La chronique Voyage de Marie-Julie Gagnon

Auteur(e)
Photo: Mélanie Crête

Marie-Julie Gagnon

Auteure, chroniqueuse et blogueuse, Marie-Julie Gagnon se définit d’abord comme une exploratrice. Accro aux réseaux sociaux (@mariejuliega sur X et Instagram), elle collabore à de nombreux médias depuis une vingtaine d’années et tient le blogue Taxi-brousse depuis 2008. Certains voyagent pour voir le monde, elle, c’est d’abord pour le «ressentir» (et, accessoirement, goûter tous les desserts au chocolat qui croisent sa route).

São Paulo sans escale

J’ai mis un moment avant de réaliser qu’il ne s’agissait pas d’une blague. Sécuritaire, le Brésil? Avec son record de sept homicides par heure enregistré en 2017? Son triste bilan de 300 000 morts entre 2011 et 2015, soit plus que la guerre en Syrie? Son demi-million en 10 ans? Oui, les membres de la délégation touristique venue accueillir notre petit groupe de journalistes et blogueurs avaient forcément le sens de l’humour, me dis-je en repensant à Cidade de Deus (Cité de Dieu) de Fernando Meirelles, sans contredit l’un des films qui m’a le plus marquée à vie.



C’est à cause de ces chiffres chocs martelés dans les médias du monde entier que je n’avais encore jamais foulé le sol de ce pays qui m’a pourtant toujours attirée. Pourquoi opter pour un endroit réputé dangereux alors qu’il y a tant de lieux que je souhaite visiter? J’avais cependant oublié un «léger» détail: la taille du pays. Quelque 8,511 millions de km², soit à peine 1,474 million de moins que le Canada. Les enjeux sont-ils les mêmes à Calgary, Montréal et Chibougamau? Poser la question est y répondre.

Me voici donc en route vers la côte nord de l’État de São Paulo, maintenant desservie trois fois par semaine pendant la saison hivernale, depuis Montréal, par un nouveau vol direct d’une dizaine d’heures d’Air Canada. L’objectif de cette virée express: avoir un aperçu des plages, des villes et des sites historiques sans trop s’éloigner de la capitale économique.

Plage de Barro do Una. Photo: Marie-Julie Gagnon

D’abord, un peu d’histoire

À environ deux heures de route de l’aéroport, nous faisons escale à Bertioga pour visiter le fort São João. Premier fort érigé au pays par les Portugais en 1532, le site constitue une bonne entrée en matière. Si des épisodes de la colonisation rappellent certains des nôtres, la découverte des rites anthropophages a de quoi surprendre. Impossible d’oublier les images de barbecue humain ensuite!

Chute, à Bertioga. Photo: Marie-Julie Gagnon

Alors que nous contemplons la plage qui borde le site, je suis frappée par deux clichés: les bikinis brésiliens et les hommes basanés, sandales Havaianas aux pieds. Au Brésil, les corps se dévoilent sans aucune gêne, peu importe leur format et les traces du temps.

Nous déposons nos valises au charmant hôtel Toca Da Praia Maresias, à São Sebastião, après avoir englouti un gargantuesque repas de fruits de mer et bu nos premières caïpirinhas (hic!).

Le festin pris en route vers  São Sebastião. Photo: Marie-Julie Gagnon

En déambulant dans la ville, le calme des lieux me saute aux yeux. Même dans la ruelle baptisée «Wonder Woman», où des murales éclectiques tapissent les murs, nous avons l’impression d’être seuls, à part quand de rares motos nous frôlent.

Dans la ruelle baptisée «Wonder Woman», où des murales éclectiques tapissent les murs, nous avons l’impression d’être seuls, à part quand de rares motos nous frôlent. Photo: Marie-Julie Gagnon

Au restaurant de la plage de Maresias où nous nous arrêtons – tout aussi tranquille en ce jeudi soir, malgré sa bonne réputation –, j’en profite pour bombarder de questions ma voisine, Drisana Holland, de Maresiatour, qui a choisi de s’établir dans les parages après être allée étudier l’anglais à Malte. «Environ 80% des visiteurs qui viennent dans la région sont brésiliens», me dit-elle devant une montagne de (délicieux) sushis. Voilà qui explique pourquoi nous entendons si peu parler anglais… Chose certaine, la volonté d’attirer des touristes de l’extérieur est bien là.

On croise peu de touristes internationaux à São Sebastião, la majorité des visiteurs étant brésiliens. . Photo: Marie-Julie Gagnon

Drisana m’explique que les communautés de São Sebastião se sont développées autour de la trentaine de plages de la région, formant ainsi des quartiers. Celle où nous nous trouvons est très prisée des surfeurs. Si les pluies abondantes rebutent bien des touristes en janvier et en février, la période des Fêtes est toujours très intense.

Et la sécurité? «C’est vraiment sécuritaire, m’assure-t-elle. On peut se promener à pied le soir, sans cacher son téléphone.» En nous baladant dans les rues menant à notre hôtel, je suis portée à lui donner raison.

Les plages quasi-désertes de São Sebastião. Photo: Marie-Julie Gagnon

Des plages, encore des plages!

Le lendemain matin, notre petit groupe se dirige vers la marina pour une excursion en bateau. Le soleil brille et la musique brésilienne nous accroche un sourire au visage. Comment résister à l’eau fraîche par une si belle journée? D’autant plus qu’à Montréal, la neige s’accumule… Munies de masques et de tubas, nous scrutons les fonds marins. Les poissons jouent les timides, mais tant pis: nous sommes conquises. Toutes les plages où nous nous arrêtons sont presque désertes. Et ce n’est pas parce qu’elles ne sont pas invitantes…

Après un autre repas digne d’un roi (ou d’une armée, c’est selon), nous visitons la ville en compagnie d’un guide avant de mettre le cap sur Ilhabela, à une quinzaine de minutes en traversier. Bien que des bateaux de croisières s’y arrêtent, l’île est un véritable havre de paix. On y trouve de charmants restaurants et boutiques, mais surtout du vert, beaucoup de vert!

Ilhabela est un véritable havre de paix. Photo: Marie-Julie Gagnon

À distance de marche du centre historique, l’hôtel Itapemar Ilhabela offre le cadre parfait pour bien profiter des environs. La vue des chambres perchées sur la montagne donne envie de scruter l’horizon pendant des heures. De tous les endroits survolés pendant ce court voyage, c’est celui qui m’est apparu comme le plus approprié pour décrocher dans un cadre sécuritaire. On y trouve nature, histoire et bonnes tables. Un souhait: y retourner pour y faire des randonnées.

Avec sa superbe vue, l’hôtel Itapemar Ilhabela offre le cadre parfait pour bien profiter des environs. Photo: Marie-Julie Gagnon

Avant de reprendre le chemin de la ville, nous découvrons Caraguatatuba, où des enfilades de plages aux noms indigènes s’étendent sur 40 km. Ici aussi, les touristes semblent rares. Nous résistons difficilement à l’envie de nous jeter à l’eau. Mais il est déjà temps de rentrer à São Paulo.

À Caraguatatuba, des plages aux noms indigènes s'étendent sur 40 km. Photo: Marie-Julie Gagnon

24 heures à São Paulo

Il y a pire pour conclure un voyage que dormir au Four Seasons. Inauguré en octobre 2018, celui de São Paulo se trouve dans un quartier en plein développement. Comme dans les autres établissements de la chaîne, aucun détail n’a été laissé au hasard. Le tapis des couloirs est par exemple inspiré des quatre principales rivières du Brésil. Et que dire du buffet déjeuner! Je salive encore à la seule pensée des mangues et des papayes, parfaitement à point, et des délicieux pão de queijo, petits pains au fromage typiquement brésiliens.

Le Four Seasons de São Paulo est un choix sûr pour l'hébergement. Photo: Marie-Julie Gagnon

Une toute petite journée pour explorer une si grande ville, c’est bien cruel. Musée d’arts (MASP), musée du football, Beco de Batman, Mercado Municipa, quartier où le street art est à l’honneur… Mieux vaut y consacrer deux jours et embaucher un guide pour bien profiter des lieux. Ce dernier s’avère aussi fort utile pour traduire les informations des musées, car les traductions ne sont pas la norme partout. On se sent aussi beaucoup plus en sécurité en découvrant les environs en compagnie de quelqu’un qui sait où aller… et quels secteurs éviter.

Beco de Batman est une galerie à ciel ouvert! Photo: Marie-Julie Gagnon

«Ta perception du Brésil s’apparente à celle que j’avais de Rio avant de m’y rendre, m’a dit Drisana peu avant de nous dire au revoir. Je n’avais jamais réalisé que le pays entier était à ce point perçu comme dangereux par les étrangers.»

Le stade du Pacaembu, qui a son propre musée du football à l'intérieur. Photo: Marie-Julie Gagnon

Comme tous les gens rencontrés, elle ne nie pas que des agressions peuvent survenir à São Paulo et que les vols à la tire représentent un réel problème. Par contre, elle reste persuadée qu’en s’informant adéquatement, les visiteurs peuvent vivre une expérience très positive, en ville comme à l’extérieur. «Le problème n’est pas l’endroit, m’a pour sa part glissé Marcelo, guide à Caraguatatuba, mais les gens qu’on peut y rencontrer.»

Chose certaine, l’aperçu des derniers jours m’a donné envie d’aller au-delà des statistiques. Je reviendrai…

P.S. – Oui, les Brésiliens ont aussi un bon sens de l’humour. 😉

Bon à savoir:

  • Air Canada propose trois départs vers São Paulo chaque semaine depuis Montréal jusqu’en mars (mercredi, vendredi et dimanche). Le vol dure environ 10 heures. Prix d’un aller-retour: à partir de 670$.
  • Le meilleur moment pour s’y rendre? «Pour moi, c’est en mars, dit sans hésiter Drisana Holland. Il pleut moins et il fait moins chaud.»
  • Le site de Maresiatour est seulement en portugais pour le moment. Une version en anglais est toutefois en préparation. Des excursions y sont proposées, mais il est aussi possible d’organiser des visites sur mesure et un service de transport depuis l’aéroport. «Le mieux reste de louer une voiture, croit Drisana. Mais si la demande est là, nous trouverons des solutions.»
  • Dans les grandes villes, il faut rester en permanence sur nos gardes et ne pas attirer l’attention. Les vols de téléphones sont particulièrement fréquents.
  • Si vous ne l’avez jamais vu, il faut absolument visionner l’épisode sur le Brésil de l’excellente série Le sexe autour du monde, diffusée à TV5 en 2012.

J’étais l’invitée d’Air Canada, Circuito Litoral Norte São Paulo et São Paulo Turismo. Toutes les opinions émises sont 100% les miennes.