La chronique Voyage de Marie-Julie Gagnon

Auteur(e)
Photo: Mélanie Crête

Marie-Julie Gagnon

Auteure, chroniqueuse et blogueuse, Marie-Julie Gagnon se définit d’abord comme une exploratrice. Accro aux réseaux sociaux (@mariejuliega sur X et Instagram), elle collabore à de nombreux médias depuis une vingtaine d’années et tient le blogue Taxi-brousse depuis 2008. Certains voyagent pour voir le monde, elle, c’est d’abord pour le «ressentir» (et, accessoirement, goûter tous les desserts au chocolat qui croisent sa route).

Coronavirus: voyager ou pas?

De retour d’Asie depuis quelques jours, je me retrouve en pleine psychose du COVID-19. J’avoue être dépassée par les commentaires que je vois défiler sur les réseaux sociaux, les prises de positions parfois radicales, par la succession d’annulations d’événements internationaux et par l’enflure médiatique, mais aussi par l’espèce de racisme ambiant que je vois poindre. Des gens changent de place dans le métro parce qu’ils aperçoivent des yeux bridés. D’autres boycottent les restaurants asiatiques. Mais sur quelle planète ai-je donc atterri?



Pourtant, quand je suis arrivée à l’aéroport de Toronto samedi dernier après avoir voyagé au Sri Lanka, à Singapour et en Thaïlande (avec transit à Hong Kong), je n’ai eu à répondre qu’à une seule question à propos du coronavirus: si je m’étais rendue dans la région de Wuhan, en Chine, au cours des 14 derniers jours. Contrairement aux pays d’Asie traversés pendant mon périple, on n’a pas pris ma température. J’ai cru, à ce moment, que j’oublierais très vite les nombreuses précautions des derniers jours… Que nenni!

Un risque faible au Canada

Sur voyage.gc.ca, où le gouvernement du Canada publie des conseils et avertissements aux voyageurs, les premières lignes d’une page créée pour diffuser les dernières nouvelles à propos du coronavirus se font pourtant rassurantes: «L’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) a évalué le risque pour la santé publique associé au COVID-19 comme étant faible pour le Canada. Une évaluation du risque sera effectuée au fur et à mesure que de nouveaux renseignements sont disponibles.»

Mais alors, pourquoi se ruer pour acheter masques et cargaisons de gel antibactérien et faire des provisions au cas où on se retrouverait confiné chez soi? Sans doute parce que contrairement aux autres virus auxquels on ne cesse de le comparer, celui-ci échappe encore à la compréhension des scientifiques. Que l’inconnu reste la source des plus grandes peurs. Que de nouvelles informations nous parviennent constamment. Quand le risque de pandémie menace même la tenue des Jeux olympiques, on se dit que tout peut arriver.

Dans L’Actualité, le Dr Alain Vadeboncoeur parle de «coronanxiété». Il n’est pas le seul, d’ailleurs: dans un article publié le 2 mars, Vice soulignait que «la peur se répand plus rapidement que la maladie». À force de voir les statistiques gonfler en direct, notre niveau d’anxiété grimpe, lui aussi. Comme on peut difficilement prévoir la suite des événements, on angoisse en pensant au va-et-vient des voyageurs et aux possibilités de propagation qui semblent infinies.

Crédit photo : Pixabay

Voyager ou pas?

Avec toutes ces questions sans réponse, difficile de planifier un séjour à l’étranger. À l’heure actuelle, 52 pays sont touchés à divers degrés. Si le gouvernement canadien est moins alarmiste que d’autres – on m’interdirait notamment l’entrée en Jamaïque parce que j’ai voyagé à Singapour au cours des 14 derniers jours –, se rendre dans les pays où plusieurs cas ont été confirmés pourrait s’avérer compliqué au cours des prochaines semaines, selon l’évolution de la situation. Car c’est bien ça, le problème, actuellement: l’incertitude. La situation empirera-t-elle ou, au contraire, ne sera-t-elle plus qu’un mauvais souvenir rendu aux vacances d’été?

Nombreux sont les voyageurs qui ont décidé d’attendre avant de concrétiser leurs projets de vacances pour cette raison. Ceux qui avaient déjà effectué des réservations se retrouvent pour leur part devant un dilemme: s’y rendre comme prévu ou annuler, même s’il est impossible d’obtenir un remboursement? À moins d’avoir une police d’assurance qui permet l’annulation pour toute raison, normalement, on ne peut obtenir un remboursement que si le gouvernement du Canada publie un avis disant qu’il vaut mieux éviter tout voyage dans une zone précise. «Une assurance de base remboursera généralement les dépenses liées à l’annulation ou à l’interruption d’un voyage si le gouvernement du Canada émet un avis consulaire dictant d’éviter tout voyage non essentiel (niveau 3) ou d’éviter tout voyage (niveau 4), résume La Presse. Par contre, les voyageurs qui ont peur de partir ne seront pas remboursés s’il n’y a pas d’avis émis par les autorités.»

Les agents de voyages sont inondés d’appels de clients paniqués. Évidemment, les plus vulnérables, malades ou âgés ont raison de s’inquiéter à cause de «la facilité du pathogène à se transmettre entre humains et [de] la sévérité des symptômes qu’il engendre», comme l’a rappelé Le Soleil.

Le gouvernement du Canada recommande aux Canadiens d’éviter les voyages non essentiels en Chine et d’éviter tout voyage dans la province de Hubei. Si l’on doit malgré tout se rendre dans les environs de Wuhan, voici les mesures à prendre :

  • lavez-vous les mains fréquemment avec de l’eau savonneuse pendant au moins 20 secondes;
  • utilisez un désinfectant pour les mains à base d’alcool si vous n’avez pas accès à du savon et à de l’eau (il est recommandé de toujours en garder avec vous lorsque vous voyagez);
  • mangez et buvez en toute sécurité à l’étranger en évitant les aliments et la viande crus ou insuffisamment cuits;
  • évitez les zones à haut risque telles que les fermes, les marchés d’animaux vivants et les zones où les animaux peuvent être abattus;
  • évitez tout contact étroit avec des personnes susceptibles d’être malades, en particulier si elles ont des difficultés à respirer ou si elles ont de la fièvre ou souffrent d’une toux;
  • évitez tout contact avec les animaux (vivants ou morts), y compris les porcs, les poulets, les canards et les oiseaux sauvages, et les objets contaminés par leurs fluides organiques.

Ces mesures m’apparaissent pertinentes pour toutes les destinations touchées.

Lavez-vous les mains fréquemment avec de l’eau savonneuse pendant au moins 20 secondes. Crédit photo : Pixabay

Plus radicale, la France estime pour sa part qu’il est «préférable de différer les déplacements à l’étranger».

Ultimement, la question n’est pas d’avoir peur ou pas du virus: c’est surtout d’être prêt à toutes les éventualités possibles, peu importe où l’on se rend. Partir dans une zone touchée et risquer de se retrouver en quarantaine n’est pas à prendre à la légère si l’on a des engagements, peu importe sa santé ou son âge. Voyager sans assurances adéquates m’apparaît irresponsable de façon générale, mais encore plus dans une période aussi remplie d’incertitudes.

«Si vous partez en voyage dans un autre pays, il ne faut pas paniquer, mais appliquer des mesures simples et de bon sens afin d’éviter tout tracas», soutient Le Routard. Ne pas paniquer chez soi serait déjà un bon début…

L’auto-isolement volontaire au retour

Pour ma part, à mon retour d’Asie, j’ai retrouvé mon mari enrhumé. Bien qu’il n’ait pas voyagé, ses symptômes pourraient facilement s’apparenter à ceux du coronavirus. Comme il y a de forts risques que la proximité m’amène à développer les mêmes, j’ai décidé de limiter mes déplacements au cours des deux prochaines semaines, histoire de ne pas semer la panique dans mon entourage. Certains gouvernements prônent d’ailleurs l’auto-isolement pour toute personne ayant voyagé dans les zones touchées par le COVID-19. Au Canada, on demande maintenant aux voyageurs de retour d’Iran de rester chez eux pendant 14 jours.

Comme je l’ai mentionné la semaine dernière, constater de visu les mesures mises en place en Asie m’a rassurée beaucoup plus qu’inquiétée. Je vois difficilement comment j’aurais pu attraper quoi que ce soit avec toutes les précautions prises. Seul le confinement dans les avions laisse planer un léger doute (et encore).

Il m’apparaît essentiel de rappeler, une dernière fois, que le risque de contracter le COVID-19 reste minime, même en voyageant dans les zones affectées.

Pour ma part, je pense qu’il est possible de trouver un juste milieu entre le désir de voir du pays et la gestion du risque. S’informer auprès de sources fiables et prendre la situation au sérieux ne veut pas dire rester terré chez soi, à moins d’avoir été en contact avec la maladie. Le déni comme la panique ne sont jamais de bons alliés. Mais la planète est grande et la liste de pays où peu ou pas de cas de COVID-19 ont été répertoriés, encore longue. Voilà peut-être l’occasion d’élargir encore davantage ses horizons?

Sources à consulter: