La chronique Voyage de Marie-Julie Gagnon

Auteur(e)
Photo: Mélanie Crête

Marie-Julie Gagnon

Auteure, chroniqueuse et blogueuse, Marie-Julie Gagnon se définit d’abord comme une exploratrice. Accro aux réseaux sociaux (@mariejuliega sur X et Instagram), elle collabore à de nombreux médias depuis une vingtaine d’années et tient le blogue Taxi-brousse depuis 2008. Certains voyagent pour voir le monde, elle, c’est d’abord pour le «ressentir» (et, accessoirement, goûter tous les desserts au chocolat qui croisent sa route).

Comment voyagerons-nous en 2024?

Après ma revue de presse annuelle des tendances touristiques des médias des quatre coins de la planète, je trouve toujours intéressant d’assister au Gueuleton touristique de la Chaire de tourisme Transat, qui s’adresse surtout aux professionnels de l’industrie. Ce qui ressort de l’édition de cette année, concoctée par une équipe solide composée d’une douzaine d’experts et présentée au Centre Pierre-Péladeau de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) le 31 janvier?



Disons-le d’entrée de jeu: «tendance» ne veut pas forcément dire «nouveau». Certaines sont le prolongement de courants déjà bien présents. On ne s’étonne pas, par exemple, de voir dans la liste le télétravail, maintenant mieux accepté de la part des employeurs.

L’édition de cette année a été bonifiée par la présence sur scène d’invités œuvrant dans différentes sphères du tourisme et de différentes générations: Vincent Leclerc, vice-président solution client chez Lanla par Publipage, Marie-Claude Racine, directrice marketing et communication d’Estérel Resort, Martin Lessard, directeur du MT Lab, et Simon Girard, directeur général de Voyages Latitude de Navette Nature. L’animation était assurée par Marc-Antoine Vachon, titulaire de la Chaire de tourisme Transat.

Mes observations, pêle-mêle

1. On est moins riches, mais on souhaite quand même voyager

Ce n’est pas parce qu’on a moins d’argent qu’on veut se sentir pauvre. C’est ce que j’en déduis en consultant les chiffres présentés lors du Gueuleton touristique. Environ 34% des voyageurs interrogés par la Chaire de tourisme Transat en novembre 2023 considèrent le voyage parmi les dépenses prioritaires. Une étude menée par Destination Canada a quant à elle révélé en mars 2023 que pour 48% de la population canadienne, les dépenses liées aux voyages constituent une priorité. Dans le Cahier tendances 2024 de 70 pages concocté par le Réseau Veille Tourisme de la Chaire de tourisme Transat, on observe que les Québécois sont nombreux à vouloir partir malgré le contexte inflationniste: «selon le sondage de la Chaire, 84% des répondants qui mentionnent que la situation économique actuelle représente un frein au voyage jugent tout de même probable d’effectuer un séjour d’agrément en 2024».

Les Québécois sont nombreux à vouloir partir malgré le contexte inflationniste. Photo: Depositphotos

Le luxe semble par ailleurs important pour plusieurs, même les un peu moins fortunés, qui aiment s’offrir certains plaisirs comme un surclassement en avion. Nul besoin d’opter pour l’exorbitante classe Affaires puisque plusieurs compagnies aériennes ont ajouté des classes intermédiaires. Les voyageurs qui recherchent le luxe sont par ailleurs très exigeants (est-ce vraiment une surprise?): ils souhaitent en avoir pour leur argent! «Luxe ne veut pas dire insensible au prix», a lancé Vincent Leclerc.

2. Voyager, c’est bon pour notre moral… et celui des autres

La première tendance présentée lors de l’événement: «la quête du bonheur inspire à voyager». Un chiffre est particulièrement éloquent: «64% des voyageurs québécois croient que le voyage joue un rôle important pour leur santé mentale». Ceux qui reconnaissent l’importance du voyage pour leur santé mentale disent souhaiter continuer à voyager malgré le contexte actuel dans une proportion de 73%. «La moitié déclare que le voyage demeure une dépense prioritaire dans leur budget, contre seulement 7% de ceux qui n’associent pas le voyage à leur santé mentale», souligne le rapport.

64% des voyageurs québécois croient que le voyage joue un rôle important pour leur santé mentale. Photo: Depositphotos

Au-delà de son bien-être personnel, il y a aussi celui des autres. Le tourisme régénératif, qui vise à apporter un impact positif sur les destinations et les populations visitées, gagne du terrain. «En plus d’avoir le sentiment de faire du bien, cela leur permet aussi de ressentir une connexion avec les résidents ou le territoire visité, de vivre une expérience significative et de laisser une trace positive de leur passage», dit le rapport.

Petit hic: l’équipe de la Chaire de tourisme Transat a constaté qu’aucun changement n’a été observé quant à la proportion de voyageurs québécois qui adoptent certains comportements écoresponsables depuis trois ans. «On a atteint un plateau», dit Marc-Antoine Vachon.

3. Les voyages axés sur le bien-être ont la cote

Partir pour prendre soin de soi reste une niche très prisée. «La tendance des voyages de bien-être continuera d’ailleurs à prendre de l’ampleur si l’on se fie aux projections de la GWI [Global Wellness Institute]. En effet, ce type de tourisme devrait croître en moyenne de 16,6% par an jusqu’en 2027.»

4. Le télétravail a encore la cote

Bien des éléments soulevés s’apparentent au fameux «bleisure», mot-valise abondamment entendu ces dernières années pour définir la combinaison des voyages d’affaires avec quelques jours de vacances. Dans ce cas-ci, on parle de «séjours hybrides des télétravailleurs». Martin Lessard a par exemple raconté que les employés du MT Lab ont la possibilité de télétravailler une semaine avant ou une semaine après leurs vacances à l’extérieur.

Dans certains cas, le télétravail permet de prolonger les vacances et les voyages.

Mon grain de sel: on risque de voir encore plus d’offres de la part de différents acteurs de l’industrie touristique cibler directement les voyageurs qui souhaitent travailler de l’étranger. Des exemples récents: Vaolo a conclu des ententes avec des hébergements bien adaptés au télétravail dans une dizaine de destinations pour obtenir 50% de rabais pour des réservations avec un minimum de nuitées réservées à certaines périodes de l’année. Air Transat propose pour sa part depuis quelques années la collection Hors du bureau, afin que les voyageurs puissent repérer facilement les hébergements qui peuvent convenir aux travailleurs à distance. Pour le moment, les hôtels de la collection se trouvent à Cuba, en Jamaïque, au Mexique, au Panama et en République dominicaine.

5. On voyage de plus en plus hors saison

Bien des retraités l’ont compris: partir en évitant la période des vacances scolaires permet d’économiser et d’éviter la cohue. Ils ne sont plus les seuls à rechercher ces moments où économie et calme sont possibles: «selon l’enquête de la Chaire de tourisme Transat, 59 % des répondants ont voyagé en dehors des périodes de vacances habituelles en 2023». Que ce soit pour éviter la canicule ou profiter de rabais substantiels, partir à contre-courant comporte de nombreux avantages.

Mon grain de sel: si la flexibilité reste la meilleure manière d’avoir de bons prix – on peut par exemple repérer des destinations en consultant la carte de Google Flights ou des blogues et infolettres comme Yulair ou les Vols d’Alexi –, le temps demeure l’allié le plus précieux pour profiter pleinement d’une expérience de voyage. Tout le monde est gagnant quand on reste plus longtemps au même endroit, tant les voyageurs que la communauté d’accueil.

6. Luxe et aventure pour les 50 ans et plus

On observe de plus en plus de voyages de groupe destinés aux plus douillets. Bien connue dans le monde du voyage d’aventure, l’entreprise G Adventures développe pour sa part une nouvelle série d’itinéraires guidés conçus pour les 50 ans et plus qui souhaitent un plus grand confort ou des expériences plus luxueuses.

L’entreprise G Adventures développe une nouvelle série d’itinéraires guidés conçus pour les 50 ans et plus qui souhaitent un plus grand confort ou des expériences plus luxueuses.

Extrait du Cahier tendances: «Les composantes du séjour correspondent aussi aux valeurs associées à l’entreprise, c’est-à-dire de générer des retombées positives dans la communauté d’accueil et de bénéficier aux entrepreneurs locaux tout en minimisant l’impact environnemental. Il s’agit d’un positionnement qui contribue à sa renommée. La collection de séjours Geluxe propose ainsi aux voyageurs matures et actifs, la découverte de destinations par des activités d’aventure, des ateliers de cuisine locale, des séances de yoga dans des sites idylliques, le tout avec des hébergements d’expérience haut de gamme et de la restauration gastronomique. » Il faut toutefois s’attendre à des prix conséquents. À noter que les guides de G Adventures sont anglophones.

7. Les Québécois continuent d’aimer explorer le Québec… et de le savourer!

L’été, les Québécois aiment sillonner leur province. «Le plein air occupe une place importante dans le cœur des Québécois lorsqu’ils voyagent pendant la saison estivale, indique le rapport.

L’été, les Québécois aiment sillonner leur province et s'offrir des expériences gourmandes. Photo: Facebook Homard Gaspésien

Les expériences gourmandes ainsi que les activités culturelles, comme les festivals ou les événements, suivent de près.» Par contre, les réservations se font souvent à la dernière minute, comme le faisait remarquer Marie-Claude Racine, ce qui n’est pas idéal pour les hôteliers.

L’intelligence artificielle, l’effet des changements climatiques et les comportements responsables font aussi partie des sujets qui ont été abordés.

Vous reconnaissez-vous dans ces chiffres et observations? Pour consulter le Cahier tendances 2024 réalisé par le Réseau Veille Tourisme de la Chaire de tourisme Transat, par ici.