurs et les nombreux cadres en bois absorbent la chaleur et réfléchissent la lumière.

Les murs extérieurs et les nombreux cadres en bois absorbent la chaleur et réfléchissent la lumière. Photo: Pier-Olivier Lepage, v2com

Le style sobre, mais jamais austère, permet d’entrer en communion avec la nature. On aime les petits détails futés, comme le divan encastré dans une fosse et la cuisine minimaliste, qui s’effacent pour laisser toute la place à la nature. Les sols en béton blanchis, tout comme le bois omniprésent, réchauffent l’atmosphère.

On aime les petits détails futés, comme le divan encastré dans une fosse et la cuisine minimaliste. Photo: Pier-Olivier Lepage, v2com

Les multiples fenêtres donnent en outre aux résidents le sentiment d’être au cœur de l’érablière. «On a parfois l’impression d’être le roi de la forêt, et d’autres fois, c’est beaucoup plus humble», remarque Pier-Olivier Lepage, qui habite la propriété depuis septembre 2021, sur Archello. Du très bon travail signé L’Empreinte Design Architecture.

Les multiples fenêtres donnent aux résidents le sentiment d’être au cœur de l’érablière. Photo: Pier-Olivier Lepage, v2com

5 lieux de culte qui ont changé de vocation

Salle de spectacle, bibliothèque, habitation ou même fromagerie: de nombreux lieux de culte en manque de fidèles se voient forcés de se réinventer. Voici cinq réalisations inspirantes ou inusitées, au Québec.

La Société secrète (Cap-d’Espoir)

Confectionner de l’alcool dans une église semble relever du sacrilège. C’est pourtant à cette mission que se consacre une petite bande d’associés en Gaspésie avec La Société secrète. Depuis 2016, gin et autres alcools divins sont créés dans une église désacralisée.

Depuis 2016, gin et autres alcools divins sont créés par La Société secrète dans une église désacralisée. Photo: Lukas Lavoie, Facebook La Société secrète

De l’extérieur, l’église anglicane Saint-James, construite en 1875, cache bien son jeu. Rien ne laisse deviner la nouvelle vocation de l’édifice à la peinture blanche un peu défraîchie. Le vitrail en forme de trèfle à quatre feuilles orne toujours la façade, tout comme ceux qui percent les autres côtés du bâtiment. Même la cloche pourrait encore sonner les vêpres.

De l’extérieur, l’église anglicane Saint-James, construite en 1875, cache bien son jeu. Photo: Facebook La Société secrète

Une fois le seuil franchi, c’est toutefois un autre monde qui s’ouvre aux visiteurs. Les hauts plafonds logent les alambics de sept mètres de hauteur de la distillerie. Au milieu des objets de culte, des sacs de céréales jonchent la nef. Le contraste est frappant.

À l'intérieur, les objets de culte occupent une toute autre fonction. Photo: Facebook La Société secrète

Le Saint-Jude – Espace Tonus (Montréal)

S’entraîner et se détendre à l’église? C’était possible dans l’ancien sanctuaire du Rosaire et de Saint-Jude, à Montréal, qui abritait un centre sportif et un spa urbain.

L’ancien sanctuaire du Rosaire et de Saint-Jude, à Montréal, abritait un centre sportif et un spa urbain. Photo: Caribb, Flickr

L'intérieur de cette ancienne église a subi une grande transformation avant l'ouverture de l'Espace Tonus, en 2013. Les matériaux minéraux, comme le béton, l’acier et la pierre, se marient avec le bois et la végétation. La structure de l’église, avec ses grandes fenêtres, ses arches et sa voûte, fait néanmoins le pont entre passé et présent.

L'intérieur de cette ancienne église a subi une grande transformation avant l'ouverture de l'Espace Tonus, en 2013. Photo: X

Malgré les importants changements, l’architecte Thomas Balaban tenait à préserver au maximum l’extérieur du bâtiment datant de 1905. L’entrée a toutefois été repoussée et les portes d’origine ont cédé leur place à du verre recouvert d’une résille en bois. Ce lieu au design soigné et bien conçu a remporté plusieurs prix, notamment un prix d’excellence du magazine Canadian Architect, avant même son ouverture. Le Saint-Jude a par contre cessé ses activités en 2019, sans explications.

Ce lieu au design soigné et bien conçu a remporté plusieurs prix, notamment un prix d’excellence du magazine Canadian Architect. Photo: X

Chapelle du rang 1 (Lac-Mégantic)

Après avoir été frappée par une tragédie ferroviaire, la ville de Lac-Mégantic avait envie de rebâtir sa communauté. En convertissant l’église anglicane Saint-Barnabas en 2017, la famille Lavallée cherchait ainsi à favoriser les échanges et à célébrer la culture locale. Le résultat de leurs efforts porte le nom de Chapelle du rang 1.

En convertissant l’église anglicane Saint-Barnabas, la famille Lavallée cherchait à favoriser les échanges et à célébrer la culture locale. Photo: Facebook Chapelle du rang 1

La salle intimiste de 60 places ne perturbe pas – ou si peu – l’aménagement originel du lieu de culte. Un comptoir-bar se trouve maintenant à l’entrée et la sacristie a été transformée en loge. Sinon, tout est resté tel quel. Les composantes en bois verni, la décoration, les vitraux et les accessoires ont survécu aux travaux et ont même retrouvé leur lustre d’autrefois. Tout comme l’église de Cap-d’Espoir, celle de Lac-Mégantic a conservé son vitrail en forme de trèfle à quatre feuilles. La Chapelle connaît un grand succès depuis son ouverture. Elle a aussi obtenu le Prix d’excellence – Réutilisation du Conseil du patrimoine religieux du Québec en 2020.

Les composantes en bois verni, la décoration, les vitraux et les accessoires ont survécu aux travaux et ont même retrouvé leur lustre d’autrefois. Photo: Jérôme Lavallée, Facebook Chapelle du rang 1

Fromagerie du Presbytère (Sainte-Élizabeth-de-Warwick)

Le fromage Louis d’or n’a plus besoin de présentation. Le lauréat de plusieurs prix, comme le Caséus d’or, s’est taillé une place de choix sur la table des Québécois. Mais saviez-vous que le fromage est vieilli dans une ancienne église? Depuis 2015, la nef de la petite église de Sainte-Élizabeth-de-Warwick abrite en effet la salle d’affinage de la Fromagerie du Presbytère. Les allées se parent désormais d’étagères pouvant accueillir jusqu’à 3000 meules.

Saviez-vous que le fromage Louis d’or est vieilli dans une ancienne église? Photo: Facebook Fromagerie du Presbytère

Malgré la nouvelle vocation bien particulière, la firme Bourrassa et Maillé Architectes a réussi à garder l’esprit du lieu. La voûte conserve sa hauteur, le crucifix orne toujours les murs et plusieurs éléments d’origine, comme les lattes du plancher, les voûtes ou la tôle embossée du plancher, ont été mis en valeur. Les fondations en pierre et les solives apparentes contribuent à rappeler le passé du bâtiment. Le presbytère, juste à côté, sert à la fabrication des fromages, après une panoplie de rénovations.

À Saint-Pierre-Baptiste, un autre projet de fromagerie pourrait voir le jour dans l’église du village. Le couple propriétaire des Élevages Caberoy caresse le rêve d’acquérir le bâtiment religieux, qui deviendrait ainsi la Fromagerie La Mission.

À Saint-Pierre-Baptiste, un autre projet de fromagerie pourrait voir le jour dans l’église du village. Photo: © Conseil du patrimoine religieux du Québec 2003

Maison de la littérature (Québec)

Construit en 1848, le temple Wesley est sans doute l’un des premiers projets de conversion d’église au Québec. Après avoir été occupé par les méthodistes jusque dans les années 1930, le bâtiment religieux a été acheté par la Ville de Québec en 1941. L’Institut canadien de Québec y a établi domicile jusqu’à la fin du 20e siècle.

L'intérieur du temple Wesley pendant les travaux. Photo: Chevalier Morales Architectes, v2com

Depuis 2015, c’est plutôt la magnifique Maison de la littérature qui l’habite. On y retrouve une bibliothèque publique, des cabinets d’écriture, un atelier de BD, un studio de création, une résidence d’écriture et une scène littéraire.

L’équipe de Chevalier Morales a misé sur la lumière et un aménagement judicieux de l’espace pour actualiser le lieu sans le dénaturer. Photo: Chevalier Morales Architectes, v2com

L’équipe de Chevalier Morales a misé sur la lumière et un aménagement judicieux de l’espace pour actualiser le lieu sans le dénaturer. Même si la facture est contemporaine, les éléments patrimoniaux, comme les fenêtres, sont mis en valeur. L’espace a de quoi redonner la foi.

Un complot, la «ville des 15 minutes»?

Urbanisme et théories du complot vont rarement de pair. Des conspirationnistes ont pourtant récemment décrié le modèle de la «ville des 15 minutes», qu’ils voient comme un plan visant à confiner les citoyens chez eux et à restreindre leurs déplacements ou leurs libertés individuelles. Qu’en est-il vraiment? Voici ce qu’il faut savoir.

Le concept de la ville du quart d’heure, que les anglophones appellent la ville des 15 minutes, n’est pas nouveau. Il a été développé en 2015 par l’urbaniste franco-colombien Carlos Moreno, professeur à l’Université Paris 1 Panthéon – Sorbonne, où il est directeur scientifique et cofondateur de la Chaire ETI (Entrepreneuriat Territoire Innovation). Celui-ci lui a d’ailleurs valu l’Obel Award, un prix qui «honore les récentes contributions architecturales exceptionnelles au développement humain dans le monde», en 2021.

Avant lui, Portland, en Oregon, a lancé les quartiers 20 minutes aux alentours de 2009. Les deux s’inspirent des principes du nouvel urbanisme, un mouvement basé sur la réduction de la dépendance à la voiture.

L’idée est relativement simple. Dans une ville du quart d’heure, les habitants ont accès à pied ou en transport actif à tout ce dont ils ont besoin en 15 minutes (ou moins). Fini, donc, le temps perdu dans les bouchons de circulation pour se rendre au boulot. On marche pour se rendre à la pharmacie, pour prendre un café ou rencontrer les amis au parc et on enfourche son vélo pour aller au travail ou récupérer les enfants à la garderie.

Cette ville à échelle humaine présente en théorie de nombreux avantages. En plus de réduire la longueur de nos déplacements, elle permet de limiter la pollution, de revitaliser les rues commerciales, d’améliorer le sentiment de sécurité et de créer des liens entre les citoyens tout en gardant la forme.

Portland, en Oregon, a lancé les quartiers 20 minutes aux alentours de 2009. Photo: Cole Keister, Unsplash

De plus en plus prisé

Depuis 2016 – et encore plus depuis la pandémie – le concept fait des adeptes. C’est le cas notamment de Paris. Milan et Dublin ont aussi intégré les principes dans leur aménagement. Barcelone et ses super-blocs, des mini quartiers complets où le piéton a la priorité, s’inscrivent également dans cette mouvance. Copenhague va plus loin, et veut transformer son quartier de Nordhavn en ville des cinq minutes.

Même O’Fallon, une ville de banlieue de 32 000 habitants en Illinois, y adhère. Selon le plan de la municipalité, devenir une ville des 15 minutes contribuera à rendre la vie des citoyens plus pratique, moins stressante et plus durable. Au total, près de 100 maires ont embrassé le concept autour du monde.

Au Québec, même si l’idée n’a pas encore été proprement testée, Valérie Plante lui avait consacré une place de choix dans son plus récent programme électoral.

Pour les experts, comme l’architecte Daniel Pearl, un modèle montréalais serait d’ailleurs tout à fait possible. En entrevue avec La Presse le mois dernier, il suggérait de rebâtir des secteurs du Sud-Ouest actuellement «dépeuplés et sans infrastructures» dans Verdun, Pointe-Saint-Charles, Saint-Henri, La Salle, Ville-Émard et Côte-Saint-Paul, et de les transformer en zones à haute densité, avec services essentiels à proximité.

Pour les experts, un modèle montréalais de la ville aux 15 minutes serait tout à fait possible. Photo: Randy Laybourne, Unsplash

Un cauchemar dystopique?

Qu’est-ce qui fait donc tiquer les complotistes dans ce concept où parcs, écoles, hôpitaux, bureaux et magasins sont à deux pas? Il faut remonter à 2020 pour connaître la réponse.

La pandémie a donné un nouveau souffle à l’idée d’une ville à échelle humaine. Le Forum économique mondial et le C40 (aussi appelé le Cities Climate Leadership Group), de même que d’autres grandes organisations comme ONU-Habitat, la promeuvent depuis 2020. Cet appui, jumelé à la théorie du complot voulant qu’un confinement climatique serait imminent, a mis le feu aux poudres.

Le débat s’est poursuivi quand Oxford, en Angleterre, a annoncé vouloir mettre en place un projet pilote très controversé. Ce plan de filtrage du trafic vise à réduire au maximum la circulation des véhicules sur six rues de la ville. Ceux qui y circulent devront demander une autorisation ou payer une amende. Des conspirationnistes ont alors lié ce plan à la ville du quart d’heure, en affirmant faussement que les résidents allaient être confinés dans un rayon de 15 minutes autour de leur domicile et mis sous surveillance.

Oxford, en Angleterre, veut mettre en place un plan de filtrage du trafic visant à réduire au maximum la circulation des véhicules sur six rues de la ville. Photo: James Coleman, Unsplash

Environ 2 000 manifestants sont descendus dans les rues d’Oxford en février pour protester contre les projets du conseil municipal. Ceux-ci craignent entre autres d’être bloqués à l’intérieur de leur zone.

Carlos Moreno, «l’ennemi public numéro un», comme il se décrit lui-même, admet avoir été surpris par l’ampleur de la haine à son endroit, lui qui reçoit désormais des menaces de mort. En entrevue avec Dezeen, il persiste et signe. «Mon combat est de savoir comment nous pourrions améliorer la qualité de vie», insiste-t-il.

Même si le nom est accrocheur, les 15 minutes ont peu d’importance pour l’urbaniste. Celui-ci croit que le concept est adaptable aux réalités de chaque ville. «Nous pourrions avoir une ville de 10, 18, 25 ou 39 minutes. La question n’est pas le temps. La vraie question est celle d’un nouveau modèle d’urbanisme.»

Prix Pritzker 2023: 5 choses à découvrir sur le lauréat David Chipperfield

Le prix Pritzker, appelé également le Nobel de l’architecture, a été décerné cette année à David Chipperfield pour son œuvre «subtile, mais transformatrice». Voici cinq faits à connaître sur l’architecte britannique qui s’efface derrière ses bâtiments.

De ses débuts modestes à la plus grande distinction de la profession

De l’aveu même du principal intéressé, David Chipperfield a failli échouer sa formation d’architecte. Né à Londres, celui-ci a grandi sur une ferme du Devon et rêvait de devenir vétérinaire. Ses mauvaises notes à l’école auront raison de cette aspiration.

Ses professeurs d’art l’ont donc convaincu d’aller à la Kingston School of Art de Londres, puis à l’Architectural Association School of Architecture. Cette dernière le jugeait toutefois trop conservateur. L’histoire veut que David Chipperfield doive son diplôme à la starchitecte Zaha Hadid, qui l’aurait défendu lors d’un examen difficile. En entrevue avec Dezeen, il raconte qu’elle lui a rappelé ce fait presque jusqu’à sa mort.

Après ses études, il a entre autres travaillé pour Richard Rogers et Norman Foster avant de fonder son bureau en 1984. Sa firme, basée à Londres, compte aujourd’hui des antennes à Berlin, Milan, Shanghaï et Santiago de Compostela.

De l’aveu même du principal intéressé, David Chipperfield a failli échouer sa formation d’architecte. Photo: courtoisie de Tom Welsh

Une multitude de musées portent sa signature

David Chipperfield a commencé sa carrière en concevant une série de magasins au Japon. Il a depuis réalisé des œuvres variées, dont plusieurs institutions culturelles dans le monde. Sa rénovation du musée Neues, à Berlin, est sûrement son travail le plus acclamé par la critique. Là, il a réussi à jumeler les éléments modernes aux éléments du passé, en préservant les traces de la guerre. Son style, empreint de retenue, dénote une grande maîtrise de l’architecture.

Le musée de la littérature moderne à Marbach, en Allemagne, la bibliothèque publique de Des Moines, aux États-Unis, le musée Liangzhu de Hangzhou, en Chine et le musée Jumex à Mexico sont aussi de lui. Il s’agit par contre d’une liste non exhaustive. De nombreux autres bâtiments culturels ont été dessinés par David Chipperfield.

Sa rénovation du musée Neues, à Berlin, est sûrement son travail le plus acclamé par la critique. Photo: Joerg von Bruchhausen, courtoisie SPK / David Chipperfield Architects

Il a laissé sa trace à Montréal

David Chipperfield compte une centaine d’œuvres à son actif à travers l’Asie, l’Europe et l’Amérique du Nord. Saviez-vous qu’il a aussi réalisé un projet à Montréal? Le détaillant en ligne Ssense lui a en effet confié la conception de son espace phare, dans le Vieux-Montréal.

La façade historique du bâtiment de la rue Saint-Sulpice s’avère trompeuse tant l’intérieur rompt avec la tradition. Les visiteurs sont accueillis dans un écrin de béton et d’acier inoxydable. L’environnement ressemble presque à un mausolée. Même le café, au dernier étage, s’inscrit dans cette austérité. Selon David Chipperfield, «c’était fascinant d’avoir un client qui, venant d’un environnement virtuel, souhaitait avoir l’environnement physique le plus extrême qui soit». Ouvert en 2018, le magasin constituait en outre le premier projet de l’architecte en sol canadien.

Le détaillant en ligne Ssense a confié la conception de son espace phare, dans le Vieux-Montréal, à l'architecte récipiendaire du prix Pritzker 2023. Photo: courtoisie Ssense

Un travail engagé

Malgré son caractère effacé, David Chipperfield n’hésite pas à se prononcer sur les grands enjeux de notre planète. Lors de l’annonce du Pritzker, il a souligné qu’il considère ce prix «comme un encouragement à continuer à diriger mon attention sur la contribution que nous pouvons apporter en tant qu’architectes pour relever les défis existentiels du changement climatique et des inégalités sociales». Il a ajouté que les architectes ont un rôle à jouer en créant non seulement un monde plus beau, mais aussi un monde plus juste et plus durable.

Ses pairs ont pour leur part salué son style intemporel et moderne, qui «affronte les urgences climatiques, transforme les relations sociales et redynamise les villes».

The Hepworth Wakefield, musée d'art moderne et
contemporain à Wakefield, au Royaume-Uni. Photo : courtoisie Iwan Baan

Plusieurs projets dans ses cartons

Si le Pritzker est une consécration, David Chipperfield ne semble pas prêt à s’arrêter. Sa firme planche sur de nombreux projets en ce moment. Parmi ceux en cours, on compte notamment l’îlot 2 de la Cité parlementaire à Ottawa. En collaboration avec Zeidler Architecture, l’équipe a présenté un concept qui préserve les bâtiments patrimoniaux tout en offrant des locaux durables et modernes.

David Chipperfield Architects rénovera également le musée archéologique national d’Athènes, qui abrite certaines des collections d’art préhistorique et ancien les plus importantes au monde. Le siège social de Rolex à New York, la Elbtower, une tour de 230 m de haut à Hambourg, et l’arène des Jeux olympiques d’hiver de 2026 à Milan font aussi partie des plans.

Les tendances architecture et design pour 2023

Après une année toute en retenue, composée d’intérieurs sobres et minimalistes dans des tons apaisants, on fait place en 2023 aux couleurs vives. On affiche aussi son style personnel alors qu’un vent de fantaisie souffle sur le monde du design.

C’est immanquable. Chaque nouvelle année amène avec elle son lot de prédictions. Si l’on se fie à l’avis des experts en matière d’architecture et de design, il semblerait bien que l’on sortira (enfin) de notre cocon en 2023.

Après des années enfermés dans leur maison au décor douillet et réconfortant, plusieurs ont des fourmis dans les jambes et ont envie que la vie reprenne son cours. Ça se reflète dans les tendances. Comme le fait si justement remarquer Mikki Brammer sur Architectural Digest, alors que 2022 insufflait un sentiment général de sérénité et de douceur, «2023 apporte un individualisme brillant et affirmé».

Voici cinq choses à surveiller dans les mois à venir.

Couleurs plus audacieuses au menu

Les intérieurs discrets et naturels, qui avaient la cote l’an dernier, comme en témoignent les listes des meilleurs aménagements, ne sont peut-être pas voués à disparaître, mais la couleur fait un éclatant retour.

Les nuances neutres populaires en 2022 seront remplacées par des teintes chaudes et terreuses. Pantone a par exemple choisi le rouge magenta comme couleur de l’année. Un rouge vif, joyeux, vibrant. Ça fait changement du bleu ardoise (en 2020), du gris (en 2021) et du pervenche (en 2022).

Les tons de bois plus foncés seront aussi de la partie. Les imprimés audacieux, les murs texturés et le papier peint contrasteront joliment avec les neutres apaisants.

Pantone a choisi le rouge magenta comme couleur de l’année. Photo: Facebook Pantone

Le sens du toucher à l’honneur

L’attrait pour les matériaux riches et tactiles se fera sentir en 2023. Comme le souligne le designer d'intérieur Pallavi Dean à Dezeen, la récente pandémie nous a privés de l’un de nos sens les plus humains: le toucher. Les concepteurs essaient donc désormais d’aménager des espaces qui provoquent une émotion.

Les tissus doux au toucher, comme le velours ou le mohair, se tailleront une place dans nos maisons. Les matériaux à première vue humbles continueront d’être utilisés par les designers. Le plâtre à la chaux, la brique ou même la laine naturelle seront notamment à l’honneur. Les designers d’intérieur pourraient emboîter le pas aux maisons de couture en adoptant le cuir de champignon.

Le contreplaqué de bouleau, qui s’est taillé une place en 2022, pourrait être remplacé par le noyer, le cerisier et le chêne rouge, des essences plus foncées.

Les tissus doux au toucher, comme le velours ou le mohair, se tailleront une place dans nos maisons. Photo: Ifrah Akhter, Unsplash

Miser sur le savoir-faire

Signe des temps, l’engouement pour une architecture plus durable se poursuit cette année. L’écoconception et les matériaux locaux, voire récupérés, qui peuvent répondre aux enjeux environnementaux de notre époque, sont de plus en plus mis de l’avant. Les matières naturelles se retrouvent aussi dans le mobilier et les objets de décoration.

De nouveaux matériaux, comme le béton de chanvre, un mélange de fibres de chanvre, de calcaire et d’eau, font leur apparition dans les nouvelles constructions. Les architectes, conscients du rôle qu’ils ont à jouer, prennent de plus en plus en compte la durabilité à toutes les étapes d’un projet.

Certaines créations iconiques, comme celles de Charles et Ray Eames, se réinventent. Ces rééditions se composent d’ailleurs souvent de matériaux plus respectueux de l’environnement (et se parent de nouvelles couleurs).

Faire du neuf avec du vieux

La récupération de meubles connaît une certaine popularité cette année, peut-être en raison des problèmes d’approvisionnement. La designer d’intérieur américaine Maggie Dillon l’a bien compris.

«Avec des délais aussi scandaleux que ceux que nous avons actuellement, la meilleure solution est de trouver un canapé ou une paire de chaises vintage et de leur donner une nouvelle vie en les rembourrant», a-t-elle dit en entrevue avec le magazine Southern Living.

L’intégration de meubles revampés à son décor permet aussi de se démarquer: on peut exprimer son style personnel à travers des pièces uniques ou des trouvailles d’occasion.

Les couleurs, les textures, le haut de gamme et le seconde main, les époques et les styles, les plantes… Tout se marie allègrement. Photo: Spacejoy, Unsplash

L’expression individuelle

La pandémie aura donné du temps comme jamais aux gens d’observer leur lieu de résidence. Après des années passées entre quatre murs, on sent un besoin d’individualité. Les intérieurs scandinaves, simples et minimalistes dominent encore, mais notre espace traduit désormais davantage nos goûts.

«Quand le monde devient trop bizarre pour être compris, les designs du moment le reflètent. Soyons tous bizarres et exprimons notre merveilleux», lancent les designers d’intérieur britanniques Jordan Cluroe et Russell Whitehead de 2LG Studio.

Les couleurs, les textures, le haut de gamme et le seconde main, les époques et les styles, les plantes… Tout se marie allègrement, afin de former une maison qui nous ressemble et où l’on se sent bien. C’est l’essentiel, après tout.