La chronique Voyage de Marie-Julie Gagnon

Auteur(e)
Photo: Mélanie Crête

Marie-Julie Gagnon

Auteure, chroniqueuse et blogueuse, Marie-Julie Gagnon se définit d’abord comme une exploratrice. Accro aux réseaux sociaux (@mariejuliega sur X et Instagram), elle collabore à de nombreux médias depuis une vingtaine d’années et tient le blogue Taxi-brousse depuis 2008. Certains voyagent pour voir le monde, elle, c’est d’abord pour le «ressentir» (et, accessoirement, goûter tous les desserts au chocolat qui croisent sa route).

Escale à Marrakech

Une femme vêtue d’un blouson de cuir brun et d’un voile fleuri. Plus loin, une dame porte la burqa et une autre arbore une tuque à pompon. Un homme au parka beige traverse mon champ de vision. N’eût été ses sandales, sa tenue aurait été parfaite pour une balade dans les rues de Montréal en novembre. Je tourne la tête et j’aperçois une jeune femme aux traits arabes en jean et t-shirt court, le ventre bien visible. La température oscille autour des 20 degrés et le soleil descend doucement sur la place Jemaa el-Fna, sans doute l’endroit le plus animé de la ville.



Mar-ra-kech. Trois syllabes qui génèrent des milliers d’images en surimpression, comme autant de références juxtaposées au gré des croyances, des modes et des influences. Marrakech et ses caravansérails, où s’arrêtaient les commerçants itinérants et leurs dromadaires dès le Moyen Âge. Selon Lonely Planet, il ne reste dans la médina que 140 fondouks, hôtels et entrepôts des marchands de jadis, dont plusieurs font aujourd’hui office d’ateliers d’artisanat.

Marrakech – qui signifie «terre de dieu» – et ses hippies, suivis des stars des années 1960 et 1970, Beatles et Rolling Stone en tête. Marrakech et son aura glamour, comme en témoigne le Musée Yves Saint-Laurent, inauguré en 2017. Marrakech et ses hammams, un dans chaque quartier, comme pour les fours à pain utilisés par les familles du coin. Marrakech et ses riads transformés en hôtels. Marrakech et ses perpétuels allers-retours dans le temps.

Résolument africaine – les vendeurs ambulants et l’inévitable négociation nous le rappellent à tout moment –, la ville ocre affiche toutefois des prix comparables à ceux de l’Europe. The Guardian l’a même placée au quatrième rang des villes de vacances les plus chères en 2017, devant Singapour, Londres et Sydney, rapporte L’economiste.com.

Photo: Marie-Julie Gagnon
Les souks offrent un merveilleux condensé de la vie locale à Marrakech.Photo: Marie-Julie Gagnon

Le couchant

La métropole du Sud marocain est la première ville du Maghreb, qui signifie «le couchant» en arabe, où je fais escale. L’appel à la prière me confirme que je suis bien en terre musulmane, malgré l’éclectisme des tenues que je vois défiler depuis mon arrivée.

En discutant avec le guide qui accompagne le petit groupe de journalistes avec qui je voyage à l’invitation de Terres d’Aventure et Royal Air Maroc, j’apprends que les écoles coraniques n’encouragent pas la mendicité comme dans autres pays d’Afrique de l’Ouest, que la peau des Berbères est plus foncée parce que leurs ancêtres sont originaires du Sénégal, du Mali et d’autres pays plus au sud, que les bâtiments de la vieille ville ne peuvent dépasser une certaine hauteur parce que tous doivent pouvoir apercevoir le drapeau blanc hissé à la potence du minaret pour annoncer le moment de la prière.

Photo: Marie-Julie Gagnon
Photo: Marie-Julie Gagnon

Les souks offrent un merveilleux condensé de vie locale. Les échoppes sont regroupées par spécialités et corps de métier: tissus et vêtements, épices, maroquinerie, babouches… Malgré (ou peut-être «à cause de»?) tout ce que j’ai lu et entendu au fil du temps, les vendeurs m’apparaissent bien moins insistants que dans d’autres contrées africaines ou asiatiques (vous avez dit «Inde»?). L’un d’eux m’apprend à nouer le chèche comme les Berbères, en prenant soin de cacher aussi le bas de mon visage. Le résultat, sur photo, me laisse perplexe: j’ai l’impression d’un déguisement à mi-chemin entre l’homme du désert prêt à affronter une tempête de sable et… une femme voilée. Malaise.

Sur la Place des esclaves, tout près du Café des épices, un marchand mouille son doigt pour révéler l’éclat d’un rouge à lèvres fait de poudre de coquelicots. Dans la section des artisans, un menuisier sculpte une table de cèdre. Les «wow!» fusent devant les motifs sophistiqués. Des créations faites de noyer, de bois d’oranger et de citronnier s’entassent dans l’atelier. Je suis fascinée par les moucharabiehs, qui permettent à la fois à l’air de mieux circuler et aux femmes d’observer le monde extérieur sans être vues. J’imagine une vie ciselée de moments dérobés à d’autres, comme une histoire dont on ne sera jamais vraiment l’héroïne. Je me demande si elles portent du rouge à lèvres de coquelicots…

Photo: Marie-Julie Gagnon
De belles trouvailles vous attendent dans les souks. Photo: Marie-Julie Gagnon

Je reviendrai…

Plus près de la place Jemaa el-Fna, qui joue un rôle clé depuis le XIe siècle, les odeurs de cuisson me titillent les narines, malgré ma panse bien remplie. «Lavez-vous les mains avant de vous attabler, utilisez du pain plutôt que des couverts, buvez uniquement de l’eau en bouteille, et tout devrait bien se passer», recommande Lonely Planet, précisant aussi que les ingrédients y sont renouvelés plus souvent que dans la plupart des restaurants chics.

Photo: Marie-Julie Gagnon
Imaginez l'odeur de ce couscous réconfortant... ! Photo: Marie-Julie Gagnon

C’est à la tombée de la nuit que l’endroit devient vraiment intéressant. Entre les charmeurs de serpents, les spectacles de musique berbère et les tatoueuses au henné, je prends surtout plaisir à observer la foule bigarrée. J’apprends plus tard que c’est ici qu’avaient jadis lieu les exécutions publiques, de là son nom, qui signifie «assemblée de morts».

Quelques heures, c’est bien peu pour prendre le pouls d’une ville aussi riche en histoire(s). Déambuler dans la médina et m’imprégner de la douce quiétude de la splendide Villa Nomade, riad-cocon où flotte un doux parfum de fleurs d’oranger, n’aura fait qu’amplifier mon désir de revenir me perdre dans ses dédales.

Photo: Marie-Julie Gagnon
La douce quiétude de la splendide Villa Nomade. Photo: Marie-Julie Gagnon

J’emporte avec moi l’odeur des épices, les couleurs des étals d’olives et de piments, le goût des dattes fraîches, un patchwork de codes culturels, pas mal de points d’interrogation et trois bols peints à la main, qui me ramèneront un peu ici quand je prendrai mon petit déjeuner.

Ce voyage a été réalisé grâce à une invitation de Terres d’aventure et Royal Air Maroc. Il est possible d’effectuer une réservation à la Villa Nomade par l’entremise de Terres d’Aventure. Toutes les opinions émises sont 100% les miennes.