La chronique Voyage de Marie-Julie Gagnon

Auteur(e)
Photo: Mélanie Crête

Marie-Julie Gagnon

Auteure, chroniqueuse et blogueuse, Marie-Julie Gagnon se définit d’abord comme une exploratrice. Accro aux réseaux sociaux (@mariejuliega sur X et Instagram), elle collabore à de nombreux médias depuis une vingtaine d’années et tient le blogue Taxi-brousse depuis 2008. Certains voyagent pour voir le monde, elle, c’est d’abord pour le «ressentir» (et, accessoirement, goûter tous les desserts au chocolat qui croisent sa route).

Des éléphants torturés pour le plaisir des touristes

Comme bien des enfants, j’ai rêvé de me balader à dos d’éléphant. J’ai pu vivre l’expérience dans le nord de la Thaïlande en 2001, après un trek de trois jours dans les montagnes. Le bonheur de regarder le monde de mon perchoir! J’avais à nouveau cinq ans. Je n’avais cependant aucune idée, à l’époque, des conditions dans lesquelles les animaux étaient détenus et encore moins de la manière dont on les avait torturés pour en arriver là…



Ces dernières années, nombreux sont les blogueurs à avoir écrit sur le sujet, notamment Seth et Lise et Pauline de Graine de voyageuse. «Les éléphants sont pris en main par des mahouts (des dresseurs) dès le plus jeune âge (2-3 ans), rapportent Seth et Lise. La demande d’éléphanteaux est forte et la capture en milieu sauvage bien qu’illégale est très répandue. On anesthésie les éléphanteaux dans la nature et on chasse ou tue tout éléphant qui voudrait venir le secourir. On estime que quatre éléphants adultes sont tués en moyenne pour chaque bébé attrapé. Ces éléphanteaux une fois capturés doivent être domestiqués et donc subir un rituel connu sous le nom de “phajaan”. Qu’est-ce que le phajaan? C’est “broyer” l’éléphant. L’origine du phajaan vient de la croyance ancestrale que l’on peut séparer l’esprit d’un éléphant de son corps afin qu’il perde ses réflexes et son instinct naturel sauvage et être complètement sous le contrôle de l’homme.» En clair, on le torture pour mieux le soumettre.

«Selon les estimations, la moitié des éléphants ne survivraient pas au phajaan, rapporte Gentside Découverte. D'autres deviendraient agressifs: environ 100 mahouts sont tués chaque année par leurs animaux. D'autres encore deviendraient fous ou garderaient des troubles de leur expérience, les rendant inutilisables pour les attractions. La plupart seraient alors tués.»

Photo: Alexandre Chambon, Unsplash
Photo: Alexandre Chambon, Unsplash

Accidents tragiques et conséquences désastreuses

Des accidents impliquent aussi des touristes. Dans son billet, Pauline raconte avoir eu très peur quand l’éléphant sur lequel elle prenait place s’est emballé. Un voyageur écossais a eu moins de chance en début d’année et est mort piétiné par un pachyderme. Des drames qui n’arrivent qu’aux autres? Pas toujours…

Si je me fie à ce reportage publié dans Le Monde la semaine dernière après l’annonce de Sea World d’arrêter l’élevage d’orques en captivité, nous avons raison de nous interroger quand il s’agit d’expériences avec les animaux.

La question des balades à dos d’éléphant est le premier point soulevé dans l’article. «C’est extrêmement douloureux et l’éléphant s’en souviendra toute sa vie. On le prive d’eau, de nourriture, il est battu…», explique Julie Middelkoop de la World Animal Protection à propos du rituel « phajaan».

Prendre des selfies avec des tigres, marcher au milieu des lions, visiter les parcs à ours, tenir une tortue de mer dans ses mains, assister à des spectacles de dauphins ou de singes dansants, découvrir les fermes de café de civette, charmer des serpents, embrasser des cobras ou se rendre dans des fermes de crocodiles sont autant d’activités à bannir.

Retourner voir les éléphants

Dix ans après mon premier voyage en Thaïlande, je me suis rendue à Elephant Hills, à Khao Sok, dans le sud du pays, avec ma fille alors âgée de cinq ans. Ici, pas question de monter un éléphant: on lui prépare sa collation, on le regarde se baigner et on lui donne une douche (impossible d’oublier à quel point un éléphant peut baver quand il déguste des morceaux de pastèque!).

J’ai posé de nombreuses questions aux employés pour tenter d’en savoir plus sur les conditions de vie des animaux. On m’a expliqué qu’ils avaient été rescapés à la suite de l’interdiction de les utiliser dans l’industrie de la coupe de bois, en 1989, tel que le mentionne aussi le site Web. L’importance de l’éléphant dans la société thaïlandaise est également mise en relief. Difficile d’avoir l’assurance à 100% que les bêtes sont bien traitées, mais mon impression sur place était positive.

Oui, les rêves d’enfant ont parfois besoin d’être «rescénarisés» au contact de la réalité, mais en fin de compte, le film qu’on garde en mémoire est encore plus mémorable.


Pour en savoir plus

Maltraitance animale : les dix attractions touristiques les plus cruelles

Constance Maria

22 mars 2016

Le Monde.fr

Faire de l’éléphant en Thaïlande : ce qu’on cache aux touristes

Seth et Lise

24 mars 2014

Seth et Lise