La chronique Voyage de Marie-Julie Gagnon

Auteur(e)
Photo: Mélanie Crête

Marie-Julie Gagnon

Auteure, chroniqueuse et blogueuse, Marie-Julie Gagnon se définit d’abord comme une exploratrice. Accro aux réseaux sociaux (@mariejuliega sur X et Instagram), elle collabore à de nombreux médias depuis une vingtaine d’années et tient le blogue Taxi-brousse depuis 2008. Certains voyagent pour voir le monde, elle, c’est d’abord pour le «ressentir» (et, accessoirement, goûter tous les desserts au chocolat qui croisent sa route).

Comment voyagerons-nous demain?

Après avoir participé au colloque sur le tourisme du futur organisé par l’organisme Le voyages à Nantes du 6 au 8 septembre derniers, je passe quelques jours à Paris avant de rentrer à Montréal. Une chose me frappe depuis mon arrivée dans la Ville Lumière: c’est déjà demain… mais les défis restent nombreux.



Rue de Rivoli, dimanche 12 septembre 2021. Dans un taxi, je constate soudainement qu’il n’y a que des vélos, des trottinettes et des patineurs dans la voie d’à-côté. Un reportage de Marie-Ève Bédard diffusé en septembre 2020 me revient alors en mémoire: de la Bastille à la Concorde, les cyclistes sont maintenant rois sur cette rue mythique. Seuls les taxis et les autobus sont autorisés à circuler, en plus du personnel soignant, des véhicules de secours et pour personnes handicapées.

Alors que les multiples questions soulevées pendant le colloque de la semaine dernière continuent de m’habiter, je réalise que j’ai devant moi un exemple concret d’un des aspects abordés: une véritable volonté politique de diminuer le nombre de voitures en circulation.

Sur la rue de Rivoli. Photo: Marie-Julie Gagnon

Après la piétonnisation des berges lors de son premier mandat, la mairesse – la maire, disent les Français – Anne Hidalgo s’attaque maintenant à la circulation routière dans tout le centre de la capitale. En 2020, l’usage du vélo a fait un bond de 60%. Si l’utilisation des trottinettes continue de faire polémique – selon la loi, ils ne doivent pas dépasser une vitesse de 25 km/h, ne peuvent transporter qu’un seul passager et ne peuvent pas rouler sur les trottoirs, règlements loin d’être respectés par tous les usagers selon les observations de l’auteure de ces lignes –, les vélos sont eux plus accessibles que jamais. Les Parisiens ont droit à une aide financière pour se procurer un moyen de transport plus «propre». Les touristes comme les Parisiens peuvent aussi opter pour les bicyclettes en libre-service, dont les «Vélib», lancés en 2007. Ici aussi, les vélos électriques gagnent en popularité.

Rares sont ceux qui respectent les règles en trottinette. Photo: Marie-Julie Gagnon

Pas de doute: les moyens de transport seront au cœur des discussions quand les voyages non essentiels seront de nouveau à l’ordre du jour. Prendrons-nous aussi souvent l’avion, responsable de 2 à 3% des émissions mondiales? Les voyages d’affaires seront-ils aussi fréquents, alors que les rencontres par visioconférence sont devenues la norme depuis le début de la pandémie? L’avion électrique deviendra-t-il une réalité?

Les transporteurs aériens comme les fabricants cherchent le meilleur moyen de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES). Airbus a comme objectif d’être le premier transporteur zéro émission grâce à des avions propulsés à l’hydrogène (si vous êtes curieux, cet article de Futura Sciences en dit un peu plus), a souligné Marc Hamy, vice-président d’Airbus responsable des affaires générales, du développement durable et de l’environnement, pendant la table ronde intitulée «Quel transport demain?».

Le sociologue et essayiste Rodolphe Christin rappelle pour sa part l’importance de la sobriété, dénonçant au passage le marketing touristique. «Plus loin n’est pas forcément mieux», croit-il. Le tourisme ne fait plus l’unanimité, observe-t-il. Et puis, «la COVID a démontré la vulnérabilité des économies qui ont trop misé sur le tourisme».

Il prône par ailleurs la limitation du nombre d’avions et l’utilisation de véhicules plus compacts. «Ne peut-on pas imaginer un marketing de la sobriété plutôt que de rechercher toujours plus gros, plus puissant?» martèle l’auteur de La vraie vie est ici.

Directrice TGV Atlantique SNCF, Agnès Ogier estime quant à elle que tout voyageur devrait se demander avant de partir: «Est-ce que ce voyage a de la valeur et si je n’ai pas un substitut, comment je vais le faire?»

Agnès Ogier, Directrice TGV Atlantique SNCF. Photo: Marie-Julie Gagnon

De l’Europe au Québec

Bien que la taille de notre territoire, la faible densité de population et nos infrastructures ferroviaires obsolètes entraînent des défis différents de ceux des Européens, plusieurs éléments soulevés pendant le colloque peuvent alimenter notre réflexion. Au-delà de l’empreinte carbone, le transport reste nécessaire pour entretenir nos liens. «70% des gens se déplacent dans leur famille», a rappelé le sociologue Jean Viard, aussi animateur du colloque.

Des deux jours passés à écouter les différents intervenants français, espagnols, suédois et norvégiens, je retiens l’importance de mieux gérer les flux touristiques pour éviter la surfréquentation des sites, la nécessité de créer des expériences qui séduisent d’abord les habitants des villes où elles sont mises de l’avant et de redéfinir notre rapport à l’exotisme. La pandémie nous aura forcés à explorer nos coins de pays respectifs: continuer de miser sur la proximité pour les vacances reste une option à privilégier. Cela ne signifie pas de cesser complètement de voir du pays. «Je pense que la rareté du voyage peut contribuer à son intensité», observe Rodolphe Christin.

Alors que j’évite une énième trottinette sur le trottoir, je me dis que les défis restent encore nombreux, d’un côté comme de l’autre de l’Atlantique. C’est une chose de mettre des solutions en place, c’en est une autre de voir comment chacun se les appropriera.

Je suis l’invitée du Voyage à Nantes et d’Atout France.